T.I.M.E Stories : La faille n’est pas que temporelleTest JDS

T.I.M.E Stories : La faille n’est pas que temporelle

Depuis 2013, l’éditeur Space Cowboys s’est montré plus que prolifique et a acquis ses lettres de noblesse avec des titres comme Splendor et Elysium. Mais c’est probablement T.I.M.E Stories qui aura suscité le plus d’engouement, que ce soit avant ou après sa sortie. Il faut dire que l’œuvre de Manuel Rozoy a de quoi intriguer sur le papier : un mélange de jeu de rôle et de jeu de plateau coopératif, plaçant la narration et l’exploration au cœur d’une énigme spatio-temporelle…

L'agence T.I.M.E protège l'humanité en envoyant des agents temporels dans le passé.

L’agence T.I.M.E protège l’humanité en envoyant des agents temporels dans le passé.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, sachez que T.I.M.E Stories sert de support central à une multitude d’aventures à venir, que vous serez libres d’acheter ou pas en fonction de votre attirance pour tel ou tel scénario. La boîte de base contient la mission Asylum, matérialisée par un deck de cartes. Vous y incarnez des agents temporels envoyés dans le passé (en 1921 pour être plus précis), en plein asile psychiatrique. À vous alors de recueillir un maximum d’indices en interrogeant ses pensionnaires ou en explorant tous ses recoins afin d’éviter la création d’une faille temporelle. Pour ce faire, vous investissez le corps de divers personnages, appelés « réceptacles », disposant de caractéristiques communes (combat, adresse et bagou) et d’une capacité spéciale. Celle-ci peut être bénéfique ou néfaste suivant les situations et le traumatisme subi par le réceptacle. Ainsi, Marie Bertholet, souffrant d’érotomanie, fait usage de ses charmes pour améliorer ses jets de bagou. Ferdinand Meunier est quant à lui traumatisé par la guerre et ne peut plus agir lorsqu’il se retrouve face à un ennemi sur le point de mourir. Une fois votre personnage choisi, vous pouvez commencer votre mission en pénétrant dans la première pièce de l’asile, la salle de repos.

Posez les cartes dans l'ordre sur le plateau pour recréer le panorama de la salle.

Posez les cartes dans l’ordre sur le plateau pour recréer le panorama de la salle.

Cela se traduit par la pose de toutes les cartes correspondant à la salle visitée sur le plateau, jusqu’à former un panorama. Le Time Captain (la personne menant les débats et tranchant en cas de désaccord entre les joueurs) retourne alors la première carte et lit à haute voix son descriptif. Vous choisissez ensuite d’explorer les lieux en posant votre pion au-dessus de la carte qui vous intéresse afin d’y trouver les indices qui vous conduiront à la victoire. En plus d’être particulièrement originale et incroyablement efficace, cette mécanique de jeu, baptisée decksploration, met parfaitement en valeur les illustrations de Benjamin Carré, de David Lecossu et de Pascal Quidault. D’une qualité exemplaire, elles retranscrivent à la perfection l’atmosphère mystérieuse et inquiétante qui règne dans l’asile.

Vos réceptacles ont fière allure... Ou pas !

Vos réceptacles ont fière allure… Ou pas !

Si votre curiosité ou votre sens de la déduction vous permet généralement d’obtenir plus ou moins facilement des indices (représentés par des cartes Élément ou des jetons), vous devez de temps à autre surmonter des épreuves mettant en jeu vos caractéristiques et requérant des jets de dés afin de progresser dans votre enquête. Il convient alors de garder un œil particulièrement attentif sur votre stock d’unités de temps (UT), votre seule et unique ressource rendant possible le voyage dans le temps. En effet, en accomplissant diverses actions (jets de caractéristiques, déplacements ou encore changements de lieu), vous consommez des unités. Une fois votre réserve à zéro, la partie (ou « run » dans les règles) se termine, vous retournez dans votre base et devez retenter l’aventure. Et c’est là que réside le défaut majeur de T.I.M.E Stories : les jets de dés étant extrêmement nombreux, il n’est pas rare de perdre une importante quantité d’UT lors d’une ou plusieurs épreuves successives, ce qui est d’autant plus frustrant lorsqu’elles aboutissent à des fausses pistes. Si la présence de ces fameuses fausses pistes est tout à fait légitime, on accepte beaucoup moins le fait qu’elles puissent condamner l’équipe à l’échec, soit par manque de chance, soit parce que le jeu ne donne pas suffisamment d’informations, à cause d’une narration largement perfectible. Tout cela donne réellement l’impression de subir l’aventure plus que de la vivre, un peu comme dans un mauvais livre dont vous êtes le héros.

Malheureusement, les choses ne s’arrangent guère durant les runs suivants et l’on finit par pester contre ces maudits jets de dés qui les rendent parfois encore plus courts que les précédents. Comble du comble, après avoir échoué plus d’une fois, vous disposez d’un stock d’UT illimité, comme si les créateurs étaient conscients des soucis de game design de leur produit et l’avaient conçu de sorte qu’il soit impossible de résoudre l’énigme du premier coup. Une façon contestable de gonfler artificiellement la durée de vie du jeu, qui ne bénéficie d’aucune rejouabilité une fois la clé du mystère trouvée…

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L’avis d’Alexis

La promesse d’un jeu de société porté sur la narration a de quoi séduire tous les amateurs de jeux de rôle qui n’ont plus suffisamment de temps libre pour se plonger dans des campagnes aussi épiques que chronophages. C’est le parti pris assumé par les créateurs de T.I.M.E Stories, et il faut reconnaître qu’il est plutôt courageux de leur part d’expérimenter dans cette voie. Seulement voilà, au bout du compte on se retrouve avec une histoire qui tient à peine debout, truffée de questions restées sans réponses et d’incohérences scénaristiques. Les ingrédients étaient bien là pour nous poser une ambiance, malheureusement la trame ne suit pas, on a finalement l’impression d’avoir affaire à un livre dont vous êtes le héros qui aurait oublié de nous raconter une histoire, un peu comme une coquille vide en somme.

L’avis de Nicolas G.

Après de brèves explications sur ce que nous sommes (des recrues), on se retrouve immédiatement transporté dans un monde truffé de pièges nous faisant perdre du temps (UT), ressources indispensables dans le jeu. On découvre donc les patterns du jeu alors que nous sommes déjà dans la partie. Du coup, on a l’impression de ne rien maitriser et d’être manipulés. Et puisque le moindre détail a une très grande importance, passer à côté d’un indice peut nous empêcher de résoudre l’énigme finale, nous faire tourner en rond pendant pas mal de temps et donc nous faire perdre pas mal d’UT. En soi, l’idée de T.I.M.E Stories est géniale, mais il y a juste des ajustements à faire. Je pense notamment que l’addition d’un scénario d’entraînement aurait été judicieuse – un scénario comportant différentes salles pour nous faire découvrir le monde dans lequel on vit, introduire ce qu’il s’est passé et expliquer pourquoi il faut éviter la création d’une faille temporelle… Le jeu n’est par contre pas pour toutes les bourses car ce seront les autres scénarios qui nous en apprendront plus sur l’histoire. On dit Bonjour aux DLC indispensables dans les jeux de société.

L'avis d'extralife
  1. Auteur : Manuel Rozoy
  2. Artistes : Benjamin Carré, David Lecossu, Pascal Quidault
  3. Éditeur : Space Cowboys
  4. Genre : Decksploration
  5. Date de sortie : 2015
  6. Nombre de joueurs : 2 à 4 joueurs
  7. Âge recommandé : À partir de 12 ans
  8. Durée de la partie : 90 mn

L'avis de Sylvain

  • time_stories_boiteJouissant d'une esthétique irréprochable, T.I.M.E Stories pêche malheureusement par une narration mal maîtrisée, une énigme peu convaincante et une trop grande dépendance au hasard, rendant les runs extrêmement frustrants. L'immersion et l'expérience de jeu en pâtissent fortement, d'autant plus que la rejouabilité est inexistante. Dommage car certaines mécaniques, à l'image de la « decksploration », fonctionnent à merveille. Gageons que le second scénario (coûtant tout de même une vingtaine d'euros), intitulé The Marcy Case, saura gommer les défauts du jeu de base et proposera une histoire et une intrigue bien plus passionnante.
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  • L'avis d'Alexis
  • L'avis de Nicolas G.

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3 commentaires

  1. eldarh
    eldarh
    17 octobre 2015 à 9 h 25 min

    Intéressant d’avoir des avis dissonant face à l’engouement autour de ce jeu. J’ai toujours tendance à me méfier des jeux qui se présentent comme des OLNI (Objet Ludique Non Identifié) comme Concept il y a quelques temps. Bien souvent il ne font que réinventer la roue.
    Je n’ai pas été convaincu par le gameplay. Le politique tarifaire, elle est ce qu’elle est. Je pense que c’est un jeu coûteux à fabriquer, Pas sûr que les SC soient satisfait de devoir vendre leur jeu si cher. Cela dit, c’est aussi un bon outil marketing. Concernant la durée de vie, c’est aussi assez gênant. Mais aujourd’hui beaucoup de personnes sont atteintes d’une frénésie d’achat de jeu, beaucoup sont achetés plein tarifs et joués une ou deux fois. Dès lors, TS n’apparaît plus forcément comme un si mauvais investissement. Si on est intéressé par le jeu on peut aussi attendre un peu, je crois qu’il va pulluler en occasion.
    Concernant la production SC, de mon coté mis à part Splendor, le reste m’a laissé plutôt de marbre. Cela dit on ne peut pas nier qu’ils soignent leur production. J’attends de voir ce que va donner leur futur jeu Route 666.

  2. Nostromo
    Nostromo
    18 octobre 2015 à 5 h 04 min

    J’attendais le test pour me faire une idée et je suis bien refroidi..
    Des amis m’en avaient t parlé en bien même si je retrouve la critique sur le facteur chance trop présent dans le jeu.
    Je vais quand même essayé m’incruster dans une partie car le jeu m’intrigue beaucoup..
    Merci pour le test !

  3. Neox
    Neox
    19 octobre 2015 à 14 h 49 min

    Et encore, j’ai pour ma part préféré le scénario Asylum à celui de Marcy Case (niveau ambiance surtout).
    Mais bon, dans l’ensemble c’est un jeu qui plait chez mes proches pour son côté narratif… On y joue l’après-midi en buvant des bières.

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