Quadropolis : Sim City dans une boîte Test JDS

Quadropolis : Sim City dans une boîte

Véritable usine à succès, Days of Wonder suit une philosophie simple. Limiter les projets lui permet d’accorder plus de temps au développement de chacun pour peaufiner autant que possible les mécaniques de gameplay et la qualité du matériel. Si cette façon de faire n’empêche pas l’éditeur d’annoncer régulièrement de nouvelles extensions pour ses succès déjà en boutiques, son calendrier de grosses sorties est déjà plus clairsemé faisant de chaque nouveauté un petit événement en soi. Le dernier né dans cette longue famille s’appelle Quadropolis et qu’il le veuille ou non, une énorme pression pèse déjà sur ses épaules puisqu’il a la lourde tâche de succéder au splendide Five Tribes.

Vu le pedigree de l’éditeur, les joueurs attendent, même inconsciemment, de Quadropolis un jeu aussi bon, voire encore mieux que Five Tribes. Évidemment, comparer deux jeux sous prétexte qu’ils partagent le même éditeur est complètement idiot. Surtout lorsque dans le cas échant il ne s’agit pas du même auteur, ni du même illustrateur, et encore moins du même thème. Tout au plus est-il possible de comparer le niveau de production. Et dans ce domaine, Days of Wonder reste fidèle à lui-même en dotant Quadropolis d’un matériel haut de gamme essentiellement constitué de tuiles bien épaisses comme on les aime. Les plateaux individuels pour chaque joueur sont quant à eux en papier, on aurait aimé qu’ils soient en carton également mais c’était sans doute prendre le risque de les voir se bomber au fil du temps et des parties. Pour le reste, les petits meeples translucides, la feuille de score, le sac pour touiller les tuiles et même le thermoformage à l’intérieur de la boîte reflètent le sens du détail si caractéristique chez cet éditeur.

Permis (de construire) à points

Plus il y a d'étages et plus l'habitation rapporte de points.

Plus il y a d’étages et plus l’habitation rapporte de points.

Comme évoqué plus haut, le thème de Quadropolis n’a rien à voir avec les précédents jeux Days of Wonder Il s’agit même d’une thématique assez inhabituelle pour l’éditeur dont les productions sont généralement alimentées par un sentiment de voyage ou d’aventure. Après avoir protégé Camelot, bâti un temple pour Cléopâtre, établi un empire ferroviaire, écumé les Caraïbes dans un bateau pirate, guerroyé dans un petit royaume fantastique, enquêté à bord de l’Orient Express, arpenté la jungle à la recherche de reliques perdues, ou encore traversé le désert grâce à l’aide de djinns mystiques, le nouveau Days of Wonders nous propose en quelque sorte de nous reposer et de nous asseoir confortablement dans le fauteuil de maire d’une ville qui ne demande qu’à se développer. Pour cela, chaque joueur devra choisir au mieux les tuiles représentant les types de bâtiment qu’il souhaite placer dans sa propre ville. Toute l’astuce consiste à pouvoir récupérer les tuiles appropriées et à les ordonner le plus efficacement possible sur son plateau personnel afin d’engranger plus de points que ses adversaires.

À la fin de la partie, les parcs peuvent absorber une unité d'énergie.

À la fin de la partie, les parcs peuvent absorber une unité d’énergie.

Chaque type de bâtiments permet de marquer des points différemment. Les habitations sont “notées” en fonction de leur nombre d’étages, les commerces en fonction du nombre de clients qu’ils accueillent, les parcs en fonction du nombre d’habitations qui les entourent et ainsi de suite. On trouve aussi des usines, des ports, des services publics et, en mode expert seulement, des monuments et des bureaux qui nécessitent encore tous des conditions de placements bien spécifiques pour rapporter des points. Et ce n’est pas tout, puisqu’il faut aussi s’assurer qu’en fin de partie chaque bâtiment soit bien activé pour obtenir les points promis. Pour cela, il faudra lui fournir de l’énergie ou des habitants suivant ce que la tuile demande. Ces ressources seront directement reçues en plaçant lesdites tuiles dans sa ville. Ainsi, les habitations accordent logiquement des habitants supplémentaires, tandis que les usines fournissent généralement de l’énergie. Mais attention, car se retrouver en fin de partie avec un surplus d’habitants ou d’énergie équivaut à autant de points négatifs dans l’équation finale. Chacun devra donc minutieusement opérer pour tenter de concocter une parfaite synergie entre les ressources récoltées et celles utilisées afin de se retrouver avec une balance nulle lors du décompte finale.

Deux modes : Classic ou Expert

Les architectes indiquent la tuile à prendre mais aussi là où la placer dans notre ville personnelle.

Les architectes indiquent la tuile à prendre mais aussi là où la placer dans notre ville personnelle.

Quadropolis propose deux modes de jeu : “classic” et “expert”. Outre l’apparition d’un round supplémentaire, l’accroissement de la ville et l’introduction de nouveaux bâtiments dans le mode expert, c’est surtout les règles de placements qui changent radicalement la façon d’aborder une partie. Dans le mode “classic”, chaque joueur reçoit quatre architectes à sa couleur numérotés de 1 à 4. À son tour, il devra déposer l’un de ces architectes autour du plateau central où se trouve l’ensemble des tuiles disponibles. Le numéro et la direction vers laquelle pointe cet architecte indiqueront la tuile que le joueur devra prendre. Par exemple, la troisième tuile dans la colonne pointée. Ce bâtiment devra ensuite être placé dans la ville du joueur soit dans la colonne soit dans la ligne correspondant au chiffre de l’architecte utilisé. Donc dans la colonne 3 ou dans la ligne 3 selon l’exemple précédent. Mais ce n’est pas tout puisque chaque tuile récupérée sur le plateau central sera immédiatement remplacée par le pion de l’urbaniste, symbolisant une contrainte supplémentaire pour le joueur suivant puisqu’il lui sera interdit de pointer vers cet urbaniste en plaçant son architecte. Enfin, deux architectes ne peuvent être placés l’un sur l’autre.

En mode experts, les bureaux (en bas à gauche) rapportent un véritable pactole.

En mode expert, les bureaux (en bas à gauche) rapportent un véritable pactole.

La plupart de ces contraintes se retrouvent dans le mode “expert”, même si celui-ci bouleverse les règles pour nous frotter à des méthodes d’urbanisme différentes et de prime abord moins restrictives. D’abord, il n’existe plus d’architecte de couleur spécifique, tous sont rassemblés dans un pool commun au sein duquel apparaissent aussi des architectes numérotés 5. Ce groupe commun signifie que les joueurs ne sont plus limités à utiliser un architecte de chaque numéro pendant un round mais peuvent très bien compter sur plusieurs architectes 2 si cela leur permet de récupérer les tuiles souhaitées. Les nouvelles règles de placement font également disparaître les notions de lignes ou de colonnes dans la ville. Désormais, le numéro de l’architecte utilisé indique le numéro de la case ou du quartier où la tuile peut être placée. Avec sa ville plus étendue combinée au groupe d’architectes communs et à cette autre méthode de placement de tuiles, le mode “expert” semble a priori offrir plus de liberté aux joueurs. Et dans un sens, c’est bien le cas. Cependant, l’ajout de nouveaux bâtiments et le fait que chacun puisse utiliser plusieurs fois le même type d’architecte rend la compétition tout aussi sévère lorsqu’il s’agit de s’emparer des bâtiments convoités. Les bureaux, par exemple, sont capables de rapporter un vrai pactole s’ils sont correctement placés. Encore faut-il parvenir à les récupérer et à les alimenter.

Deux villes, deux modes de jeux. Classic à gauche, Expert à droite.

Deux villes, deux modes de jeux. Classic à gauche, Expert à droite.

Planification urbaine

L'urbaniste vient remplacer la tuile prise. Il est interdit de poser un architecte qui pointerait vers lui.

L’urbaniste vient remplacer la tuile prise. Il est interdit de poser un architecte qui pointerait vers lui.

Quel que soit le mode choisi, Quadropolis offre une expérience relativement cérébrale qui requiert pas mal de concentration – surtout lorsque l’on comprend qu’il faut constamment prévoir autant d’alternatives à son prochain coup qu’il y a d’adversaires autour de la table. En effet, il arrive souvent qu’un autre joueur viennent nous couper l’herbe sous le pied, que ce soit en plaçant un architecte là où on le souhaitait, en laissant l’urbaniste dans notre ligne de mire ou tout simplement en s’emparant de la tuile convoitée. Il faut donc systématiquement se préparer mentalement à devoir réadapter ses plans en fonction de ce que les adversaires risquent de faire. De loin, ce sentiment rappelle celui de Five Tribes, même si les effets de sont pas aussi dramatiques et que l’on trouve généralement de quoi se rattraper dans Quadropolis, notamment dans le mode “expert” plus riche et plus ouvert. C’est d’autant plus vrai que Quadropolis récompense une certaine variété au sein de la ville puisque les bâtiments fonctionnent pour la plupart de concert (les usines gagnent des points pour chaque port ou chaque commerce adjacent, une habitation a besoin de l’énergie fournie par les usines pour être activée et marquer des points, etc.). Du coup, même si on n’obtient pas le bâtiment souhaité pour poursuivre dans une stratégie globale bien précise, on trouve toujours une autre tuile tout aussi alléchante pour rattraper le coup et soutenir une stratégie annexe.

L’ensemble fonctionne indéniablement très bien et il faut bien avouer que ce petit microcosme que l’on bâtit tuile après tuile procure une réelle satisfaction lorsque tout s’emboîte parfaitement et que les ressources sont intelligemment utilisées. Paradoxalement, le thème passe pourtant rapidement au second plan transformant vite Quadropolis en jeu de placement presque abstrait. Là où Days of Wonder s’était fait une spécialité de donner de la consistance à la thématique à travers le matériel et les mécaniques de gameplay, on reste même sur sa faim en se disant qu’il manque quelque chose pour donner du relief à la partie. Et nous ne parlons vraiment pas de miniatures pour profiter de bâtiments en plastique, mais plutôt d’un ingrédient qui permettrait à Quadropolis d’offrir une profondeur supplémentaire aux parties. Peut-être quelque chose qui engendrerait de plus gros retournements de situations, ou bien qui forcerait les joueurs à tenter de nouvelles approches au lieu de s’enfermer dans des automatismes. Après quelques parties seulement, on note en effet que chacun prend ses aises et finit généralement par courir après le type de bâtiments avec lequel il a le plus d’affinités sans que le jeu, ni ses adversaires ne parviennent à lui mettre de réels bâtons dans les roues. Il y aura donc toujours le joueur adepte des ports, celui qui ne jure que par les parcs ou encore celle qui rafle les services public. Le nombre fixe de tours de jeu accentue cet effet puisque chacun mène sa petite vie en sachant qu’il a tant de tours pour réaliser la meilleure ville possible, et qu’il n’a donc pas spécialement de temps à accorder à ses adversaires pour chercher à les bloquer.

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L'avis d'extralife
  1. Auteur : François Gandon
  2. Illustrations : Sabrina Miramon
  3. Editeur : Days of Wonder
  4. Genre : Stratégie, City Builder
  5. Date de sortie : 2016
  6. Nombre de joueurs : 2 à 4 joueurs
  7. Age recommandé : À partir de 8 ans
  8. Durée de la partie : 30 à 60 mn
  • quadropolis_boiteQuadropolis repose indéniablement sur de solides bases de gameplay mêlant logique, anticipation, calcul et stratégie à court et long terme. En cela, il parlera très certainement aux joueurs qui aiment réfléchir, étudier et optimiser l'ensemble de leurs coups possibles à chaque tour. Quadropolis brillera aussi auprès des joueurs qui aiment construire leur tableau dans leur coin sans avoir à subir trop de compétition. La course au score n'est pas totalement absente, mais elle ne devient pertinente qu'à condition de prendre du recul sur ses propres automatismes pour se forcer à aborder chaque partie selon une stratégie différente. Sans cela, les parties finissent par se ressembler et par manquer de piquant.
3
Jihem

La découverte de BurgerTime aux débuts des années 80 aura clairement affecté la vie de ce grand bonhomme. Non seulement, Jihem a développé une passion pour les jeux vidéo, mais il a également choisi de s'installer au pays du hamburger. Sa mère est plutôt heureuse qu'il n'ait pas découvert les jeux avec Boogerman.

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1 commentaire

  1. Galiat
    Galiat
    1 juin 2016 à 0 h 22 min

    Pour y avoir joué 3 fois, c’est un très bon jeu de placement.

    Le thème s’applique bien au jeu, mais il est vrai que ce n’est pas avec ce jeu qu’on se prend réellement pour un maire à la SimCity!
    Le thème n’est pas plaqué, mais n’est pas approfondi. Il s’agit d’un jeu de placement simple, relativement rapide, et facile à sortir en famille ou entre ami !

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