Bruno Cathala : “Tout faire pour être compris”Coulisses

Bruno Cathala : “Tout faire pour être compris”

Les jeux coopératifs

Tu as fait beaucoup de jeux à deux, tu viens de le dire. C’est effectivement le cas quand on regarde ta ludothèque.

Ca représente à peu près un tiers, oui.

Tu as fait moins de jeux coopératifs…

J’en ai fait deux. J’en ai fait un avec un félon.

Les Chevaliers de la Table Ronde.

Voilà. Et j’en ai fait un autre sans félon, pour la démonstration.

C’était lequel ?

SOS Titanic.

Effectivement. Mais je le vois plus comme un solitaire, en fait.

Justement. C’est bien pour ça. C’est-à-dire que mon crédo, mon sentiment, c’est qu’en fait je n’aime pas les coopératifs. En tant que joueur, ça m’emmerde. De façon générale, car il y a des exceptions. Ce qui m’enquiquine dans le coopératif, ce que la plupart du temps, tu as le problème de l’alpha leader. C’est-à-dire quelqu’un qui va prendre le contrôle de la table et qui va dire “Toi, tu fais, ça. Toi, tu fais ça. Toi, tu fais ça. Il faut faire ci, ça, etc..” Et donc du coup, j’ai le sentiment de jouer à un solitaire à plusieurs. Ça faisait des années que je disais qu’à moins d’introduire un félon, (ce que l’on a fait immédiatement dans Les Chevaliers de la Table Ronde), un coopératif n’est qu’un solitaire à plusieurs. Et c’est pour ça que pour la démonstration, on a fait SOS Titanic. Parce que SOS Titanic, quand je dis que c’est un solitaire à plusieurs, c’est vraiment ça. On a pris le jeu du solitaire et on en a fait solitaire à plusieurs. C’est pour ça que je parle de démonstration. Et le jeu marche très bien, y compris en solitaire, bien évidemment, puisqu’il est fait pour.

Mais tous les coopératifs peuvent être joués tout seul. Et pour moi, c’est d’ailleurs le plus intéressant. L’Île Interdite, par exemple, qui est un très bon jeu par ailleurs, je ne vois pas l’intérêt d’y jouer à plusieurs. Je préfère y jouer tout seul. Je prends ma tablette et je vais faire une partie dans le train, et puis voilà. Pour moi, c’est ça.

Après, il y a des contre exemples… Je pense à un contre exemple — c’est ce qui fait d’ailleurs que ce jeu à gagné le Spiel je pense. C’est Hanabi, d’Antoine Bauza. Hanabi c’est un jeu coopératif pour lequel il n’y a pas d’alpha leader puisque de toute façon, tu ne peux pas jouer sans les autres. Tu ne peux pas jouer en solitaire à Hanabi. Ce n’est pas possible. Et c’est ça qui est brillant.

Si tu n’as pas un twist de ce genre-là, je ne vois pas l’intérêt. Attention, je ne parle pas par rapport au marché. Chacun a le droit d’aimer ça. Mais moi, en tant que joueur, je m’ennuie. Je suis un compétiteur. J’aime la compet’, j’aime qu’on puisse se pourrir, j’aime qu’on puisse se faire des crasses. Donc les jeux que je fais sont comme ça. Ça ne m’intéresse pas de faire un jeu que je n’aime pas.

Magic Maze se débarrasse aussi de l’alpha leader…

J’ai détesté Magic Maze. Ah mais j’ai détesté à un stade… Ouh la vache ! Attention. Moi, j’ai un cerveau droit et un cerveau gauche. C’est-à-dire que j’ai beaucoup travaillé en boutique en tant que vendeur. Magic Maze, je serais en boutique, j’en vendrai des caisses parce que c’est un excellent jeu, et je saurai exactement à qui le proposer. C’est un excellent jeu… qui n’est pas pour moi. Quand je dis que je déteste, c’est JE déteste. Je ne dis pas que c’est un mauvais jeu. Non, c’est un excellent jeu que j’aime pas.

Je ne l’aime pas en tant que joueur, parce qu’en fin de compte, c’est quelque part ce que j’appelle un puzzle game. C’est-à-dire que tu as une situation sur la table, et il faut trouver la solution… En fait j’ai l’impression de jouer à Ricochet Robots. Et Ricochet Robots, j’adore. Mais Ricochet Robots, ma réflexion, c’est la mienne. Et il y a personne qui va m’enquiquiner à réfléchir autrement que de le manière dont j’ai envie de réfléchir. Dans Magic Maze, ce n’est pas le cas.

D’abord premièrement, toi t’as vu la solution, l’autre ne voit rien du tout. C’est insupportable ! Et comme tu n’as rien le droit de dire, tu peux juste lui claquer le truc, et ça, c’est aussi insupportable. Et puis t’as l’autre qui claque le truc devant toi pour que tu joues, alors que toi, t’as déjà quatre coups d’avance sur lui et c’est tout aussi insupportable. Donc non, ce n’est pas un jeu pour moi. Je peux tout à fait comprendre à qui ça s’adresse. Je peux comprendre qu’on s’éclate à y jouer. Mais moi, j’y ai joué deux fois et je n’y rejouerai pas. Ne me proposes pas une partie.

Par contre, à nouveau : c’est un excellent jeu. Et franchement, quand on s’est retrouvé en concurrence avec lui pour le Spiel avec Kingdomino, j’ai vraiment serré les fesses parce que je pense qu’il pouvait tout à fait l’emporter.

C’est vrai que c’était assez serré au niveau du cœur des joueurs.

Je ne connais pas le résultat des votes, mais oui, je pense que la balance n’était pas nécessairement aussi clairement en notre faveur.

LIRE LA SUITE…

5 of 6
Jihem

La découverte de BurgerTime aux débuts des années 80 aura clairement affecté la vie de ce grand bonhomme. Non seulement, Jihem a développé une passion pour les jeux vidéo, mais il a également choisi de s'installer au pays du hamburger. Sa mère est plutôt heureuse qu'il n'ait pas découvert les jeux avec Boogerman.

Soutenez ExtraLife

A voir aussi

1 commentaire

  1. RivieraParadise
    RivieraParadise
    20 février 2018 à 13 h 31 min

    Merci Jihem pour cette interview. Je suis moi meme un chef de projet qui essai de s’aventurer dans la creation de jeu de societe, et cet article est vraiment passionnant.
    Bonne continuation a toute l’equipe d’Extralife
    PS: A quand un nouvel episode d’Entree de jeu?

Réponse