Bruno Cathala : “Tout faire pour être compris”Coulisses

Bruno Cathala : “Tout faire pour être compris”

La trace de l’auteur

Tu disais prendre ta tablette pour jouer. Est-ce que le secteur du jeu vidéo t’intéresse ? Éventuellement pour développer des mécaniques qui dédiées à un support vidéo.

Moi, ce que j’aime, c’est de créer des jeux. À partir de là, tous les supports m’intéressent. Après, je n’ai pas la compétence pour développer du jeu vidéo. Mais réfléchir ou participer à quelque chose dans ce domaine-là, oui. Potentiellement, ça pourrait m’intéresser.

As-tu déjà eu des propositions à ce niveau ?

Non, non.

C’est étonnant qu’un auteur renommé dans le jeu de société ne fasse pas le bond vers le jeu vidéo. Parce qu’on parle de mécaniques pures. Ensuite, il y a toute l’équipe qui se chargerait de la développer.

En tout cas, ça ne s’est pas présenté.

Il y a tout de même eu des adaptations de tes jeux.

Oui, mais il y a deux choses différentes. Il y a le jeu vidéo-jeu vidéo et puis il y a des portages de jeux de plateaux vers de l’électronique. Pour moi, ce sont deux choses qui sont très différentes.

Dans l’absolu, je n’ai pas d’idées pour ça, mais ce qui m’intéresserait plus, ce serait de faire un vrai jeu de société et de profiter du numérique pour réaliser des choses trop chiantes à faire sur du réel. Parce que rejouer de la même façon à un jeu qu’on peut jouer en vrai sur une tablette, c’est bien mais ce n’est pas ultime. Alors que profiter du numérique pour faire des choses différentes, c’est quand même plus intéressant.

Tu as vu des exemples récents qui t’ont intrigué ?

Pas particulièrement, non. Mais je parle dans l’absolu.

Pour revenir au tout début de notre discussion, lorsque tu parlais des nouveaux auteurs qui arrivent et du métier d’auteur qui évolue, est-ce que cela te titille d’ouvrir ta propre maison d’édition pour accompagner d’autres auteurs et les prendre sous ton aile ?

Pour déclarer mes droits d’auteurs, j’ai été amené à monter une société. Mes droits d’auteurs sont captés par une EURL, donc une entreprise uni-individuelle à responsabilité limitée. Quand j’ai déposé les statuts en 2005, la société a été structurée pour faire de l’édition, de la vente, du conseil… Donc rien aujourd’hui, ne me l’interdit. Je sais le faire parce que j’ai déjà effectué ces fonctions-là pour des éditeurs sur cahiers des charges en conduisant jusqu’à la réalisation du jeu. Donc je sais le faire.

Après, est-ce que c’est moi qui le fais le mieux ? Pas nécessairement. Moi, ma fibre, et j’espère ma force principale, elle est en amont de ça. Elle est sur la création/développement. C’est mon sentiment. Le reste, je sais le faire. Mais est-ce que c’est moi qui le fais le mieux ? Encore une fois, non, pas forcément. Est-ce que c’est ce qui m’amuse le plus ? Non. Donc je n’exclus pas de le faire si jamais ça devenait une nécessité. Mais je pense que c’est bien quand tout le monde — quand une équipe, parce qu’un jeu, c’est un travail d’équipe — donc quand tout le monde travaille dans son secteur de compétence.

Moi, je préfère avoir un éditeur qui fait son vrai travail d’éditeur, c’est-à-dire trouver les solutions pour produire un matériel de qualité à un coût raisonnable et développer son circuit de distribution pour que le jeu atteigne l’ensemble des boutiques, au niveau mondial, si possible. Ça, c’est le travail de l’éditeur, avec des auteurs qui font leur vrai travail d’auteur, c’est-à-dire qu’ils sont capables de développer le jeu dans ses moindres détails en fonction des desiderata de l’éditeur par rapport à son marché, etc. C’est eux qui portent ça. Et puis un distributeur qui, lui, fait son travail de distribution ; un illustrateur qui est là pour mettre ce travail en lumière, sous une direction artistique à la hauteur, ce qui n’est pas toujours le cas.

Je pense que quand tout le monde travaille dans son secteur de compétence, c’est là où on a les meilleurs résultats.

On entend beaucoup parler pour les grands auteurs, d’un jeu à la Rosenberg, d’un jeu à la Feld. Est-ce qu’il y a une méthode Cathala ? Si oui, serais-tu capable de définir ce qu’est un jeu à la Cathala ?

Moi non. Je ne suis pas capable de le définir.

Et si tu l’entends dire, est-ce que cela te fait plaisir, ou au contraire, t’amène à penser que tu fais encore la même chose ?

Je suis flatté qu’on puisse reconnaître une patte. Après, je ne suis pas trop inquiet de m’enfermer dans quelque chose parce que si je regarde ce que j’ai fait jusqu’à présent, je trouve qu’il y a quand même de la diversité. Donc ça ne m’effraie pas plus que ça.

De toute façon, si les gens reconnaissent une patte, ça conduit aussi à la fidélisation et donc du coup c’est plutôt bien pour moi. Et puis à la limite, quelqu’un qui n’aime pas ce que je fais, c’est très bien. Il sait qu’il ne va pas s’intéresser aux prochains jeux. Et il n’y a rien de pire qu’un mauvais achat ! Il n’y a rien de pire que quelqu’un qui a acheté quelque chose qui n’est pas pour lui parce qu’il va forcément aller le dire. Je préfère finalement avoir un public qui me suit et avec lequel je suis à l’aise et qui aime bien ce que je fais. Donc s’ils se sentent à l’aise par rapport à ma “trace”, c’est bien.

Je trouve de toute façon que le travail de l’auteur, c’est d’imprimer une trace et quelque part, de tout faire pour être compris, pour faire en sorte que les gens le suivent. Enfin, au moins une partie du public parce que le jeu universel n’existe pas. Et c’est un peu là dedans que j’essaie de m’inscrire.

Je ne sais pas si j’ai réussi !

Le travail de l’auteur, c’est d’imprimer une trace et quelque part, de tout faire pour être compris.

On se donne encore dix ans pour te confirmer ça. D’ailleurs combien de jeux as-tu dans ta “Cathalatèque” ? Tu as compté ?

Oui, oui. J’ai compté récemment. J’en suis à une centaine de publications, si je compte les extensions.

Et premier jeu publié en…

2002. Ça fait quinze ans.

Alors félicitations pour cette centaine de petits, gros et beaux bébés ! ON a hâte de découvrir les prochains. Merci beaucoup pour le temps que tu viens de nous accorder.

 

Pour suivre le blog de Bruno Cathala : http://www.brunocathala.com/

6 of 6
Jihem

La découverte de BurgerTime aux débuts des années 80 aura clairement affecté la vie de ce grand bonhomme. Non seulement, Jihem a développé une passion pour les jeux vidéo, mais il a également choisi de s'installer au pays du hamburger. Sa mère est plutôt heureuse qu'il n'ait pas découvert les jeux avec Boogerman.

Soutenez ExtraLife

A voir aussi

1 commentaire

  1. RivieraParadise
    RivieraParadise
    20 février 2018 à 13 h 31 min

    Merci Jihem pour cette interview. Je suis moi meme un chef de projet qui essai de s’aventurer dans la creation de jeu de societe, et cet article est vraiment passionnant.
    Bonne continuation a toute l’equipe d’Extralife
    PS: A quand un nouvel episode d’Entree de jeu?

Réponse