Abyss : Les Seigneurs de la mer Test JDS

Abyss : Les Seigneurs de la mer

Vous ne vous doutez certainement de rien, mais une incroyable lutte de pouvoir se déroule dans les profondeurs sous-marines où les créatures abyssales se disputent le trône et sont prêtes à tous les coups bas pour étendre leur influence sur les poulpes, hippocampes, coquillages, crabes et méduses. Le soutien de ces peuples alliés leur est même crucial pour attirer l’attention des puissants seigneurs de la cour, ceux là même qui leur donneront ensuite accès à de prestigieux lieux pour étendre toujours un peu plus leur influence.

Le premier contact avec Abyss est d’ordre purement esthétique. Accueilli par le regard inquisiteur d’une inquiétante créature placardée sur la boîte de jeu, le joueur sait qu’il plonge dans un univers particulier et totalement unique. Ce visage qui nous dévisage prend tout l’espace sur la devanture et traduit implicitement la volonté de l’éditeur Bombyx de mettre en avant le splendide travail de l’illustrateur Xavier Collette, quitte à renvoyer le nom du jeu sur la tranche de la boîte. Pour appuyer cette décision culottée, l’éditeur a également mis en place cinq versions différentes du boîtier, chacune dédiée à un visage différent directement associé à l’un des cinq peuples du jeu. Dans Abyss, on trouve ainsi les crabes militaires en rouge, les hippocampes cultivateurs en jaune, les coquillages marchands en vert, les poulpes politiciens en bleu et les méduses mages en violet.

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Le travail d’illustration ne s’arrête pas à la boîte, bien au contraire. Le plateau, les cartes et les tuiles qui composent le matériel sont également marqués du coup de pinceau de l’artiste pour nous immerger littéralement dans un monde de magouilles maritimes. Dans les grandes lignes, les joueurs tentent tous de s’emparer des cartes peuples qui leur permettront de recruter les seigneurs de la cour capables d’ouvrir les portes de différents lieux. Chaque niveau de l’échelle (peuples, seigneurs, lieux) accorde des points d’influence et le joueur qui en obtient le plus à la fin de la partie sera sacré vainqueur.

La piste d'exploratio en haut, le conseil au centre et la cour en bas.

La piste d’exploration en haut, le conseil au centre et la cour en bas.

Le moteur de jeu est donc alimenté par l’obtention de cartes peuples. Celles-ci portent les couleurs des cinq peuples en présence : crabes, hippocampes, coquillages, poulpes et méduses, et chacune est associée à une valeur de 1 à 5 pour indiquer sa rareté. Sans ces cartes, le joueur ne pourra pas recruter les seigneurs et encore moins étendre son influence dans les lieux reculés de l’océan, il est donc primordial d’en obtenir, et d’en obtenir de bonnes ! L’acquisition de cartes peuples passe principalement par l’exploration des fonds marins qui suit grosso modo une mécanique de stop ou encore. Le joueur qui explore effeuille une par une les cartes de la pioche en espérant trouver la carte qui l’intéresse. Il n’est cependant pas seul sur le coup puisque chaque carte révélée doit d’abord être proposée à la vente à ses adversaires. Ce n’est qu’après s’être assuré que personne ne souhaite (ou ne peut) acheter la carte en question que le joueur actif aura le droit de s’en emparer. Il peut cependant pousser sa chance et révéler une nouvelle carte, sans savoir si celle-ci sera meilleure ni si un adversaire voudra alors la lui acheter. L’exploration prend fin lorsque le joueur trouve enfin une carte qui l’intéresse ou lorsqu’il atteint la fin de la piste en haut de plateau. Dans ce cas, il devra obligatoirement récupérer la dernière carte retournée, mais obtiendra en bonus une perle pour récompenser sa prise de risque d’être allé jusqu’au bout. Notez au passage que les perles constituent la monnaie du jeu et que celles-ci sont physiquement représentées par de vraies petites perles en plastique pour renforcer l’immersion.

Tuer un monstre permet d'obtenir des points, des perles ou même des clés.

Tuer un monstre permet d’obtenir des points, des perles ou même des clés.

Durant son exploration, un joueur peut également tomber sur l’une des cartes monstres. Dès lors, il devra décider s’il souhaite ignorer la créature et poursuivre normalement son exploration dans l’espoir de trouver une jolie carte peuple, ou au contraire tuer le monstre et récupérer quelques bonus en fonction du niveau de menace actuel. En effet, lorsqu’un joueur choisit d’ignorer un combat, il fait automatiquement grimper l’indice de menace, synonyme de meilleures récompenses pour le prochain joueur qui tombera nez à nez avec un monstre. Les bonus prennent la forme de point d’influence, de perles ou même de clés, nécessaires pour déverrouiller les lieux sur lesquels nous reviendrons plus bas.

À la fin de d’une exploration, toutes les cartes qui n’auront pas trouvé preneur seront défaussées faces cachées dans le conseil, au centre du plateau. Puisque chaque peuple possède ses propres sièges dans le conseil, on trouve logiquement cinq emplacements pour recevoir les cartes non retenues. Au lieu de partir en exploration, un joueur peut alors décider de demander le soutien du conseil et donc de récupérer l’intégralité d’un tas de cartes préalablement défaussées. Par exemple, il est possible de s’emparer de toutes les cartes crabes rassemblées au conseil. Mieux vaut donc tenter de se souvenir des cartes rejetées pour rafler la mise au moment voulu.

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Les seigneurs de la cour offrent tous des points d'influence. Certains possèdent des clés et même des pouvoirs spéciaux.

Les seigneurs de la cour offrent tous des points d’influence. Certains possèdent des clés et même des pouvoirs spéciaux.

Outre l’exploration et le soutien du conseil, la troisième action possible consiste à recruter un seigneur de la cour à l’aide des cartes peuples acquises jusque-là. Les conditions de recrutement sont spécifiques à chaque seigneur, mais peuvent être résumées en trois règles : il est nécessaire d’utiliser au moins une carte correspondant au peuple du seigneur en question, il est obligatoire d’utiliser le nombre précis de peuples exigé par ce seigneur et il faut veiller à ce que la valeur de toutes les cartes utilisées soit au moins égale à la valeur requise pour ce seigneur. Imaginons par exemple un seigneur méduse de valeur 10 qui nécessite l’utilisation de trois peuples différents pour être recruté. Le joueur qui souhaite l’obtenir pourra donc se débarrasser d’autant de cartes qu’il le souhaite à condition qu’il utilise au moins une carte méduse, que l’ensemble des cartes défaussées soit réparties entre trois peuples différents (pas deux, pas quatre, mais bien trois) et que la valeur totale des cartes jetées soit au moins égale à 10.

Ici, le poulpe de valeur 2 sera affilié lors du recrutement.

Ici, le poulpe de valeur 2 sera affilié lors du recrutement.

Présentée ainsi, les conditions de recrutement semblent bien pénibles à retenir. Il n’en est pourtant rien, puisque grâce à une iconographie bien pensée, tout se retient très simplement laissant le joueur se concentrer pleinement sur l’obtention des cartes peuples qui lui permettront de séduire les seigneurs souhaités. Parallèlement à chaque recrutement, le joueur devra affilier la plus petite carte peuple utilisée lors du recrutement. Cela signifie que cette carte sera simplement conservée devant soi pendant toute la partie. À la fin du jeu, la plus haute carte affiliée de chaque peuple rapportera des points d’influence égale à sa valeur. Cette mécanique toute simple ajoute une bonne part de stratégie puisqu’elle encourage dès lors à bien réfléchir aux cartes que l’on souhaitera utiliser pour obtenir un seigneur, sachant que l’une d’elles sera automatiquement affiliée. S’assurer de pouvoir affilier des cartes de haute valeur permet naturellement de grappiller quelques points en fin de partie…

Le choix du lieu est guidé par la stratégie adoptée pendant la partie.

Le choix du lieu est guidé par la stratégie adoptée pendant la partie.

Si tous les seigneurs permettent eux aussi de gagner des points d’influence, la plupart offrent surtout des pouvoirs spéciaux offensifs ou défensifs. Certains permettent notamment de limiter le nombre de cartes des adversaires, d’obtenir des perles à chaque tour, de réduire le coût des prochains recrutements, et ainsi de suite. Certains seigneurs possèdent également des clés et lorsque le joueur parvient à gagner une troisième clé, soit grâce à un seigneur, soit après avoir battu un monstre, il devra obligatoirement récupérer une tuile de lieu. Comme les seigneurs, ces lieux sont tous différents mais accordent des points d’influence conditionnés par le reste des cartes possédées. Par exemple un lieu donnera tant de points par seigneur crabe possédé tandis qu’un autre sera synonyme de tant de points par hippocampe affilié. Si l’obtention d’un lieu est imposé à l’obtention de sa troisième clé, le joueur pourra tout de même choisir le lieu qui l’intéresse parmi les tuiles déjà visibles ou tenter sa chance en piochant jusqu’à quatre nouvelles. Il devra alors retenir une tuile parmi celles qu’il vient de piocher, et reposer les autres, laissant alors plus de choix à ses adversaires lorsqu’eux aussi pourront choisir un lieu visible ou en piocher d’autres…

En clair, de l’exploration des fonds marins jusqu’à l’obtention d’un lieu, Abyss propose une vaste succession de choix simples mais déterminants dans le déroulement de la partie ­— qui s’arrête d’ailleurs lorsqu’un joueur obtient son septième seigneur. Il règne toujours une sorte de tension au fil du jeu qui nous rappelle combien chaque décision influe non seulement sur notre stratégie, mais aussi sur celle de nos adversaires. Continuer l’exploration en espérant trouver une meilleure carte revient ainsi généralement à donner l’occasion aux autres de nous piquer cette carte sous le nez. Ignorer un monstre, c’est faire miroiter de meilleurs bonus pour la prochaine rencontre. Piocher plusieurs lieux, c’est se donner une meilleure sélection mais également étendre celle des autres joueurs. Bref, si Abyss nous confronte toujours un petit peu au facteur chance, il nous pousse aussi et surtout à constamment adapter notre réflexion pour naviguer dans les eaux troubles d’un jeu aux mécaniques pourtant extrêmement limpides.

L'avis d'extralife
  1. Auteurs : Bruno Cathala et Charles Chevallier
  2. Illustrations : Xavier Collette
  3. Éditeur : Bombyx
  4. Genre : Stratégie, Développement, Collecte et Combinaisons de cartes
  5. Date de sortie : 2014
  6. Nombre de joueurs : 2 à 4 joueurs
  7. Âge recommandé : À partir de 14 ans
  8. Durée de la partie : 45 mn
  9. Site officiel : https://www.abyss-the-game.com/
  • abyss_boiteDans les grandes lignes, Abyss peut facilement se résumer à un jeu de stratégie à trois étages dans lequel chaque pallier permet d'obtenir de plus en plus de points de victoire. Constitué d'un ensemble de règles élémentaires, le jeu jouit d'une appréciable profondeur puisque chaque décision censée nous aider ouvre aussi dans bien des cas de nouvelles options pour les adversaires. Absolument sublime, Abyss est ainsi un jeu que l'on a plaisir à déballer régulièrement, de préférence à trois ou quatre joueurs. À deux, les parties perdent un peu en intensité en raison d'interactions plus limitées entre joueurs.
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Jihem

La découverte de BurgerTime aux débuts des années 80 aura clairement affecté la vie de ce grand bonhomme. Non seulement, Jihem a développé une passion pour les jeux vidéo, mais il a également choisi de s'installer au pays du hamburger. Sa mère est plutôt heureuse qu'il n'ait pas découvert les jeux avec Boogerman.

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4 commentaires

  1. Maelstrom
    Maelstrom
    20 janvier 2016 à 17 h 37 min

    Bonjour,

    Très bon article encore une fois.

    Juste il me semble qu’il y a un tout petit oubli de règle sur l’achat d’un seigneur. Dans le cas où la valeur des trois cartes peuples défaussées est plus petite que 10, il est possible de dépenser des perles pour combler cet écart. Attention cependant une perle ne peut remplacer une couleur, il faut toujours le bon nombre de couleur pour acheter un seigneur. (règle utile notamment pour acheter du monocouleur et/ou pouvoir déposer une carte peuple de forte valeur). D’où cette fameuse expression bien connue “Les perles c’est la vie !”

    Deuxième petite question, allez-vous faire une vidéo sur le jeu ? Et un test ou article sur son extension ? (je dois dire que j’aime beaucoup vos articles sur les jeux de sociétés donc on en redemande) :)

    Maelstrom

    1. Jihem
      Jihem
      20 janvier 2016 à 17 h 47 min

      Oui, c’est vrai qu’il est possible de combler un achat avec une perle. C’est un oubli dans le texte. J’ai également laissé de côté la règle concernant le remplissage de la cour lorsqu’il n’y a plus que 2 seigneurs visibles, ou la possibilité de payer 1 perle pour ajouter un seigneur en début de tour. Ces deux points là ont volontairement été mis de côté pour ne pas alourdir les explications déjà assez longues.

      Concernant une vidéo, ce serait avec grand plaisir. Je pense en réaliser une un jour, voire deux pour couvrir également l’extension Kraken sortie il y a quelques semaines.

      Pour la petite histoire, Abyss a été le sujet d’un pilote pour une émission proposée jadis à un autre site pour lequel je travaillais alors. C’est donc un jeu qui me tient à coeur.

  2. Galiat
    Galiat
    21 janvier 2016 à 23 h 51 min

    J’y ai joué deux ou trois fois ! Sans être un coup de cœur, c’est quand même un très bon jeu. Et il peut même y avoir des sacrées retournements de situation. Bref, une bonne pioche !
    Sinon, belle présentation du jeu (image, texte, etc). Très agréable à lire !

  3. Zehta
    Zehta
    7 mai 2016 à 22 h 49 min

    Article au top, vraiment bien présenté, c’est beau !

    Hop, tu m’as donné envie d’y jouer. J’ai commandé le jeu. Rien que pour les illustrations, je ne serai pas déçu. C’est magnifique !
    Merci pour le partage.

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