Bruno Cathala : “Tout faire pour être compris”Coulisses

Bruno Cathala : “Tout faire pour être compris”

Joue bien Bruno

Bruno, merci de nous accueillir chez toi, dans ce coin ensoleillé de la France, tout près de la frontière suisse…

En Haute Savoie.

Justement, est-ce important pour toi de travailler dans un cadre comme celui-ci, au calme et loin des grandes villes françaises ?

De toute façon, moi je suis un enfant de la campagne. C’est-à-dire que j’ai passé toute mon enfance dans un petit village où il y avait 400 habitants dispersés en trois hameaux. Autant j’aime la ville pour tout ce que l’on peut trouver de culturel, le cinéma, le théâtre… Autant j’aime pouvoir aussi m’en échapper. Donc j’ai besoin d’avoir une grande agglomération à proximité, mais de vivre presque dans les champs.

Ici, ce qui est important pour moi, c’est que je prends mon vélo, je pars de chez moi, je suis dans la montagne direct. C’est quelque chose qui a toujours été important pour moi.

On ne le voit pas aujourd’hui, mais j’ai une vue. Et ça, depuis que je suis enfant, c’est quelque chose qui a été essentiel pour moi. Je ne suis pas un vrai claustrophobe, mais je ne respire pas si l’horizon d’en face, c’est le mur qui est à quinze mètres. Ça ne me va pas. J’ai besoin que ma vue s’échappe. Je pense que ça nourrit mon imaginaire.

Tu penses que tu ferais des jeux différents si tu habitais ailleurs ?

En fait, je ne sais pas si j’en ferais…

Ah, c’est intéressant, ça…

Ma famille habitait à la campagne dans le Val de Saône. J’ai passé des heures et des heures, assis à la fenêtre à regarder les monts du Beaujolais qui étaient en face, et à laisser mon esprit divaguer… À me raconter les histoires, tout ça. Je pense que c’est quelque chose qui, quelque part, alimente mon imaginaire.

Dans mon bureau, j’ai positionné ma table de telle façon  ce que dès que je lève les yeux, j’ai la vue sur la montagne au loin. Je vois la météo qui évolue, la neige… Et quand je suis en mode réflexion, j’ai mon œil qui passe de mon écran d’ordi à hop [il regarde au loin)]. Ça me permet de m’évader. C’est important.

Comment es-tu venu aux jeux ? Ça date de quand tu étais enfant ?

J’ai toujours été joueur, depuis tout petit. Ma mère dit volontiers que l’une des premières phrases que j’ai dites, c’est “Joue bien Bruno”, donc il faut croire que c’était important. On n’était pas dans les mêmes jeux qu’aujourd’hui, évidemment. Il s’avère que mes parents avaient un couple d’amis dont les enfants étaient un tout petit peu plus grands que nous. Du coup, quand on allait chez eux, les parents discutaient politique entre eux, et nous, ça ne nous intéressait pas trop. Alors on jouait… Ils nous ont appris à jouer. On a commençait par le Monopoly, évidemment, mais très vite, on est passé à Richesses du Monde qui était déjà quelque chose d’un peu plus évolué. Puis le Cluedo, le Risk… enfin, bon, les grands classiques de cette époque-là. Et ça, ça m’a beaucoup plu.

 


Après, je me suis intéressé tout particulièrement aux jeux abstraits, à deux joueurs. Donc les Échecs, le Go, l’Othello. N’ayant pas de partenaire, j’ai beaucoup lu sur le sujet, en réfléchissant et en faisant des problèmes. Quand j’ai eu une vingtaine d’années, un ami de mes parents m’a offert un numéro de Jeux & Stratégie. C’est pareil, je ne savais pas que ça existait. Et j’ai découvert un univers que je n’imaginais même pas. Ça m’a passionné. Par souscription, j’ai acheté Fief, à l’époque. C’est le premier jeu que je me suis offert — premier vrai jeu, on va dire. Et là, j’ai pris une claque. Vraiment. Je me suis dit c’est génial ! Comme Fief avait été publié parce que son auteur, Philippe Moucheboeuf, avait gagné un concours de création, Le Pion d’Or Jeux & Stratégie, je me suis dis que moi aussi, un jour, je gagnerai ce concours et serai publié.

Mais j’avais vingt et un ans, et je n’avais pas le début d’une idée. Je savais juste qu’un jour, je ferai mon jeu. C’est comme ça qu’après, pendant des années, j’ai lu tout ce que je trouvais sur le jeu de société. J’ai acheté des jeux, je les ai décortiqués, je les ai expliqués à mes copains pour tenter de les convaincre… Et un puis un jour, beaucoup plus tard, je me suis dit que c’était le moment.

Créer, c’est douter. Si on ne doute pas, on ne fait rien.

C’est là que tu as commencé à douter ?

Ah oui, oui. C’est sûr.

Par rapport à ta phrase fétiche — que tu peux d’ailleurs citer encore une fois…

Créer c’est douter. Si on ne doute pas, on ne fait rien, je pense.

…est-ce que la création d’un jeu s’arrête lorsqu’il n’y a plus de doute ? Une fois éloigné tous les doutes, tu sais que le jeu est fini à ce moment-là ?

De toute façon, quand on décide de s’arrêter — parce qu’à un moment donné, il FAUT décider de s’arrêter, parce qu’un jeu peut toujours être autrement — on continue à douter, mais on doute d’autres choses. C’est-à-dire que quand je m’arrête, que je décide ou qu’on décide (parce que je travaille aussi beaucoup en partenariat) que c’est comme ça qu’on en a envie que le jeu soit, et après avoir travaillé avec l’éditeur, on a toujours le doute de savoir comment le public va le recevoir. Des doutes, on en a tout le temps. C’est aussi ce qui fait avancer.

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Jihem

La découverte de BurgerTime aux débuts des années 80 aura clairement affecté la vie de ce grand bonhomme. Non seulement, Jihem a développé une passion pour les jeux vidéo, mais il a également choisi de s'installer au pays du hamburger. Sa mère est plutôt heureuse qu'il n'ait pas découvert les jeux avec Boogerman.

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1 commentaire

  1. RivieraParadise
    RivieraParadise
    20 février 2018 à 13 h 31 min

    Merci Jihem pour cette interview. Je suis moi meme un chef de projet qui essai de s’aventurer dans la creation de jeu de societe, et cet article est vraiment passionnant.
    Bonne continuation a toute l’equipe d’Extralife
    PS: A quand un nouvel episode d’Entree de jeu?

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