Her Story : Sa version défaite Test JV

Her Story : Sa version défaite

Une barre de recherche. Des mots clés à la pelle. Tout le monde a déjà trompé son ennui en surfant sur le net, sans but précis, autre que celui de butiner des informations de la plus haute futilité en suivant le train de ses pensées. Cette activité, Her Story a décidé de la transformer en jeu. L’objectif ? Reconstituer une histoire à partir d’une multitude de courts extraits vidéo tirés de sept interrogatoires filmés par la police. La méthode ? Penser à des mots clés qui permettront de mettre la main sur lesdits extraits, autrement cachés dans la base de données. Chaque vidéo dure de quelques secondes à la grosse minute, et donne un éclairage sur cette affaire de meurtre – pas de spoil ici, c’est la toute première vidéo qui vous l’apprend.

Attention, l’intégralité du jeu est en anglais (interface, interrogatoires et même sous-titres). Il faudra se débrouiller un minimum dans la langue de la Princesse Diana pour apprécier Her Story.

Même si ce n'est pas clair au premier visionnage, chaque vidéo lève une partie du mystère.

Même si ce n’est pas clair au premier visionnage, chaque vidéo lève une partie du mystère.

Quelqu’un a donc été tué. Où ? Quand ? Comment ? Par qui ? À vous de le découvrir en compagnie de la jeune femme questionnée par la police. Tapez le nom de la victime, et le logiciel sortira toutes les vidéos où celui-ci est mentionné. Cherchez les mots “glasses”, “police” ou même “cat” et pareil, vous obtiendrez tous les segments en rapport avec le mot clé. Ou presque puisque l’affichage des résultats est volontairement bridé à cinq vidéos par recherche. Il y a beau avoir 67 clips liés au prénom de la victime, vous ne pourrez voir que les cinq premiers en cherchant ce nom précis. Cette limite nous oblige ainsi à multiplier les recherches et à parfois se creuser la tête pour dénicher de nouveaux détails dans ce méli-mélo narratif. On se retrouve à suivre différentes pistes, sans pouvoir juger à l’avance de leur importance, ni se rendre compte si elles déboucheront réellement sur d’autres indices. Le processus est parfois laborieux, mais semble finalement assez bien reproduire celui d’un détective prêt à passer un témoignage au peigne fin sans aucune garantie de pouvoir en tirer quelque chose d’intéressant.

Déjà singulier dans son approche, Her Story profite également d’un enrobage hors norme dans la mesure où il s’évertue à reproduire le bureau d’un vieil ordinateur de police avec ses fichiers “Read Me”, son horloge et sa corbeille renfermant quelques documents sans valeur. Le souci du détail est poussé jusqu’à reproduire les néons qui se reflètent sur l’écran cathodique, ou même le crépitement de clavier old school lorsque vous tapez le moindre mot clé. Les vidéos sont elles aussi vieillies artificiellement pour leur donner une qualité VHS extrêmement marquée. L’idée est de nous plonger quelques décennies en arrière, pendant l’été 1994 lorsque les vidéos ont été tournées.

L'interface n'est hélas pas aussi souple que souhaitée.

L’interface n’est hélas pas aussi souple que souhaitée.

Les dates ont très clairement leur importance dans le jeu. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que chaque vidéo indique le jour et l’heure de l’enregistrement ; il s’agit d’un point de repère essentiel pour remettre les pièces du puzzle dans l’ordre. À ce titre, chaque extrait peut également être annoté par le joueur lui-même pour lui ajouter des mots-clés personnels ou tout simplement glisser quelques aide-mémoire. Enfin, le moindre clip peut aussi être sauvé dans un dossier spécial prévu pour retrouver rapidement ce qui peut être important à nos yeux. L’idée est chouette, elle aide effectivement beaucoup lorsqu’il s’agit de visionner de nouveaux des extraits déjà examinés, cependant, l’exécution n’est pas exempte de défauts. Pour une raison ou une autre, cette section ne répond pas toujours aux clics de souris et, plus problématique encore, il manque une option de tri capable de facilement réorganiser les extraits mis de côté. Cet “oubli” rend l’expérience de jeu bien plus austère, et parfois pénible, que nécessaire, comme si l’auteur souhaitait intentionnellement compliquer la tâche du joueur qui voudrait mettre de l’ordre dans ses pensées…

Le récit explore régulièrement l'enfance de la jeune femme.

Le récit explore régulièrement l’enfance de la jeune femme.

Finalement, ce faux pas ergonomique, s’il handicape le confort de jeu, n’empiète pas sur le plaisir de démêler les fils de l’intrigue. Il faut dire que l’actrice et musicienne Viva Seifert livre une sacrée performance face caméra. Surprise, mélancolique, nerveuse, confuse, défensive, charmeuse, distante, la comédienne puise dans une large palette d’émotions et d’attitudes en fonction des thèmes abordés, faisant émerger le côté magique et presque hypnotique de Her Story. Grâce aux questions posées sur le moteur de recherches et aux réponses préalablement filmées qui en ressortent, il s’instaure une sorte de discussion entre le joueur et la jeune femme questionnée, un dialogue très alambiqué dans lequel on se perd souvent, qui réserve autant de surprises que d’interrogations, mais qui permet aussi à Her Story de réellement briller. Ainsi, même plusieurs jours après avoir terminé le jeu, on se surprend à repenser à cette histoire déstructurée, à suivre l’une des théories tissées à l’aide d’indices glanés au fil de la conversation et à réfuter d’autres hypothèses pour, tout simplement, essayer de compléter cet intrigant puzzle.

L'avis d'extralife
  1. Développeur : Sam Barlow
  2. Genre : Enquête
  3. Date de sortie : 24 juin 2015
  4. Supports : PC, Mac, iOS
  • her_story_artworkJouer à Her Story est effectivement comparable à l'assemblage d'un puzzle dont on ne connaît pas le motif final, et dont il faut aussi dégoter chaque pièce en fouillant une base de données vidéo. Vu sous ce prisme, Her Story propose clairement une expérience unique dans le paysage actuel du jeu vidéo. Si on peut lui trouver quelques défauts en termes d'ergonomie, impossible de lui reprocher quoi que ce soit sur le cœur de l'expérience. La narration volontairement brouillée, la performance d'actrice, l'élégance et même l'intelligence avec laquelle certains sujets sont traités, autant de qualités sont à saluer dans un titre qui ne paye peut-être pas de mine et qui se termine en deux ou trois heures, mais qui réserve également de longues plages de réflexion post-jeu.
4
Jihem

La découverte de BurgerTime aux débuts des années 80 aura clairement affecté la vie de ce grand bonhomme. Non seulement, Jihem a développé une passion pour les jeux vidéo, mais il a également choisi de s'installer au pays du hamburger. Sa mère est plutôt heureuse qu'il n'ait pas découvert les jeux avec Boogerman.

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3 commentaires

  1. Gryfon
    Gryfon
    18 septembre 2015 à 10 h 48 min

    Très bonne découverte qui pour moi est largement inspirée par les ARG que l’on peut trouver sur le net. Ca reste un très bon moyen de raconter une histoire et est parfaitement adapté au jeux-vidéos. Dommage que l’on en retrouve pas ce genre de concept plus souvent.

  2. Neshell
    Neshell
    18 septembre 2015 à 21 h 50 min

    Excellente découverte pour ma part ! Quel plaisir de démêler l’intrigue :D Au départ j’étais assez sceptique sur la narration (interrogatoires) ainsi que le média utilisé (jeu vidéo), mais au final cela s’accorde plutôt bien avec le jeu vidéo, dommage que l’on ne retrouve pas (souvent) ce concept.

  3. Acia
    Acia
    19 septembre 2015 à 19 h 31 min

    Je ne connaissais pas du tout ! Ca donne assez envie

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