Quand la publicité vérole l’information Opinion

Quand la publicité vérole l’information

Il n’y a pas si longtemps on parlait encore de publi-rédactionnel, aujourd’hui pour être tendance on préfère utiliser des anglicismes comme native advertising ou brand content. Les aficionados du marketing vous diront que ces différents termes recouvrent des procédés bien distincts, mais dans le fond le but est toujours le même : enrober le discours publicitaire pour qu’il se fonde dans l’offre globale du média auquel il s’intègre. Il s’agit toujours de pub, sauf que tout est fait pour que vous ne fassiez pas vraiment la différence entre celle-ci et le contenu que vous étiez venus chercher de manière volontaire. C’est un peu comme lorsqu’on fait manger un médicament trop amer à un enfant en le glissant au milieu d’un bonbon appétissant. Vous pensez encore que c’est un moindre mal, une façon plutôt bien trouvée de lier le nécessaire à l’agréable ? Pas de chance, ce genre de procédé a des répercussions qui vont au-delà d’un éventuel plaisir immédiat.

La communication ou l’art de brouiller les frontières

L’intrusion de plus en plus poussée de contenus publicitaires au sein même des offres éditoriales ne doit rien au hasard. Pas la peine de jouer les naïfs, le fait que les communicants se rapprochent des organes de presse dans l’espoir de vanter les mérites du produit qu’ils défendent ne date pas d’hier. Ce procédé était déjà mis en avant par Edward Bernays en 1928 dans Propaganda, un petit traité qui peut être considéré comme un véritable guide pratique du marketing avant l’heure. Il anticipait non seulement l’essor de la publicité classique, mais aussi le développement de synergies plus profondes entre les équipes éditoriales et les annonceurs :

propaganda“Une Banque qui souhaite mettre en lumière les services offerts à sa clientèle féminine s’entendra avec un grand magazine féminin pour lui offrir une série d’articles et de conseils en investissement rédigés par la responsable de ce secteur. De son côté, le magazine féminin exploitera ces informations originales pour renforcer son prestige et son audience.” cf. Edward Bernays, Propaganda, p137-138 de la traduction parue en 2007 aux éditons La Découverte sous le label Zones (l’intégralité de l’ouvrage est consultable sur le site de l’éditeur)

Cette citation ne date pas d’hier et pourtant elle n’a pas perdu de son actualité. On ne va pas se le cacher, le principe du donnant-donnant reste central dans la presse spécialisée ou magazine. Lorsque l’on parle de jeux vidéo, il est évident que la presse a besoin des éditeurs pour obtenir du contenu et que les éditeurs ont besoin de relais d’opinion pour s’assurer une certaine visibilité. Seulement c’est un équilibre qui ne tient qu’avec l’adhésion du public. On aura l’occasion de revenir sur cet aspect, mais à partir du moment où le média qui porte le message perd la confiance de son lecteur, de son auditeur ou de son spectateur, tout s’effondre : dans notre exemple, l’organe de presse se retrouve à proposer des contenus qui sont décorrélés des attentes de son public et en réaction l’éditeur risque même de s’attirer les foudres des éventuels consommateurs qu’il visait.

Traditionnellement, pour éviter que de telles situations apparaissent, les organes de presse s’astreignent à une forme de contrat éthique passé avec leur public. L’engagement est clair : vous voulez de l’information, pour l’obtenir nous devons parfois solliciter des acteurs qui trouvent un intérêt dans la diffusion de cette information, mais ces derniers doivent être traités comme des sources, c’est à dire avec impartialité et tout en conservant une certaine distance. A partir du moment où ce contrat est respecté sur la partie éditoriale d’un journal, d’une émission ou d’un site internet, le public est généralement prêt à accepter que des messages publicitaires l’accompagnent à condition que ces derniers se cantonnent à des espaces annexes clairement définis comme tels. C’est cette distinction qui vole en éclat avec le recours massif au publi-rédactionnel.

Un modèle économique qui arrive en bout de course

monnaieLes publi-reportages étaient encore rares dans la presse écrite des années 80, c’est surtout pendant les années 90 puis les années 2000 que ce format a connu un véritable boom. La crise qu’a connu le secteur n’explique pas à elle seule cette progression : les ventes de la presse magazine se portaient bien et pourtant elle est une des premières à recourir massivement à ce genre de contenu. Toutefois, la multiplication des publi-reportages dans la presse quotidienne traditionnelle peut difficilement être analysée sans prendre en compte les difficultés financières que rencontre cette branche. On peut à juste titre le regretter, mais la publication d’une page vantant les attraits d’un accessoire de mode dans un magazine féminin fera forcément moins de vagues qu’un article vantant les mérites d’un pays dans un quotidien par ailleurs jugé comme sérieux. Si les organes de presse ayant pignon sur rue en sont arrivés à ce genre d’extrémité, c’est tout simplement parce que l’état de leurs finances les met au pied du mur. Le publi-rédactionnel c’est un peu la solution du journal surendetté qui hypothèque la confiance de ses lecteurs.

Le publi-rédactionnel c’est un peu la solution du journal surendetté qui hypothèque la confiance de ses lecteurs.

tokalonOn peut facilement faire le parallèle avec le développement de formats similaires sur le net. En effet, si les sites d’information généralistes ou spécialisés se tournent vers ce type de pratique, c’est tout simplement parce qu’ils sont à sec : les publicités classiques sont de moins en moins rentables et de plus en plus esquivées par les internautes qui utilisent des bloqueurs de pub. Je ne m’attarderai pas sur la question de la crise actuelle du modèle économique de la presse en ligne puisque vous avez certainement déjà lu l’excellent article de Dinowan à ce sujet (si ce n’est pas le cas, il n’est pas trop tard pour y jeter un œil). Toujours est-il que ce n’est pas de gaîté de cœur que les rédactions des sites ont ouvert leurs colonnes aux annonceurs, celles qui ont franchi le pas se sont certainement senties contraintes de le faire. Seulement voilà, c’est une solution qui assure certes quelques rentrées d’argent à court terme, mais le calcul peut s’avérer désastreux lorsqu’on se projette un peu dans le futur. En effet, l’arrivée massive de messages publicitaires (même s’ils sont souvent signalés comme tels) au sein même du contenu éditorial ne peut avoir que deux conséquences : soit les lecteurs rejettent en masse le procédé et le site dans son ensemble perd toute crédibilité à leurs yeux, soit au contraire ils adhèrent à la démarche et auquel cas ce sont les productions originales de l’équipe éditoriale qui perdent petit à petit en intérêt, tant pour les lecteurs que pour les gestionnaires du site en question.

YouTube_logoOn aura l’occasion de revenir sur ces deux types de réactions, mais il est impossible de parler de l’essor du publi-rédactionnel sur le net sans évoquer le cas des blogs ou des youtubeurs. En effet, si bon nombre de ces derniers se sont rapprochés des annonceurs, c’est moins en raison d’une crise d’un modèle économique préexistant, mais plutôt parce que ces passionnés ont vu là un moyen de transformer leur hobby en gagne-pain. Finalement, on est face à un changement de mentalité : le passe-temps ne peut plus être une fin en soi, on doit pouvoir en tirer profit. C’est un glissement que les annonceurs ne peuvent qu’encourager, la multiplication des prescripteurs dociles et cupides leur permet de toucher plus finement le public. On se trouve donc dans une situation où les deux parties sont gagnantes ? Encore une fois, c’est peut-être le cas dans l’immédiat, mais au long terme on retrouve les deux mêmes dangers qui guettaient déjà les sites éditoriaux.

L’indépendance vendue au plus offrant

La perte d’indépendance est bien entendu la première menace que fait planer le publi-rédactionnel, celle qui semble la plus évidente. Cela va de soi, un contenu directement réalisé par un annonceur ne risque pas d’écorner le produit qu’il met en avant ! Il en va de même lorsque l’annonceur passe commande auprès de la rédaction pour faire en sorte que tel ou tel sujet soit traité. Vous vous doutez bien que dans le cas totalement hypothétique où un éditeur sortirait le porte-monnaie pour que soit publié un nombre donné d’articles concernant son jeu, aucun de ces papiers ne se montrerait cruel avec le soft en question. On peut légitimement me répondre que le publi-rédactionnel est encadré par la loi et qu’il devrait, logiquement, toujours être clairement signalé comme tel. Certes, mais même en partant du principe que les lois sont appliquées à la lettre, le contenu ainsi signalé se retrouve à côtoyer celui qui est produit de manière indépendante par la rédaction et s’invite donc de facto dans la ligne éditoriale.

presse_ne_pas_avalerPour le dire simplement, accepter ce genre de format revient forcément à mettre son indépendance au placard, au moins temporairement. C’est grave docteur ? On imagine que dans ces cas-là le rédacteur en chef fait en sorte que les dégâts restent circonstanciés, il peut par exemple accepter la publication d’une petite news « sponsorisée » par un annonceur, à condition d’avoir les mains libres lorsqu’il s’agira de rédiger un article jugé plus crucial sur le même sujet. Seulement, là où les choses se compliquent, c’est que ce genre de compromis ouvre la porte à toutes les suspicions dans l’esprit du public, même au plus farfelues. Si les accusations de pots de vin ne datent pas d’hier dans le cas de la presse dédiée au jeu vidéo, il est de plus en plus difficile de trouver des arguments face aux détracteurs d’un test qui soutiennent que le jugement exprimé a été acheté par l’éditeur. Que vaut la bonne foi du rédacteur lorsqu’on le renvoie au fait qu’on trouve aussi des articles promotionnels dans les colonnes où il signe ? Tout devient suspect, la banale opération de sponsoring (alors qu’elle peut très bien se réaliser dans des conditions de transparence absolue), le moindre press tour (alors que la visite d’un studio de développement peut s’avérer instructive), le concours le plus anodin, le coup de cœur le plus sincère, ils sont tous regardés comme de potentiels outils de manipulation des foules. Comble de la confusion, ce discrédit se limite rarement à l’organe de presse qui cède aux sirènes du publi-rédactionnel, il finit par toucher tout le monde et c’est l’ensemble du secteur qui paie les pots cassés.

Oui mes amis, c’est un monde triste dans lequel nous vivons aujourd’hui. Et comprenez maintenant pourquoi je n’ai plus eu l’envie de me donner de mon temps et de mon énergie à cette vie virtuelle.

Diablox9

diablox9N’allez pas croire que la vie est forcément plus belle du côté des youtubeurs ou des blogueurs, les petits arrangements avec les éditeurs peuvent aussi leur coûter très cher. L’exemple le plus flagrant est celui de Diablox9 : ce jeune homme est devenu célèbre pour ses vidéos consacrées au multijoueur de Call of Duty, mais du jour au lendemain il a changé son fusil d’épaule en devenant subitement un grand défenseur des produits Electronic Arts. Passé le moment d’adaptation au gameplay des Battlefield, on ne peut pas vraiment dire que ce changement de crèmerie se soit traduit par une dégradation de la qualité de ses vidéos. Au contraire même, il a bénéficié d’un certain soutien logistique qui lui a permis de réaliser des reportages sur les plus grands salons. Seulement voilà, la ficelle était un peu grosse, et même s’il a multiplié les collaborations auprès de différents éditeurs en espérant que l’étiquette EA ne lui colle pas trop à la peau, même si son amour du jeu vidéo est probablement sincère, il est devenu malgré lui le symbole de l’homme sandwich dont la parole est forcément soumise à caution. La première conséquence a été un effritement progressif de la popularité de ses vidéos, puis les insultes et les remarques concernant son manque supposé d’intégrité se sont mises à fuser… L’intéressé le reconnaît lui-même sur sa page Facebook, au bout du compte la pression a été trop forte et il a fini par mettre son activité de commentateur vidéo en pause. Bref, même les stars de Youtube ne sont pas à l’abri de perdre la confiance du public lorsque leurs relations avec les éditeurs sont jugées trop incestueuses.

Le formatage de nos façons de penser et de consommer

On vient de voir que le publi-rédactionnel sous ses différentes formes pouvait entraîner un certain rejet, mais ce rejet signifie simplement que la formule n’a pas atteint ses objectifs. Que se passe-t-il lorsqu’au moins une partie du public adhère au procédé ? Les conséquences ne sont pas forcément plus folichonnes. D’un point de vue tout ce qu’il y a de plus concret, ce sont des contenus qui s’avèrent bien plus rentables que l’éditorial traditionnel pour les gestionnaires des organes de presse. Quand ils sont externalisés, ils ne coûtent pas un sou, mais même quand ils sont produits en interne, les frais engendrés sont largement compensés par les revenus proposés par l’annonceur. En quelque sorte, quand la mayonnaise prend, les gestionnaires de l’organe de presse sont assurés de récupérer le beurre et l’argent du beurre : ils ont un moyen de remplir leurs colonnes, leurs antennes ou leurs ondes avec un contenu qui ne leur coûte rien, qui leur rapportera même forcément de l’argent. Dans ces conditions, vous croyez qu’il vont s’embêter longtemps à produire des enquêtes, des analyses ou même des critiques qui risquent de froisser les annonceurs et qui ne s’avéreront pas forcément rentables ? Soyez certain qu’à partir du moment où le publi-rédactionnel est apprécié, ou au moins toléré avec une certaine bienveillance, il n’est pas prêt d’être mis au rebut.

cerveau_ecranSi le succès relatif de la formule se traduit forcément par une modification de l’offre, les répercussions sur la réception sont peut-être encore plus effrayantes. En effet, lorsque la publicité devient un divertissement et qu’elle se substitue à l’information, elle gomme du même coup toutes les barrières qui pouvaient la séparer du public. À partir du moment où la raison d’être du contenu médiatique que l’on consomme volontairement est de nous vendre un produit, comment remettre en doute la qualité du produit en question ? Ne comptez pas sur le publi-rédactionnel pour vous donner les outils qui vous permettraient d’aller au-delà du discours marketing. Vous aurez droit au contraire à un prêt à penser tout ce qu’il y a de plus formaté. On met son cerveau de côté, on se divertit et on absorbe paisiblement le message que souhaite faire passer le commanditaire de la campagne. N’allez pas croire que votre esprit d’analyse supérieurement élevé vous permet d’échapper à cette emprise, si les annonceurs investissent dans ce type de formats, c’est qu’ils ont au préalable vérifié leur efficacité. Bref, au final c’est votre façon de consommer qui est la cible de ces manœuvres, personne ne viendra taper directement dans votre porte monnaie, mais vos quelques économies auront tout de même plus de chance d’aller dans la poche de ceux qui vous auront longuement diverti que chez ceux qui n’ont pas pris la peine de nouer une relation aussi forte avec vous.

Là je m’abonne, ils me filent des jeux en plus, le mois prochain c’est pareil… Enfin, ils en font carrément des caisses, c’est nawak.

Cyprien

cypriengamingQuand on prend goût au publi-rédactionnel, c’est la faculté de critiquer, de prendre de la distance qui est menacée. Vous en doutez encore ? Parlez-en avec un enfant d’une dizaine d’années et demandez-lui son avis concernant la fameuse vidéo de CyprienGaming consacrée à l’offre PlayStation Plus. Il y a de grandes chances qu’il l’apprécie et qu’il la trouve drôle. Pourquoi pas : le sketch est plutôt bien réalisé, le rythme est travaillé, le petit twist final n’est pas trop mal amené… Votre jeune spectateur témoin aura peut-être compris que cette vidéo produite « avec la participation de PlayStation » délivre un message publicitaire, mais dans le fond il n’y accorde aucun intérêt. Le seul critère qu’il retient est de savoir s’il s’est amusé ou non. Si le rire est là, il n’y a pas de raison qu’il s’arrête en si bon chemin, il continuera à consommer ce genre de contenu. Finalement c’est cette répétition qui va poser problème. Les vidéos produites « avec la participation » d’un annonceur laissent de moins en moins de place aux vidéos tournées de façon plus amateur, c’est logique, elles disposent de davantage de moyens, tant pour leur réalisation que pour leur diffusion. Notre jeune spectateur va donc naviguer d’une vidéo promotionnelle à une autre, elles vont doucement forger ses goûts. En fin de compte, il ne verra jamais en quoi ces formats peuvent être critiqués, il les aura acceptés comme un état de fait, voire comme une norme. L’intrusion de plus en plus poussée de la publicité dans les pratiques culturelles érode progressivement les outils cognitifs qui pourraient permettre de la remettre en question.

Où est-ce qu’on appuie pour tirer la chasse ?

Vous l’aurez certainement compris, ce n’est pas dans cet article que vous trouverez une vibrante défense du publi-rédactionnel et de ses dérivés. Pas la peine de se montrer totalement défaitiste pour autant, il n’est pas trop tard pour éviter que ce type de format étouffe le reste de l’offre sur le net. Le premier pas à réaliser concerne avant tout les passionnés qui animent des blogs, des chaînes Youtube ou des streams : ils peuvent encore prendre conscience de l’importance que revêt leur indépendance. En cédant aux sirènes des annonceurs, ils profiteront peut-être de quelques menus avantages immédiats, mais ils risquent surtout de se mettre leur public à dos et de perdre ce qui les anime : le plaisir de partager leur passion. En un mot, il faut prendre soin de sa liberté lorsque c’est encore possible !

carte_de_presseOn peut toujours penser que ceux qui bossent au sein d’une rédaction n’ont pas autant de marge de manœuvre, qu’ils sont forcés de se plier aux ordres de leur hiérarchie. La situation est plus compliquée, le statut de journaliste peut être d’une grande aide à ce niveau là. Contrairement à ce que certains s’imaginent, la carte de presse n’est pas un sésame censé certifier la qualité du travail entrepris par son détenteur, par contre elle assure un statut bien particulier à celui qui la possède. Le fait d’être journaliste c’est l’assurance de profiter d’une convention collective un peu particulière qui protège non seulement les conditions de travail du salarié, mais qui lui assure aussi de ne pas être obligé de transgresser certaines règles déontologiques. Voici par exemple l’article 5 de la convention en question :

a) Un journaliste professionnel ne peut accepter pour la rédaction de ses articles d’autres salaires ou avantages que ceux que lui assure l’entreprise de presse à laquelle il collabore.
En aucun cas, un journaliste professionnel ne doit présenter sous la forme rédactionnelle l’éloge d’un produit, d’une entreprise, à la vente ou à la réussite desquels il est matériellement intéressé.
b) Un employeur ne peut exiger d’un journaliste professionnel un travail de publicité rédactionnelle telle qu’elle résulte de l’article 10 de la loi du 1er août 1986.
c) Le refus par un journaliste d’exécuter un travail de publicité ne peut être en aucun cas retenu comme faute professionnelle, un tel travail doit faire l’objet d’un accord particulier.

En théorie donc, un journaliste peut refuser de participer à l’élaboration de tels contenus. Dans les faits ce n’est pas toujours aussi facile, même s’il reste la possibilité de faire appel à des syndicats pour se faire épauler dans ce genre de démarche (le SNJ par exemple organise une permanence téléphonique hebdomadaire accessible à tous), le journaliste récalcitrant ne sera pas à l’abri d’être récompensé de son idéalisme par une gentille mise au placard. De toutes façons les employeurs souhaitant mettre en avant ces formats ont déjà prévu la riposte, ils n’embauchent plus des journalistes profitant de la fameuse convention, mais des rédacteurs web spécialisés dans le storytelling.

Vlogging_capLes autorités de régulation de la publicité pourraient aussi parfaitement jouer un rôle pour limiter les dérives telles qu’on les constate sur le net. D’ailleurs, au Royaume-Uni, l’autorité en question (le Committee of Advertising Practice) vient de donner de nouvelles instructions concernant la publicité dans les vidéos en ligne. C’est bien simple, il est demandé à ceux qui produisent ce genre de vidéos de signaler très clairement l’aspect promotionnel du contenu, sous peine d’être sanctionnés. Ces consignes s’appliquent très explicitement aux casteurs spécialisés dans le jeu vidéo. Pourrait-on voir la même chose en France ? Pourquoi pas, nous disposons d’une autorité analogue : l’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité regroupe elle aussi les professionnels du secteur, elle émet des recommandations et peut, le cas échéant, demander le retrait de contenus qui ne respectent pas les règles déontologiques édictées. D’ailleurs, un ensemble de recommandations datant de décembre 2010 vont clairement dans ce sens là. On y trouve par exemple ceci :

Les blogs publicitaires et billets sponsorisés doivent pouvoir être identifiés comme tels, sans ambiguïté, de manière claire et immédiate, au besoin par une indication explicite.

Dans ces conditions, on peut toujours imaginer que l’ARPP sorte de sa torpeur relative et vienne finalement taper sur les doigts de ceux qui prennent un peu trop à la légère ses recommandations. Quant aux lecteurs, ils peuvent eux aussi faire bouger les choses, il leur suffit de garder cette problématique en tête lorsqu’ils choisissent leurs canaux d’information. Mais on peut supposer que si vous êtes arrivés au bout de cet article, c’est que la question vous tenait déjà un peu à cœur et qu’il n’est pas nécessaire de vous faire davantage la leçon à ce sujet…

miniblob

Tombé sur Terre un peu par hasard, le blob dévore mollement tout ce qu'il trouve dans l'espoir de comprendre son environnement. Ne jugez pas trop sévèrement son appétit vorace ou vous risquez d'être au menu de son prochain repas.

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24 commentaires

  1. PaulBismuth
    PaulBismuth
    6 septembre 2015 à 0 h 40 min

    Très bon article qui vient compléter celui déjà publié sur le blog de Dinowan.
    Je me demandais aussi si un des aspects négatifs de cette invasion du publi-rédactionnel ne touchait pas directement le rédacteur passionné par son sujet qui se voit contraint par son rédacteur chef de produire du contenu qui ne lui correspond pas, ou la situation inverse, qui se voit accusé par son lectorat de ce genre de pratiques alors qu’il n’en est rien. Quels sont alors les impacts sur sa motivation et la qualité de son travail à venir ?

    De plus, puisque c’est mentionné dans l’article j’en profite pour poser la question, avez vous des cartes de presse chez ExtraLife ?

    1. miniblob
      8 septembre 2015 à 9 h 53 min

      Je pense effectivement que ce genre de contenu a tendance à démotiver toute une équipe éditoriale, même lorsqu’il s’agit de contenus produits à l’extérieur et sur lesquels la rédaction n’a aucune prise. En gros tu te retrouves en tant que rédacteur dans une position dans laquelle le boulot que tu as fourni et dont tu peux être fier va perdre en visibilité et en crédibilité parce qu’il est poussé par du contenu publicitaire…

      Pour ce qui est de la carte de presse, l’une des conditions de son attribution c’est que le journalisme doit être un véritable gagne pain, pas certain que ça soit le cas tout de suite avec ExtraLife ;) Pour ma part j’avais ma carte les deux dernières années où je bossais à jvc, mais ensuite je n’ai pas renouvelé la demande lorsque j’ai pris un congé parental d’une année.

    2. PaulBismuth
      PaulBismuth
      9 septembre 2015 à 22 h 12 min

      Merci de ta réponse Miniblob (ou Alexis, comment doit-on vous appeler vu que vous semblez vouloir vous détacher petit à petit des pseudos ?) !

      J’espère sincèrement qu’ExtraLife satisfera à la fois rédacteurs et lecteurs en proposant un contenu libre de toute influence !
      Et merci pour ce petit éclairage sur la carte de presse :)

    3. miniblob
      12 septembre 2015 à 10 h 59 min

      Erf c’est Paul Bismuth qui me demande comment on doit m’appeler, c’est le monde à l’envers non ? ^^

      Mon pseudo c’était miniblob bien avant de bosser pour jvc, ça restera mon pseudo, maintenant libre à toi de m’appeler par mon prénom; Pour te détendre je peux te préciser que j’ai pas mal d’amis qui font les deux :)

  2. Athos
    Athos
    18 septembre 2015 à 10 h 51 min

    Excellent article, vraiment on manquait de ce genre d’analyses sur le web. Merci à vous d’avoir lancé ce projet et d’avoir réussi à le mener à bien. Pleins de bisous <3

  3. Leirok
    Leirok
    18 septembre 2015 à 15 h 50 min

    Très bon article, j’ignorais pourquoi Diablox9 avait perdu son public, maintenant j’ai la réponse ! :)
    Au delà de ça la réflexion est très intéressante et bien écrite, c’est agréable à lire.

  4. Mazino
    Mazino
    18 septembre 2015 à 19 h 52 min

    Tout d’abord, je tiens à te dire que j’ai vraiment apprécié ton article parce qu’il mêle à la fois l’explication du phénomène de brand content et des techniques d’association de la publicité et du divertissement, mais aussi parce que tu détailles énormément ta pensée avec des citations, des exemples et des références pertinentes. Franchement, si Extralife propose ce genre de contenus régulièrement nul doute que vous réussirez à toucher votre public. Je l’espère en tout cas !

    Pour parler de l’article plus précisément, il y a deux points sur lesquels mon point de vue diverge du tien : le poids quasi-divin que tu donnes aux stratégies des entreprises et, par effet de miroir, le manque de crédit que tu accordes aux consommateurs des contenus brand content.

    – Un de mes professeurs à l’université, Eric Macé, avait eu un échange avec un professionnel du disque pour un de ces livres et l’un des grands patrons de la firme lui a déclaré cette phrase qui est pour moi démonstrative du contexte économique actuel : la meilleure stratégie de programmation ça revient à “balancer la sauce sur le mur et à attendre de voir ce qui reste collé”. On voit à quel point les entreprises naviguent en eaux troubles face à un comportement de plus en plus migrateur des publics.

    Le fait que ces entreprises partent à la recherche des youtubers et de “leaders d’opinion”, c’est bien parce qu’elles se trouvent démunies et aux abois face à ces consommateurs qui sont de moins en moins fidèles à une pratique, une émission, un produit culturel, etc. Lorsqu’on sait que 80% du chiffre d’affaire de la plupart des produits de consommation est le fait de seulement 20% des consommateurs, ça nuance l’impression d’omnipotence des industries face aux publics.

    – Deuxièmement, l'”économie affective”, les love-marques, l’engagement social dans le marketing d’une entreprise, toutes ces pratiques de la part de certains groupes de consommateurs sont vues comme un signe de soumission, de lavage de cerveaux voire de stupidité pure et simple. Penser de manière aussi fermée et pessimiste les relations entre un produit et un consommateur empêche d’étudier l’aspect social de la chose : porter un T-shirt Marvel fait-il de moi un possédé, un vendu ou un mouton ? Non, je le porte pour signifier quelque chose socialement aux autres, je m’associe aux groupes des fans de Marvel tout en conservant ma capacité à critiquer les films ou les jeux lorsqu’ils sont mauvais.

    Évidemment qu’un fan de Coca va passer son temps à vanter les mérites de la marque, a exhibé fièrement ses tasses/bols/verres à l’effigie de la marque et à tenter d’induire ses connaissances à boire du Coca, mais d’un autre côté il va être un suiveur dans d’autres domaines qu’il connait moins (cinéma, jeux vidéo). Même si la stratégie commerciale d’une marque fonctionne, cela ne veut pas dire que le consommateur est réceptif envers toutes les autres marques. Au contraire, être fan de quelque chose suppose qu’on l’est beaucoup moins de quelque chose d’autres (Marvel/DC, Coca/Pepsi, etc).

    – Malgré tout ce que je viens de dire, le brand content – et tu l’expliques très bien – peut être dangereux face à des personnes plus fragiles ou moins susceptibles de pouvoir socialement prendre du recul par rapport au message publicitaire : le cas des enfants et des vidéos de youtubers connus est parlant de ce point de vue là. L’éthique voudrait que les leaders d’opinion très médiatisés prennent conscience de leur impact et clarifient leur position, et ce n’est pas le cas à l’heure actuelle.

    Merci encore pour cet article et pour le débat qu’il permet d’avoir !

    1. miniblob
      1 octobre 2015 à 12 h 49 min

      Je te rejoins sur le fait que les grandes entreprises n’ont pas toujours conscience des réactions que vont engendrer leurs actions (d’où par exemple la naissance de bad buzz quand une campagne marketing est mal perçue par l’opinion), par contre je suis un peu moins confiant que toi dans la capacité de raisonnement des consommateurs que nous sommes tous. Je pense que ça mériterait un vrai débat, mais je ne suis pas certain d’être totalement en possession de mon libre arbitre, ou tout du moins totalement maître de mes opinions, lorsque je porte un T-shirt estampillé Marvel (et j’en porte en effet…).

      Bref, j’ai du mal à te répondre rapidement parce que tu mets le doigt sur un point qui me travaille et avec lequel je dois avouer n’être pas tout à fait au clair. Disons qu’il s’agit de l’une des nombreuses contradictions avec lesquelles je vis mais qui vient quand même régulièrement se faire sentir comme un petit caillou au fond de la chaussure…

  5. Julius
    Julius
    19 septembre 2015 à 0 h 22 min

    Alors là, bravo Extralife pour ce superbe article. je pense aussi qu’il y a une pique adressée à l’ex-site d’où vous venez, mais franchement c’est bien analysé, et pourvu que le nouveau site ne devienne pas comme ça au fil du temps. :)

  6. Guan
    Guan
    19 septembre 2015 à 1 h 22 min

    Le problème de ce système, enfin pour lui-même en tout cas, c’est qu’il est basé sur des méthodes de “vieux” publicitaires auxquels les jeunes, jusqu’aux trentenaires, ne sont plus sensibles. Ils sont gavés de bullshit marketing depuis qu’ils sont nés, et finalement, ont apprit à reconnaitre quand on les prends pour des busards. Au final, ça ne fait que desservir ceux qui l’utilisent, parce que personne n’aime qu’on se fiche de lui, et forcément les lecteurs vont gueuler.

  7. Nutt
    Nutt
    19 septembre 2015 à 10 h 02 min

    Bravo ! Quel article grandiose ! Ça ne présage que du bon pour la suite !

  8. AlexisB
    AlexisB
    19 septembre 2015 à 10 h 57 min

    Bonjour Alexis,
    Je me permet d’intervenir puisque je travaille dans le Web marketing et plus précisément dans la publicité sur Internet ( pas via du grand content mais via l’accords principalement ).

    Je suis plutôt d’accord avec toi quand au fait que le brandcontent est néfaste, notamment quand ce n’est pas précisément indiqué.
    Néanmoins, la publicité ” classique en ligne”, du type display ( bandeau de pub ) ou l’affiliation ne me choque pas tant que ça. À nous utilisateurs de faire la part des choses et de comprendre que, tant que ça ne nous pète pas à la gueule genre un pop up ou qu’il n’y en a pas partout, c’est en quelques sorte “normal”.

    Je reste tout de même curieux de ce type d’expérience sans pub et vous félicite vraiment pour avoir lancé tout ça. Travaillant moi même dans la pub elle commene à m’embêter donc je félicite l’initiative !,

    Je ne m’étend pas plus car la je suis sur tablette mais je serais ravis d’en discuter une fois sur mon pc.
    Alexis

    1. AlexisB
      AlexisB
      19 septembre 2015 à 16 h 46 min

      Accord = AdWords
      Grand content = brand content

      Dsl pour le correcteur

    2. miniblob
      1 octobre 2015 à 12 h 32 min

      La publicité classique ne me choque pas non plus, tant qu’elle n’est pas intrusive et qu’elle est clairement distinguée du contenu classique.
      D’ailleurs je précise que notre but n’était pas de faire un site sans pub, c’est juste que la publicité “discrète” n’aurait pas été suffisamment rentable (et qu’on n’avait pas forcément envie de s’embêter avec ça). Maintenant nous réfléchissons sérieusement à mettre un peu de publicité sur nos forums tout simplement parce qu’on ne s’attendait pas à ce qu’ils mobilisent autant de ressources.

  9. Birdman
    Birdman
    19 septembre 2015 à 23 h 58 min

    Excellent article , Miniblob !!!
    J’espère qu’Extralife réussira longtemps à rester en dehors de ces pratiques . (c’est un vrai défi)
    Quoique je suis d’accord avec l’idée exprimée plus haut dans les commentaires , que les consommateurs d’internet sont de moins en moins dupes … Ce qui me fait redouter les futures stratégies que les commerciaux ne manqueront pas d’inventer …

  10. Elvis
    Elvis
    21 septembre 2015 à 16 h 58 min

    Je trouve le constat encore plus vrai dans la presse écrite féminine.
    Lorsqu’il m’arrive de feuilleter les magazines “people” que laisse traîner ma femme (oui, je sais, la honte sur moi…) il y a tellement de publicités frontales qu’il m’arrive de me faire avoir par un publireportage au milieu de tout cela.
    Et c’est quand je commence à trouver l’article un peu trop de partie pris que je réalise qu’en haut de la page il y a la mention “publirédactionnel”…
    Sur le net, Adblock et autres logiciels aidant, on est plus vite alerté comme l’ont déjà écrit certains et/ou interpellé par une news un peu trop enthousiaste.

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