Dropsy : Clown serial-câlineurTest JV

Dropsy : Clown serial-câlineur

La grande famille des anti-héros du jeu vidéo accueille un nouveau membre en la personne de Dropsy, un clown au physique ingrat mais au cœur gros comme ça. Pensez à Sinok dans le film Les Goonies et vous aurez une image assez juste du personnage. Dropsy n’a qu’un but dans la vie, rendre le monde heureux en distribuant des câlins autour de lui – un objectif des plus nobles, mais difficile à atteindre dans la mesure où toute la ville le déteste et le considère comme responsable du tragique incendie qui a réduit le cirque en cendres…

Si même les enfants ont peur du clown...

Si même les enfants ont peur du clown…

S’il y a bien un genre de jeux que l’on pensait figé dans le marbre, c’est bien le point and click. Résoudre des énigmes en pointant et en cliquant avec sa souris revient bien souvent à enfiler des chaussons et suivre l’histoire que nous ont préparés les auteurs du projet. Typiquement, la seule marge de manœuvre que s’autorisent les développeurs concerne la difficulté des puzzles, voire la représentation de l’interface. Le reste est généralement balisé pour une expérience de jeu aussi confortable que possible. Tout amour qu’il est, Dropsy est pourtant là pour donner un léger coup de pied dans la formule, une gentille secousse venant bousculer certains codes du genre, sans non plus réinventer le point and click de A à Z. Dropsy garde ainsi la base. L’aventure s’apprécie toujours en guidant son curseur pour agir sur l’environnement et, suivant l’une des tendances actuelles, un simple clic suffit à déclencher une action, si toutefois action il y a avec cet élément du décor. Prendre, parler, utiliser, marcher, tout est donc lié à un simple clic de la souris sur le décor ou sur l’un des nombreux personnages. Les seules actions particulières qui nécessitent d’être cherchées dans le menu en haut de l’écran sont celles qui consistent à câliner son entourage où à changer de personnage puisqu’au cours de l’aventure, Dropsy sera accompagné d’un chien, d’une souris et d’un poussin. Les animaux permettront d’accéder à quelques zones spéciales. La souris pourra ainsi se faufiler dans les égouts tandis que le poussin volera pour attraper des objets trop haut.

Le monde de Dropsy n'est pas tout rose.

Le monde de Dropsy n’est pas tout rose.

Vous me direz que jusque-là, en dehors de son personnage atypique, rien ne distingue Dropsy des tas d’autres point and click. C’est juste. Le fait est que dans sa forme, Dropsy n’invente rien, ce qui ne l’empêche pas d’exploser la structure classique du genre. Plutôt que d’obliger le joueur à suivre une histoire chapitre après chapitre, le clown laisse le joueur le guider à son gré dans un monde pratiquement ouvert. Dès le départ, environ 80% des environnements sont ainsi accessibles, ce qui donne une liberté plutôt inédite pour un point and click. Suivant ses envies, on se balade donc où nos clics nous portent, parlant aux personnages que l’on veut, et résolvant les énigmes que l’on souhaite sans forcément avoir à les appréhender dans un ordre précis. L’idée est toute simple, mais elle apporte une réelle fraîcheur dans le genre, d’autant qu’elle est parfaitement exécutée dans le sens où l’ensemble du jeu parvient à suivre une trame générale qui se dessine au fur et à mesure de nos actions. Signalons au passage que l’impression de monde ouvert est également renforcée par la présence d’un cycle jour nuit. Les rencontres à faire sont ainsi régies par le moment de la journée ou de la nuit à laquelle on se pointe dans un lieu. Ainsi, la petite fille qui joue dans le parc le jour laisse sa place à une dame qui broie du noir durant la nuit. De même, le disquaire n’ouvre ses portes que tard le soir, impossible de s’y rendre en fin de mâtinée. Un peu à la manière de Zelda : Majora’s Mask, on apprendra progressivement qui va où et quand.

L'amour, il n'y a que ça de vrai.

L’amour, il n’y a que ça de vrai.

C’est en discutant avec tout ce beau monde, mais également avec les animaux que l’on croise, que l’on parvient à comprendre ce que le jeu attend de nous. Car c’est très louable de vouloir donner des câlins, mais il faudra d’abord gagner la confiance de chacun en leur apportant de la joie. Et c’est également là où Dropsy brille particulièrement puisqu’au lieu de se retrouver à œuvrer pour avancer dans une unique tâche, on se retrouve à aider un peu tout le monde en même temps. Parfois, les actions font progresser le scénario en ouvrant d’autres voies, parfois, il s’agit juste de gagner un sourire, ce qui vaut tout l’or du monde pour notre clown. Pêle-mêle, il lui faudra apporter à manger à une vieille dame sans abri, obtenir l’autographe du bassiste du groupe de rock pour une groupie en extase, trouver les ingrédients adéquats pour assaisonner une soupe, ou même donner un coup de main au flic du coin pour arrêter un business de contrefaçons. Si les missions s’éparpillent un peu dans tous les sens, le jeu trouve toutefois une drôle de cohérence, grâce à son personnage prêt à tout pour aimer et surtout se faire aimer.

Ce n'est pas ce que vous croyez. Dropsy garde son inventaire dans son pantalon, c'est tout.

Ce n’est pas ce que vous croyez. Dropsy garde son inventaire dans son pantalon, c’est tout.

Et ce n’est pas toujours facile d’être dans les bottes de Dropsy. D’abord parce que personne ne semble l’apprécier, mais aussi parce que le pauvre clown n’est pas le roi de la communication. En fait, le jeu est totalement dénué de paroles, disons de paroles intelligibles. À la place, nous avons droit à des onomatopées et à un système de pictogrammes, pas toujours très clairs, mais pensés pour mettre le joueur dans la peau de son personnage, jamais certain de comprendre ce que son entourage lui dit. Ce serait exagérer de clamer que le jeu consiste essentiellement à déchiffrer ces messages imagés, mais il est vrai qu’une partie du plaisir de jeu consiste bel et bien à les interpréter pour savoir ce qu’il faut faire ensuite. L’autre partie du plaisir est à trouver dans la résolution d’énigmes qui se résument dans leur grande majorité à donner le bon objet à la bonne personne ou le placer sur le bon endroit. Il n’y aucune association d’items à faire, rien de tordu, juste de la logique pure, même si un même objet peut éventuellement avoir plusieurs utilisations au cours du jeu.

Avez-vous déjà vu un clown twerker ? Maintenant, oui.

Avez-vous déjà vu un clown twerker ? Maintenant, oui.

On aurait tort de penser qu’avec son univers bariolé (joliment servi par une réalisation ultra rétro et une sublime bande-son), son serial câlineur qui lui sert de héros, ou encore son option pour activer un pouêt à chaque pas, Dropsy ne soit finalement qu’un jeu léger, jouant la carte de la comédie dès que l’occasion se présente. Oui, il y a de l’humour potache et même des blagues pipi-caca si vous voulez tout savoir, mais le jeu s’autorise aussi d’aborder des thèmes plus lourds dont celui qui accable notre clown au quotidien : le rejet. La perte d’un être cher ou encore les relations parents-enfants sont également passés en revue, et de manière assez juste, quitte à prendre le joueur par surprise. Le jeu ne vous donnera probablement pas le cafard, mais sachez qu’il ne s’agit pas d’une simple aventure uniquement pensée pour rendre hommage aux point and click comiques des temps jadis. Dropsy est un peu plus que cela, un véritable jeu fait avec amour, qui transpire la justesse et la sincérité. Un vrai coup de cœur comme on les aime.

L'avis d'extralife
  1. Développeur : Tendershoot / A Jolly Corpse
  2. Éditeur : Devolver Digital
  3. Genre : Aventure point'n click
  4. Date de sortie : 10 septembre 2015
  5. Supports : PC, Mac
  6. Site officiel : http://dropsytheclown.com/
  • dropsy_logoDropsy m'a clairement pris par surprise. En lieu et place du point'n click comique auquel je m'étais préparé, je me suis retrouvé face à une aventure parvenant brillamment à mixer l'absurde à des thèmes plus sérieux, le léger à des passages réellement touchants. L'équilibre obtenu, combiné à la volonté d'offrir une grande liberté au joueur plongé dans un petit monde ouvert, donnent une saveur très personnelle à ce Dropsy. Cela faisait un bon moment que je n'avais pas autant apprécié un point'n click. Et même s'il ne m'a pas fait de câlin, ce brave Dropsy a clairement gagné toute mon affection.
4
Jihem

La découverte de BurgerTime aux débuts des années 80 aura clairement affecté la vie de ce grand bonhomme. Non seulement, Jihem a développé une passion pour les jeux vidéo, mais il a également choisi de s'installer au pays du hamburger. Sa mère est plutôt heureuse qu'il n'ait pas découvert les jeux avec Boogerman.

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3 commentaires

  1. juddhum
    juddhum
    26 octobre 2015 à 15 h 11 min

    L’ambiance incroyable, lourde au début.
    Ce jeu est une merveille niveau ambiance et incroyablement attachante, c’est vrai.
    Même si c’est une période ou “l’indé” et les “ambiances pixels” commencent à me fatiguer, celui-ci m’a permis d’augmenter mon plaisir sur ce type de jeu.

  2. Valryd
    Valryd
    26 octobre 2015 à 17 h 11 min

    Ah ça donne envie de m’essayer au point’n clic. :)

    By the way, je vous envoi des gros bisous et souhaite un énorme succès à toute l’équipe vous faites un travail formidable et on a besoin de vous, et de cette démarche dans les horizons de la presse vidéo-ludique !

  3. Xitam
    Xitam
    10 novembre 2015 à 9 h 14 min

    Note de 4 sur 5, on a affaire à la crème de la crème vidéoludique ou quoi ?

    Bien sûr on ne peut pas juger un jeu simplement sur l’aspect graphique, mais pas les point’n clic!
    Franchement, l’intérêt des point’n clic, c’était d’en mettre plein les yeux avec des décors fabuleux … il y a 30 ans.
    Monkey Island, c’était la claque graphique à l’époque.
    Et sans parler des graphismes, il m’a été donné l’occasion de tester un point’n clic retro financé par crowfunding, et c’était vraiment moyen, à la fois au niveau de l’histoire que sur l’ambiance. Un projet qui ne surfait que sur la nostalgie des donateurs.

    Pour ceux voulant tester un point’n clic, autant prendre le dernier Chevalier de Baphomet. Il est clairement fait pour les nostalgiques, mais il reste sympa à jouer.

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