Focus, saison 2018-2019 : clair-obscur et chemises à jabotAnalyse

Focus, saison 2018-2019 : clair-obscur et chemises à jabot

Rendez-vous annuel de l’éditeur Focus pour présenter son futur catalogue, l’événement What’s Next a mélangé cette année nouveaux venus et projets déjà aperçus l’an passé pour un ensemble varié, avec toutefois quelques lignes directrices bien claires. Tour d‘horizon aux côtés de vampires, de gros bidasses et de mousquets.

Rares sont les moments où il est possible de pouvoir parler sans grandes limitations et regards méfiants à des développeurs et des responsables de studios sur des projets en cours. C’est l’un des intérêts majeurs des What’s Next et cela permet surtout de dégager des axes dans les choix éditoriaux de Focus. Et cette année, outre l’exploitation de l’inépuisable licence Warhammer 40.000, les mythes et légendes sont au premier rang. Qu’ils prennent la forme de véritable mythologie ou de versions fantasmées d’une réalité, ces univers dépeignent une humanité qui n’a pas de quoi être fière.

Coucou, tu veux voir mon mythe

Déjà présenté l’année dernière dans une version peu avancée, A Plague Tale : Innocence, développé par Asobo Studio, se déroule dans une France gangrénée par la peste en 1349. Un contexte historique d’ailleurs proche de celui du récent Kingdom Come : Deliverance, mais un traitement à l’opposé, où l’ennemi est ici métaphorique. Des hordes de rats détruisent tout sur leur passage et n’ont qu’un ennemi, le feu. L’héroïne, Amicia, et son petit frère Hugo, séparés de leurs parents, doivent essayer de survivre dans cette ambiance de mort submergeant chaque décor. À l’image de Brothers, ou encore de The Last of Us, le propos est centré sur l’interaction émotionnelle entre les protagonistes : le petit Hugo réagit avec terreur aux événements (il est à peine âgé de 5 ans) et sa grande sœur doit veiller sur lui, aussi bien physiquement que psychologiquement.

Au niveau du gameplay, tout repose sur la mécanique des flammes ou de la lumière qui éloignent les masses de rats. Il faut donc parvenir à se créer des chemins par la ruse dans un enchaînement d’”énigmes” qui nécessitent de bien observer ce que peut apporter l’environnement. Un concept intéressant, qui a un gros potentiel s’il ne tourne pas en rond. À voir d’ici la sortie l’année prochaine.

Dans un style tout aussi poisseux, Call of Cthulhu a fait également une seconde apparition. Cette enquête sous forme de RPG en vue à la première personne narre les aventures d’Edward Pierce, un enquêteur qui a eu la très mauvaise idée de venir faire un tour sur l’île de Black Water. Forcément, à force de titiller du local, fan de R’lyehian, Eddie va pénétrer dans les tréfonds de l’univers de Cthulhu. Plutôt longue et complète, la séquence de jeu appuyait sur l’arborescence de la progression, avec l’impact de certains choix et pistes choisies sur la résolution de certains problèmes.

Un système qui fonctionne de pair avec toute une composante de compétences et de talents qui ouvrent ou ferment certaines possibilités. Un principe qui est un sacré leitmotiv dans les jeux présents cette année et qui ici donne son sel à une aventure qui semble à première vue assez classique, notamment dans sa propension à mettre en surbrillance les indices importants. Et par surbrillance, j’entends des gros ronds blancs qui clignotent, limite à hurler au joueur leur intérêt en jouant des maracas. Avec son ambiance lourde et sa fidélité à l’univers de Lovecraft, il pourra sans doute accrocher sur cet aspect lors de sa sortie dans le courant de l’année.

Le bad des vampires

Dans le même genre, entre espoirs et moments de gros doute, Vampyr faisait son retour dans une version bien plus convaincante que l’an dernier. Pour resituer, la trame se passe dans un Londres tout juste post-victorien, où les vampires ont gentrifié le centre-ville à coups de canines. Le héros, Jonathan E. Reid, médecin militaire infecté, va devoir jongler entre sa vocation première de sauver des vies et le fait de se nourrir. Une dichotomie centrale qui rejaillit sur la structure du jeu, où les choix impactent grandement sur le déroulé des événements pouvant modifier des quartiers entiers, changer l’alignement du héros ou encore aboutir à une conclusion apocalyptique.

Le RPG avec supplément action de DONTNOD se montrait cette fois-ci via une session de jeu plus dense, avec la présence de séquences de combats, triste moment lors de sa dernière apparition. Plus riches et dynamiques, elles souffrent toujours de problèmes d’équilibrage et de précision assez inquiétants à quelques mois de la sortie du jeu. En revanche, l’ensemble de la dimension narrative semble maîtrisée, avec un grand soin apporté à l’écriture et à la richesse des interactions. Une qualité que partage Greedfall, nouvelle licence présentée via un trailer qui avait su créer une attente à renforts de jolis effets de montage et de chanson qui claque dans le style Ubisoft.

La crainte venait alors de savoir si, comme chez Ubi, le résultat en jeu s’éloignerait à perte de vue de l’ambiance du trailer. Le gameplay manager du studio Spiders, Sebastien Di Ruzza, était présent dans le cadre d’une démonstration et il avait amené avec lui les stigmates ainsi que les gloires de Mars War Logs, Technomancer ou encore Bound by Flames, qui se retrouvaient sur ces quelques minutes de gameplay. Greedfall se déroule dans un 17ème siècle fantasmé, sur une île gorgée de magie, où la cohabitation entre les humains et les populations locales se passent plus ou moins bien. Ce qui n’empêche pas quelques échauffourées et des luttes de pouvoir en coulisses.

Un univers original qui rappelle une version baroque de The Witcher, ravagé par une étrange maladie, dans le cadre d’un Action RPG. Malgré le peu de temps alloué à la présentation, le background semble travaillé, supporté par la création d’un langage entier pour le jeu. Composante centrale du genre, la customisation des personnages repose sur un système de craft et inclut quatorze classes d’armes. Un chiffre sans pour le moment de réalité, notamment dans les différences d’utilisation en combat.

Des rixes qui étaient d’ailleurs le point faible de Greedfall sur ces quelques minutes, de par leur manque d’impact. Les affrontements se veulent en partie stratégique, avec un placement important dans la teneur des coups, mais ce rythme entre-deux donne une impression de lourdeur. Tout du moins dans une phase proche du début de l’aventure. Comme Vampyr, le jeu rassure en revanche sur ses embranchements scénaristiques et ses dialogues, avec des notions diplomatiques qui devraient avoir une influence réelle sur le déroulé de l’aventure. Une vision ambitieuse et pourtant, en termes de relation cause-conséquence, le maître de l’événement était la surprise The Council.

Napoléon versus Georges Washington

Développé par le studio Big Bad Wolf, The Council est un jeu d’aventure porté par une esthétique à cheval entre le romantique et le baroque, dans la lignée des titres précédents. Une ligne rouge visuelle qui s’étend jusqu’au coeur d’une trame gorgée d’embranchements, de choix et de possibilités. Dans la chemise serrée de Louis de Richet, le joueur est invité par un certain Lord Mortimer sur une île anglaise, avec tous ses potes d’une communauté secrète. Un bel ensemble d’influenceurs, qui comprend Washington et Napoléon en tant que têtes de gondole. Une réunion qui va permettre de dévoiler les lourds secrets de chacun dans une sorte de huis-clos à la Agatha Christie. La phase de jeu proposée s’axait sur un service à rendre à ce bon vieux Georgie, durant laquelle il suffisait d’aller discuter avec un tierce personnage.

Un jeu d’enfant, sauf que la manière d’accéder à cette requête ouvre la porte à un nombre impressionnant de cheminements. Bien entendu les ouvertures durant les dialogues dépendent non seulement de la sélection d’une attitude, mais aussi de la construction de Louis en fonction de son arbre de “compétences”. Un système qui offre déjà de sacrées variations et qui se double d’une prise en compte des interactions préalables avec d’autres intervenants ou de la façon d’arriver à sa destination. Être surpris en train d’espionner peut aboutir à une situation favorable, débloquer d’autres dialogues, conduire à une impasse qui elle-même aura une conséquence, etc. Une approche enthousiasmante, qui pourra être creusée dans ses moindres recoins en mars prochain, pour le premier épisode d’une série de cinq. Enfin, pour conclure cet axe du fantastique, était présent Werewolf : The Apocalypse, nouveau jeu de Cyanide.

Lui aussi représentant du genre A-RPG, le jeu s’attarde sur ces gros toutous joueurs que sont les loups-garous. Rejeton de la série de JdR papier Monde des Ténèbres de chez White Wolf, il met en scène et en poils un certain Cahal, qui cherche à savoir ce qu’est devenu son fils. Une lutte contre un monde qui ne le porte pas dans son coeur sur la base d’un gameplay qui lui permet de revêtir trois formes : Homid (humaine), pratique pour se mêler à la populasse et glaner des informations, Lupus, adaptée à la furtivité et aux balades en forêts tout en permettant de suivre à la trace des odeurs, et enfin Crinos, qui s’apparente à la forme “combat”. L’intérêt est, à l’instar de Vampyr, d’équilibrer son comportement. Car une fois en pleine transe, il est impossible de faire la différence entre ennemis et alliés, ce qui peut causer des pertes collatérales qui auront un impact sur la partie. Aucune date de sortie pour le moment, mais le jeu est prévu à la fois sur consoles et PC.

Si les autres titres présentés lors de cet événement apportaient leur lot de bonnes idées, avec quelques projets à potentiel comme Space Hulk Tactics, Insurgency Sandstorm ou encore la nouvelle licence de Vostok games — une sorte de PUBG agrémenté de PVE dans le contexte de leur chef d’oeuvre Stalker — ce sont vraiment ceux cités ci-dessus qui composent l’intéressante ligne édito de Focus. Bien évidemment, l’écurie Warhammer 40.000 occupe une place importante, notamment via Battlefleet Gothic Armada 2, Deathwing, ou encore le très (trop) conceptuel Necromunda, mais reste un ensemble composé autour d’une marque. Toute la dimension fantastique/baroque du catalogue donne un véritable cachet à l’éditeur, qui diffuse une image forte et une cohérence rafraichissante. Évidemment, ces choix ne garantissent pas une future qualité, ni un succès possible, mais il est assez rare d’apercevoir une vision au sein d’un éventail de productions. À voir maintenant le bilan de ces décisions et si elles arriveront à capter le public.

Killy

Ayant longtemps pensé que le fait de passer ses après-midi dans les bois à chercher des animaux lui faisait gagner des points d'XP et des gils, Pierre a depuis compris qu'il pouvait faire la même chose sur un PC ou une console sans alerter la SPA ou se prendre la balle perdue d'un chasseur.

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