Fertility : L’Égypte tout en cartonTest JDS

Fertility : L’Égypte tout en carton

Avant de vous donner les rênes d’une région entière, le Pharaon vous confie une métropole pour voir comment vous vous débrouillez avec de grandes responsabilités. Bien malin, il fait de même avec d’autres nomarques et vous met tous en compétition. Faites en sorte de devenir le plus prospère, c’est-à-dire de produire le plus de Debens, et vous serez sur la bonne voie pour avoir, un jour, un Sphinx à votre effigie.

L’auteur Cyrille Leroy avait déjà joué avec les dominos dans Sapiens. Il récidive dans Fertility avec un gameplay toujours centré autour des tuiles, mais sur une surface de jeu commune à tous les joueurs. Dans les grandes lignes, les joueurs sont amenés à poser leurs dominos dans la vallée centrale pour récolter des ressources (bovin, albâtre, raisin, papyrus et blé). Ces dernières servent à acheter des quartiers pour garnir leur plateau personnel, puis à approvisionner les boutiques dans les différents quartiers pour globalement gagner des Debens, autrement dit, des points de victoire. À première vue, cela semble classique, mais plusieurs subtilités font toute la différence, à commencer par le fait que les ressources non utilisées pendant un tour sont immédiatement perdues.

Il est donc important de bien réfléchir à l’endroit de la vallée où poser son domino pour obtenir non seulement les bonnes ressources, mais aussi en glaner suffisamment pour acheter des quartiers et/ou approvisionner ses boutiques dans la foulée. Sachant que le nombre d’emplacements pour les quartiers est limité, il faut toujours se demander s’il est judicieux d’acheter un quartier maintenant ou d’attendre que de potentielles meilleures options arrivent par la suite. À chacun d’évaluer les quartiers qui lui apporteront le plus de points et ceux qu’il pourra facilement approvisionner en fonction des tuiles vallée qu’il possède et de celles qu’il voit arriver pour la suite. Donnée très importante à prendre en considération, les ressources utilisées dans les boutiques restent en place jusqu’à la fin du jeu. Chaque boutique ne peut donc être approvisionnée qu’une seule fois.

En parallèle de la gestion des ressources, les joueurs sont aussi amenés à collectionner des statues de dieux égyptiens grâce à leurs boutiques. Plus un joueur fabrique de statues différentes et plus il marquera de points. De même, Fertility propose de construire des bâtiments dans la vallée. Lorsqu’un joueur ferme une clairière (une case isolée ne pouvant accueillir aucun domino), il a l’opportunité d’y placer l’un de ses quatre monuments. En fin de partie, les deux joueurs avec le plus de bâtiments gagneront alors des points supplémentaires.

Lorsque l’on met tous les éléments bout à bout (le placement des dominos, l’utilisation instantanée des ressources, la course aux monuments), on obtient une gymnastique intellectuelle plutôt satisfaisante. Tandis que les choix, nombreux et intéressants, donnent toujours matière à réfléchir, Fertility conserve un côté léger et très accessible pour permettre à un grand nombre de joueurs de l’apprécier. On aime surtout la gestion des ressources en flux tendu qui crée une chouette tension entre la stratégie globale que l’on souhaite poursuivre et les impératifs tactiques qu’il faut absolument gérer.

Ce que l’on apprécie un peu moins, en revanche, c’est l’équilibre un peu précaire qui apparaît à deux ou trois joueurs. Je m’explique. En début de partie, suivant le nombre de joueurs, Fertility demande à ce que des dominos soient retirés du jeu. Moins il y a de joueurs et plus on retire de dominos. Jusque là, rien de particulier ; bien des jeux fonctionnent sur ce principe pour contrôler le nombre de tours global. La gêne provient de la méthode choisie pour écarter les tuiles.

Au lieu de marquer les tuiles qui peuvent convenir pour des parties à 2, 3 ou 4 joueurs, le jeu demande à ce que des dominos soient retirés aléatoirement, provoquant donc un déséquilibre dans les ressources qui seront disponibles durant le jeu. Le bon côté de la chose est que cela rend les parties différentes. Mais le revers de la médaille est qu’on ne sait pas vraiment s’il sera techniquement possible d’approvisionner les boutiques de nos quartiers. Qui sait ? Peut-être n’y aura-t-il pas assez de papyrus pour livrer chaque boutique ? De ce fait, c’était peut-être une erreur de se concentrer sur le papyrus en début de partie. Mais qui pouvait le prévoir ? Par crainte de se retrouver dans une telle situation, les joueurs se sentent presque obligés de se diversifier malgré eux et donc de ne pas pousser dans une voie plutôt qu’une autre, ce qui est assez dommage. Comme dit au dessus, le problème est minime à quatre joueurs, mais plus visible à deux, lorsque davantage de ressources sont aléatoirement retirés du jeu.

L’autre point fâcheux de Fertility concerne la qualité inégale du matériel. Si les tuiles (dominos et quartiers) s’en tirent pas trop mal en dépit de leur petites tailles, ce sont les monuments qui posent problème. Faits de carton pas bien compact, ces structures ont tendance à se plier et à se déchirer pour un rien. C’est certain, elles ne tiendront pas l’épreuve du temps. D’ailleurs, après seulement trois parties, certains supports se faisaient même déjà la malle au moindre déplacement.

Fort heureusement, tout cela n’empêche pas de profiter de Fertility. À condition d’accepter les quelques remarques du dessus sur l’équilibre des ressources, c’est un plaisir que de voir la métropole grandir et se développer sous nos yeux. À chaque tuile posée et à l’apparition de chaque nouveau monument, la vallée semble prendre vie et gagner en ampleur. Les illustrations de Jérémie Fleury y sont forcément pour beaucoup, puisqu’elles apportent une bonne dose de couleur au désert égyptien.

Lire les règles de Fertility

  1. Auteur : Cyrille Leroy
  2. Illustrateur : Jérémie Fleury
  3. Éditeur : Catch Up Games
  4. Genre : Domino, Gestion, Développement
  5. Nombre de joueurs : 2 à 4 joueurs
  6. Âge recommandé : 10 ans et plus
  7. Durée de la partie : 45 mn
  8. Date de sortie : 12 octobre 2018
  • Fertility aurait pu être un jeu parmi tant d'autres, mettant en avant la collecte, puis la transformation de ressources pour générer des points de victoire. Oui, mais voilà. L'obligation de jeter les ressources non utilisées à la fin de son tour donne une approche tout à fait particulière à la partie. Ici, chaque action se doit d'être optimisée au maximum pour exploiter la moindre ressource produite et investir dans les quartiers avec les meilleures boutiques possibles. Si le jeu pêche un peu à deux joueurs, il se rattrape en configuration maximale, où le hasard et les coups du sort tendent à s'effacer pour accorder plus de place aux véritables talents stratégique ET tactiques des nomarques.
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Jihem

La découverte de BurgerTime aux débuts des années 80 aura clairement affecté la vie de ce grand bonhomme. Non seulement, Jihem a développé une passion pour les jeux vidéo, mais il a également choisi de s'installer au pays du hamburger. Sa mère est plutôt heureuse qu'il n'ait pas découvert les jeux avec Boogerman.

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