Tokaido : L’éloge du zenTest JDS

Tokaido : L’éloge du zen

On connaît la passion d’Antoine Bauza pour l’Asie. Hanabi, Takenoko, ou plus récemment Samurai Spirit, l’auteur tourne régulièrement son regard et son esprit vers l’Orient pour trouver l’inspiration. Parmi ses plus grands succès, Tokaido se distingue particulièrement par une esthétique très épurée combinée à un gameplay en parfaite symbiose avec le thème abordé, centré autour du calme et de la sérénité.

La route du Tokaido longe le littoral Est de l’archipel japonais pour relier Tokyo à Kyoto. Considérée comme un parcours initiatique, elle entraîne depuis plusieurs centenaires des voyageurs à la recherche des bienfaits de la vie qu’elle leur propose de découvrir au fil de différentes stations réparties sur près de 500 kilomètres. On y trouve notamment des temples où méditer, des restaurants où déguster quelques spécialités locales, des bains chauds où se ressourcer, des panoramas où admirer de sublimes paysages, ou même des boutiques où s’offrir quelques bibelots souvenirs. Le passage du réel au jeu de société se fait sans trop de pertes à ce niveau puisqu’on retrouve sur la table le fameux chemin et ses stations que les joueurs sont invités à visiter au fil de leur progression. Dans le jeu, la qualité du voyage se mesure en points de victoire. Manger, se baigner, acheter un objet, déposer une offrande au temple, découvrir la beauté d’un paysage ou même simplement rencontrer d’autres voyageurs permet d’embellir son voyage et donc d’accumuler de nouveaux points de victoire. Lorsque tous les joueurs atteignent finalement Tokyo, l’auteur du voyage le plus enrichissant, et donc le joueur avec le plus de points, remporte logiquement la partie.

L'esthétique et le gameplay participent à rendre le jeu très calme.

L’esthétique et le gameplay participent à rendre le jeu très calme.

Loin d’être une course, Tokaido est pourtant une fuite en avant perpétuelle puisque les joueurs ne peuvent qu’avancer sur le chemin, sans jamais reculer. Et c’est toujours au joueur en dernière position sur le parcours de jouer. Celui-ci peut alors déplacer son pèlerin jusqu’à atteindre la station vacante de son choix sachant qu’à chaque arrêt, il devra effectuer l’action directement associée à la station. Par exemple, les joueurs pourront déposer jusqu’à trois pièces au temple, représentant chacune un point de victoire. Dans les échoppes, ils auront l’opportunité d’acheter des souvenirs, là aussi synonymes de points. Dans les stations panoramas, ils assembleront peu à peu un tableau représentant le paysage admiré. Vous l’avez deviné, chaque nouveau segment rapporte toujours plus de points. Au milieu de toutes les stations, les relais restaurants représentent des étapes importantes dans le voyage puisque les joueurs sont ici obligés de s’arrêter pour attendre tout le monde avant de choisir un repas (et donc d’accumuler des points) puis de repartir. Le premier joueur arrivé au relais possède toujours l’avantage de choisir ce qu’il souhaite manger, sachant qu’un joueur ne peut goûter deux fois au même plat durant son voyage. Les autres repas sont ensuite passés aux joueurs suivants dans l’ordre d’arrivée ce qui signifie que le joueur qui arrivera le dernier aura forcément moins de choix que les autres et devra même potentiellement se priver de repas s’il n’y a plus rien qu’il puisse goûter. En revanche, ce sera toujours au dernier arrivé de repartir en premier.

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Le voyage demande un peu de plannification pour s’arrêter aux stations voulues.

En fonction du personnage reçu en début de partie (tous ne partent pas avec la même somme d’argent, certains ont des affinités avec des types de stations particulières), chacun tentera donc d’organiser son voyage comme il le souhaite en privilégiant des stations précises, en ignorant totalement d’autres emplacements, ou au contraire en butinant un peu partout. L’ensemble du jeu repose évidemment sur l’ambivalence constante de vouloir foncer vers la station convoitée sans pour autant aller trop vite au risque de sauter trop d’étapes et de rater de nombreuses occasions de marquer des points. À l’inverse, se montrer trop prudent peut rapidement se solder par l’impossibilité de visiter telle ou telle station si celles-ci sont déjà occupées lorsque vient notre tour de jouer. En dehors de cette prise de décision perpétuelle, Tokaido ne cherche pas à pousser les joueurs dans de complexes stratégies. Au contraire, le jeu assume et revendique même pleinement sa légèreté, voulue pour respecter le thème abordé. Sans compter que cette accessibilité lui permet d’accueillir des joueurs de tout horizon autour de la table.

Dans ce sens, Tokaido rempli parfaitement sa mission puisque les parties dégagent un certain esprit de calme, de sérénité et finalement de paix. Même s’il est possible de se montrer très compétitif et de bloquer volontairement ses camarades voyageurs, on sent que le design n’est pas pensé pour cela, et qu’à l’inverse, il est généralement plus profitable de chercher à réaliser son meilleur voyage plutôt que de gâcher celui des autres.

Deux extensions de choix

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Crossroads double le nombre de décisions à prendre pendant le voyage.

Deux extensions sont actuellement disponibles pour Tokaido, apportant chacune leurs lots de voyageurs supplémentaires, mais aussi de petites modifications sur la route. La première, Crossroads, contient six nouveaux personnages aux pouvoirs encore distincts qui viennent donc s’ajouter aux dix de base. Mais plus que par ses pèlerins, l’extension marque par la multiplication des choix qu’elle propose. C’est bien simple, en dehors des relais restaurants qui restent inchangés, Crossroads oblige les joueurs à prendre une décision supplémentaire à chaque station. Désormais, un joueur qui s’arrête à la ferme peut soit prendre les trois pièces comme d’habitude, soit en miser deux dans une salle de jeu et potentiellement remporter jusqu’à quatre fois sa mise. Tandis que des objets légendaires aux pouvoirs spéciaux font leur apparition dans les échoppes, il est maintenant aussi possible d’acheter une calligraphie dans les stations rencontres ou des amulettes au temple. Tout ceci permet d’obtenir plus de points ou même des capacités spéciales telles que l’option de rejouer immédiatement sans forcément être le dernier sur le chemin. Grâce à tous ses ajouts, Crossroads transforme sensiblement l’expérience de jeu. L’ensemble reste toujours très accessible, mais la complexité monte d’un petit cran, rendant cette extension presque obligatoire aux yeux de tous ceux qui souhaitent apporter un peu de sel à leur voyage.

Les festivals de Matsuri apporte une touche d'imprévu dans la partie.

Les festivals de Matsuri apportent une touche d’imprévu dans la partie.

La seconde extension Matsuri n’est cependant pas aussi ambitieuse puisqu’elle n’apporte qu’une petite variante supplémentaire liée aux stations relais. En plus de choisir son repas avant tout le monde, le joueur qui arrive le premier à un relais pioche deux cartes Matsuri, choisit celle qui l’intéresse et déclenche alors son action, valable pour tout le groupe jusqu’au prochain relais. Ces cartes Matsuri représentent des festivals aux effets divers et variés tels que la fermeture d’un type de stations sur la prochaine section du parcours, ou la possibilité de récupérer plus de cartes panoramas par exemple. Au final, ces vingt cartes Matsuri ajoutent un peu de variété, mais pas autant que les cartes Crossroads. Pour compenser, cette seconde extension met le paquet du côté des voyageurs puisqu’elle propose pas moins de seize nouveaux personnages, avec encore des pouvoirs différents liés ou non aux stations sur le chemin. S’il fallait choisir, Crossroads semble être l’extension évidente pour tous les amateurs de Tokaido puisqu’elle double presque littéralement le contenu. Plus légère, Matsuri n’est pas inintéressante mais reste toutefois en retrait, et donc plutôt réservée à ceux qui souhaitent découvrir encore plus de voyageurs avec lesquels se lancer sur la fameuse route japonaise.

L’édition deluxe pour voyager en première classe

打印En marge de l’édition classique, Tokaido est aussi disponible en Édition Deluxe réunissant à la fois le jeu de base et l’extension Crossroads. Cette grosse boîte renferme également un plateau de jeu géant d’un mètre de long, des pièces de monnaie en métal pour remplacer celles en carton de la version d’origine, des tuiles voyageurs un peu plus grandes, des marqueurs de points sous forme de baluchons et même un CD pour apprécier des musiques asiatiques tout en jouant. Enfin, l’Édition Deluxe est livrée avec seize figurines (35 mm en moyenne) pour représenter les différents voyageurs présents dans le jeu de base et Crossroads uniquement. S’il n’y a rien à redire sur la qualité de ces figurines, toutes très détaillées et même jolies à regarder, elles semblent toutefois briser le feng shui général de l’expérience. On perd en effet le côté simple et pur du visuel général pour quelque chose d’un peu plus organique et désordonné. Notez que les pions originaux en bois sont toujours inclus dans la boîte et peuvent donc être utilisés sans problème à la place des figurines. Reste maintenant la question du prix, situé aux alentours de 70 – 90 euros suivant les boutiques. S’il est impossible de nier le gain de confort offert par le vaste plateau, et qu’il faut souligner la qualité globale du matériel, chacun devra évaluer le prix en fonction de son budget personnel.

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L'avis d'extralife
  1. Auteur : Antoine Bauza
  2. Illustrateur : Naïade
  3. Éditeur : Funforge
  4. Genre : Parcours
  5. Nombre de joueurs : 2 à 5 joueurs
  6. Âge recommandé : 10 ans
  7. Durée de la partie : 45 mn
  • tokaido_boiteQue ce soit par son esthétique épurée, ou son gameplay volontairement léger, Tokaido est un jeu réellement à part qui mise beaucoup sur le côté très reposant de l'expérience. Comme le voyage qu'il cherche à reproduire, le jeu parvient à récompenser les joueurs qui se laissent guider en leur servant un moment de calme très appréciable. Tokaido mérite toutefois d'être joué avec son extension Crossroads, qui multiplie les prises de décisions par deux sans toutefois ronger sur l'accessibilité ni sur son enivrant côté zen. L'extension Matsuri est pour sa part plus dispensable, et s'adresse plutôt à ceux qui possèdent déjà Crossroads et souhaitent une petite dose d'imprévu avec l'apparition des festivals.
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  • Tokaido sans extension
  • Tokaido : Crossroads
  • Tokaido : Matsuri
Jihem

La découverte de BurgerTime aux débuts des années 80 aura clairement affecté la vie de ce grand bonhomme. Non seulement, Jihem a développé une passion pour les jeux vidéo, mais il a également choisi de s'installer au pays du hamburger. Sa mère est plutôt heureuse qu'il n'ait pas découvert les jeux avec Boogerman.

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4 commentaires

  1. Varlsack
    Varlsack
    7 avril 2016 à 20 h 28 min

    Je comprends que l’on puisse aimer le jeu, mais personnellement ça a été une expérience bien plus soporifique que transcendante (avec la première extension)… J’ai failli l’acheter à cause du travail d’édition et d’illustration magnifique mais heureusement, j’ai pu le tester avant et me raviser !

  2. Galiat
    Galiat
    7 avril 2016 à 22 h 42 min

    Pour moi, c’est un très bon jeu. Je l’ai fait tester à beaucoup de débutant dans les jeux modernes, et ils ont vraiment apprécié. C’est un jeu non prise de tête, et amusant à la fois !

  3. Jose_Starr
    Jose_Starr
    14 avril 2016 à 20 h 57 min

    J’ai ce jeu en tête depuis que j’ai regardé le d’entrée de jeu il y a quelques semaines mais j’ai l’impression qu’il est surtout fun à trois ou quatre non ?
    Est-ce que tu y as déjà jouer à deux ? Si je le prends j’y jouerais surtout à deux (ou à trois de temps en temps) et Je ne sais pas si ça vaut le coup que je l’achète si il est moyen avec ce nombre de joueurs…

  4. Jihem
    Jihem
    15 avril 2016 à 18 h 23 min

    Le jeu est ok à 2, mais plus amusant à partir de 3 joueurs. La règle indique qu’à deux jours, il faut ajouter un troisième joueur virtuel pour bloquer certaines stations. Je ne l’ai jamais fait perso.

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