Quand la publicité vérole l’information Opinion

Quand la publicité vérole l’information

Il n’y a pas si longtemps on parlait encore de publi-rédactionnel, aujourd’hui pour être tendance on préfère utiliser des anglicismes comme native advertising ou brand content. Les aficionados du marketing vous diront que ces différents termes recouvrent des procédés bien distincts, mais dans le fond le but est toujours le même : enrober le discours publicitaire pour qu’il se fonde dans l’offre globale du média auquel il s’intègre. Il s’agit toujours de pub, sauf que tout est fait pour que vous ne fassiez pas vraiment la différence entre celle-ci et le contenu que vous étiez venus chercher de manière volontaire. C’est un peu comme lorsqu’on fait manger un médicament trop amer à un enfant en le glissant au milieu d’un bonbon appétissant. Vous pensez encore que c’est un moindre mal, une façon plutôt bien trouvée de lier le nécessaire à l’agréable ? Pas de chance, ce genre de procédé a des répercussions qui vont au-delà d’un éventuel plaisir immédiat.

La communication ou l’art de brouiller les frontières

L’intrusion de plus en plus poussée de contenus publicitaires au sein même des offres éditoriales ne doit rien au hasard. Pas la peine de jouer les naïfs, le fait que les communicants se rapprochent des organes de presse dans l’espoir de vanter les mérites du produit qu’ils défendent ne date pas d’hier. Ce procédé était déjà mis en avant par Edward Bernays en 1928 dans Propaganda, un petit traité qui peut être considéré comme un véritable guide pratique du marketing avant l’heure. Il anticipait non seulement l’essor de la publicité classique, mais aussi le développement de synergies plus profondes entre les équipes éditoriales et les annonceurs :

propaganda“Une Banque qui souhaite mettre en lumière les services offerts à sa clientèle féminine s’entendra avec un grand magazine féminin pour lui offrir une série d’articles et de conseils en investissement rédigés par la responsable de ce secteur. De son côté, le magazine féminin exploitera ces informations originales pour renforcer son prestige et son audience.” cf. Edward Bernays, Propaganda, p137-138 de la traduction parue en 2007 aux éditons La Découverte sous le label Zones (l’intégralité de l’ouvrage est consultable sur le site de l’éditeur)

Cette citation ne date pas d’hier et pourtant elle n’a pas perdu de son actualité. On ne va pas se le cacher, le principe du donnant-donnant reste central dans la presse spécialisée ou magazine. Lorsque l’on parle de jeux vidéo, il est évident que la presse a besoin des éditeurs pour obtenir du contenu et que les éditeurs ont besoin de relais d’opinion pour s’assurer une certaine visibilité. Seulement c’est un équilibre qui ne tient qu’avec l’adhésion du public. On aura l’occasion de revenir sur cet aspect, mais à partir du moment où le média qui porte le message perd la confiance de son lecteur, de son auditeur ou de son spectateur, tout s’effondre : dans notre exemple, l’organe de presse se retrouve à proposer des contenus qui sont décorrélés des attentes de son public et en réaction l’éditeur risque même de s’attirer les foudres des éventuels consommateurs qu’il visait.

Traditionnellement, pour éviter que de telles situations apparaissent, les organes de presse s’astreignent à une forme de contrat éthique passé avec leur public. L’engagement est clair : vous voulez de l’information, pour l’obtenir nous devons parfois solliciter des acteurs qui trouvent un intérêt dans la diffusion de cette information, mais ces derniers doivent être traités comme des sources, c’est à dire avec impartialité et tout en conservant une certaine distance. A partir du moment où ce contrat est respecté sur la partie éditoriale d’un journal, d’une émission ou d’un site internet, le public est généralement prêt à accepter que des messages publicitaires l’accompagnent à condition que ces derniers se cantonnent à des espaces annexes clairement définis comme tels. C’est cette distinction qui vole en éclat avec le recours massif au publi-rédactionnel.

Un modèle économique qui arrive en bout de course

monnaieLes publi-reportages étaient encore rares dans la presse écrite des années 80, c’est surtout pendant les années 90 puis les années 2000 que ce format a connu un véritable boom. La crise qu’a connu le secteur n’explique pas à elle seule cette progression : les ventes de la presse magazine se portaient bien et pourtant elle est une des premières à recourir massivement à ce genre de contenu. Toutefois, la multiplication des publi-reportages dans la presse quotidienne traditionnelle peut difficilement être analysée sans prendre en compte les difficultés financières que rencontre cette branche. On peut à juste titre le regretter, mais la publication d’une page vantant les attraits d’un accessoire de mode dans un magazine féminin fera forcément moins de vagues qu’un article vantant les mérites d’un pays dans un quotidien par ailleurs jugé comme sérieux. Si les organes de presse ayant pignon sur rue en sont arrivés à ce genre d’extrémité, c’est tout simplement parce que l’état de leurs finances les met au pied du mur. Le publi-rédactionnel c’est un peu la solution du journal surendetté qui hypothèque la confiance de ses lecteurs.

Le publi-rédactionnel c’est un peu la solution du journal surendetté qui hypothèque la confiance de ses lecteurs.

tokalonOn peut facilement faire le parallèle avec le développement de formats similaires sur le net. En effet, si les sites d’information généralistes ou spécialisés se tournent vers ce type de pratique, c’est tout simplement parce qu’ils sont à sec : les publicités classiques sont de moins en moins rentables et de plus en plus esquivées par les internautes qui utilisent des bloqueurs de pub. Je ne m’attarderai pas sur la question de la crise actuelle du modèle économique de la presse en ligne puisque vous avez certainement déjà lu l’excellent article de Dinowan à ce sujet (si ce n’est pas le cas, il n’est pas trop tard pour y jeter un œil). Toujours est-il que ce n’est pas de gaîté de cœur que les rédactions des sites ont ouvert leurs colonnes aux annonceurs, celles qui ont franchi le pas se sont certainement senties contraintes de le faire. Seulement voilà, c’est une solution qui assure certes quelques rentrées d’argent à court terme, mais le calcul peut s’avérer désastreux lorsqu’on se projette un peu dans le futur. En effet, l’arrivée massive de messages publicitaires (même s’ils sont souvent signalés comme tels) au sein même du contenu éditorial ne peut avoir que deux conséquences : soit les lecteurs rejettent en masse le procédé et le site dans son ensemble perd toute crédibilité à leurs yeux, soit au contraire ils adhèrent à la démarche et auquel cas ce sont les productions originales de l’équipe éditoriale qui perdent petit à petit en intérêt, tant pour les lecteurs que pour les gestionnaires du site en question.

YouTube_logoOn aura l’occasion de revenir sur ces deux types de réactions, mais il est impossible de parler de l’essor du publi-rédactionnel sur le net sans évoquer le cas des blogs ou des youtubeurs. En effet, si bon nombre de ces derniers se sont rapprochés des annonceurs, c’est moins en raison d’une crise d’un modèle économique préexistant, mais plutôt parce que ces passionnés ont vu là un moyen de transformer leur hobby en gagne-pain. Finalement, on est face à un changement de mentalité : le passe-temps ne peut plus être une fin en soi, on doit pouvoir en tirer profit. C’est un glissement que les annonceurs ne peuvent qu’encourager, la multiplication des prescripteurs dociles et cupides leur permet de toucher plus finement le public. On se trouve donc dans une situation où les deux parties sont gagnantes ? Encore une fois, c’est peut-être le cas dans l’immédiat, mais au long terme on retrouve les deux mêmes dangers qui guettaient déjà les sites éditoriaux.

L’indépendance vendue au plus offrant

La perte d’indépendance est bien entendu la première menace que fait planer le publi-rédactionnel, celle qui semble la plus évidente. Cela va de soi, un contenu directement réalisé par un annonceur ne risque pas d’écorner le produit qu’il met en avant ! Il en va de même lorsque l’annonceur passe commande auprès de la rédaction pour faire en sorte que tel ou tel sujet soit traité. Vous vous doutez bien que dans le cas totalement hypothétique où un éditeur sortirait le porte-monnaie pour que soit publié un nombre donné d’articles concernant son jeu, aucun de ces papiers ne se montrerait cruel avec le soft en question. On peut légitimement me répondre que le publi-rédactionnel est encadré par la loi et qu’il devrait, logiquement, toujours être clairement signalé comme tel. Certes, mais même en partant du principe que les lois sont appliquées à la lettre, le contenu ainsi signalé se retrouve à côtoyer celui qui est produit de manière indépendante par la rédaction et s’invite donc de facto dans la ligne éditoriale.

presse_ne_pas_avalerPour le dire simplement, accepter ce genre de format revient forcément à mettre son indépendance au placard, au moins temporairement. C’est grave docteur ? On imagine que dans ces cas-là le rédacteur en chef fait en sorte que les dégâts restent circonstanciés, il peut par exemple accepter la publication d’une petite news « sponsorisée » par un annonceur, à condition d’avoir les mains libres lorsqu’il s’agira de rédiger un article jugé plus crucial sur le même sujet. Seulement, là où les choses se compliquent, c’est que ce genre de compromis ouvre la porte à toutes les suspicions dans l’esprit du public, même au plus farfelues. Si les accusations de pots de vin ne datent pas d’hier dans le cas de la presse dédiée au jeu vidéo, il est de plus en plus difficile de trouver des arguments face aux détracteurs d’un test qui soutiennent que le jugement exprimé a été acheté par l’éditeur. Que vaut la bonne foi du rédacteur lorsqu’on le renvoie au fait qu’on trouve aussi des articles promotionnels dans les colonnes où il signe ? Tout devient suspect, la banale opération de sponsoring (alors qu’elle peut très bien se réaliser dans des conditions de transparence absolue), le moindre press tour (alors que la visite d’un studio de développement peut s’avérer instructive), le concours le plus anodin, le coup de cœur le plus sincère, ils sont tous regardés comme de potentiels outils de manipulation des foules. Comble de la confusion, ce discrédit se limite rarement à l’organe de presse qui cède aux sirènes du publi-rédactionnel, il finit par toucher tout le monde et c’est l’ensemble du secteur qui paie les pots cassés.

Oui mes amis, c’est un monde triste dans lequel nous vivons aujourd’hui. Et comprenez maintenant pourquoi je n’ai plus eu l’envie de me donner de mon temps et de mon énergie à cette vie virtuelle.

Diablox9

diablox9N’allez pas croire que la vie est forcément plus belle du côté des youtubeurs ou des blogueurs, les petits arrangements avec les éditeurs peuvent aussi leur coûter très cher. L’exemple le plus flagrant est celui de Diablox9 : ce jeune homme est devenu célèbre pour ses vidéos consacrées au multijoueur de Call of Duty, mais du jour au lendemain il a changé son fusil d’épaule en devenant subitement un grand défenseur des produits Electronic Arts. Passé le moment d’adaptation au gameplay des Battlefield, on ne peut pas vraiment dire que ce changement de crèmerie se soit traduit par une dégradation de la qualité de ses vidéos. Au contraire même, il a bénéficié d’un certain soutien logistique qui lui a permis de réaliser des reportages sur les plus grands salons. Seulement voilà, la ficelle était un peu grosse, et même s’il a multiplié les collaborations auprès de différents éditeurs en espérant que l’étiquette EA ne lui colle pas trop à la peau, même si son amour du jeu vidéo est probablement sincère, il est devenu malgré lui le symbole de l’homme sandwich dont la parole est forcément soumise à caution. La première conséquence a été un effritement progressif de la popularité de ses vidéos, puis les insultes et les remarques concernant son manque supposé d’intégrité se sont mises à fuser… L’intéressé le reconnaît lui-même sur sa page Facebook, au bout du compte la pression a été trop forte et il a fini par mettre son activité de commentateur vidéo en pause. Bref, même les stars de Youtube ne sont pas à l’abri de perdre la confiance du public lorsque leurs relations avec les éditeurs sont jugées trop incestueuses.

Le formatage de nos façons de penser et de consommer

On vient de voir que le publi-rédactionnel sous ses différentes formes pouvait entraîner un certain rejet, mais ce rejet signifie simplement que la formule n’a pas atteint ses objectifs. Que se passe-t-il lorsqu’au moins une partie du public adhère au procédé ? Les conséquences ne sont pas forcément plus folichonnes. D’un point de vue tout ce qu’il y a de plus concret, ce sont des contenus qui s’avèrent bien plus rentables que l’éditorial traditionnel pour les gestionnaires des organes de presse. Quand ils sont externalisés, ils ne coûtent pas un sou, mais même quand ils sont produits en interne, les frais engendrés sont largement compensés par les revenus proposés par l’annonceur. En quelque sorte, quand la mayonnaise prend, les gestionnaires de l’organe de presse sont assurés de récupérer le beurre et l’argent du beurre : ils ont un moyen de remplir leurs colonnes, leurs antennes ou leurs ondes avec un contenu qui ne leur coûte rien, qui leur rapportera même forcément de l’argent. Dans ces conditions, vous croyez qu’il vont s’embêter longtemps à produire des enquêtes, des analyses ou même des critiques qui risquent de froisser les annonceurs et qui ne s’avéreront pas forcément rentables ? Soyez certain qu’à partir du moment où le publi-rédactionnel est apprécié, ou au moins toléré avec une certaine bienveillance, il n’est pas prêt d’être mis au rebut.

cerveau_ecranSi le succès relatif de la formule se traduit forcément par une modification de l’offre, les répercussions sur la réception sont peut-être encore plus effrayantes. En effet, lorsque la publicité devient un divertissement et qu’elle se substitue à l’information, elle gomme du même coup toutes les barrières qui pouvaient la séparer du public. À partir du moment où la raison d’être du contenu médiatique que l’on consomme volontairement est de nous vendre un produit, comment remettre en doute la qualité du produit en question ? Ne comptez pas sur le publi-rédactionnel pour vous donner les outils qui vous permettraient d’aller au-delà du discours marketing. Vous aurez droit au contraire à un prêt à penser tout ce qu’il y a de plus formaté. On met son cerveau de côté, on se divertit et on absorbe paisiblement le message que souhaite faire passer le commanditaire de la campagne. N’allez pas croire que votre esprit d’analyse supérieurement élevé vous permet d’échapper à cette emprise, si les annonceurs investissent dans ce type de formats, c’est qu’ils ont au préalable vérifié leur efficacité. Bref, au final c’est votre façon de consommer qui est la cible de ces manœuvres, personne ne viendra taper directement dans votre porte monnaie, mais vos quelques économies auront tout de même plus de chance d’aller dans la poche de ceux qui vous auront longuement diverti que chez ceux qui n’ont pas pris la peine de nouer une relation aussi forte avec vous.

Là je m’abonne, ils me filent des jeux en plus, le mois prochain c’est pareil… Enfin, ils en font carrément des caisses, c’est nawak.

Cyprien

cypriengamingQuand on prend goût au publi-rédactionnel, c’est la faculté de critiquer, de prendre de la distance qui est menacée. Vous en doutez encore ? Parlez-en avec un enfant d’une dizaine d’années et demandez-lui son avis concernant la fameuse vidéo de CyprienGaming consacrée à l’offre PlayStation Plus. Il y a de grandes chances qu’il l’apprécie et qu’il la trouve drôle. Pourquoi pas : le sketch est plutôt bien réalisé, le rythme est travaillé, le petit twist final n’est pas trop mal amené… Votre jeune spectateur témoin aura peut-être compris que cette vidéo produite « avec la participation de PlayStation » délivre un message publicitaire, mais dans le fond il n’y accorde aucun intérêt. Le seul critère qu’il retient est de savoir s’il s’est amusé ou non. Si le rire est là, il n’y a pas de raison qu’il s’arrête en si bon chemin, il continuera à consommer ce genre de contenu. Finalement c’est cette répétition qui va poser problème. Les vidéos produites « avec la participation » d’un annonceur laissent de moins en moins de place aux vidéos tournées de façon plus amateur, c’est logique, elles disposent de davantage de moyens, tant pour leur réalisation que pour leur diffusion. Notre jeune spectateur va donc naviguer d’une vidéo promotionnelle à une autre, elles vont doucement forger ses goûts. En fin de compte, il ne verra jamais en quoi ces formats peuvent être critiqués, il les aura acceptés comme un état de fait, voire comme une norme. L’intrusion de plus en plus poussée de la publicité dans les pratiques culturelles érode progressivement les outils cognitifs qui pourraient permettre de la remettre en question.

Où est-ce qu’on appuie pour tirer la chasse ?

Vous l’aurez certainement compris, ce n’est pas dans cet article que vous trouverez une vibrante défense du publi-rédactionnel et de ses dérivés. Pas la peine de se montrer totalement défaitiste pour autant, il n’est pas trop tard pour éviter que ce type de format étouffe le reste de l’offre sur le net. Le premier pas à réaliser concerne avant tout les passionnés qui animent des blogs, des chaînes Youtube ou des streams : ils peuvent encore prendre conscience de l’importance que revêt leur indépendance. En cédant aux sirènes des annonceurs, ils profiteront peut-être de quelques menus avantages immédiats, mais ils risquent surtout de se mettre leur public à dos et de perdre ce qui les anime : le plaisir de partager leur passion. En un mot, il faut prendre soin de sa liberté lorsque c’est encore possible !

carte_de_presseOn peut toujours penser que ceux qui bossent au sein d’une rédaction n’ont pas autant de marge de manœuvre, qu’ils sont forcés de se plier aux ordres de leur hiérarchie. La situation est plus compliquée, le statut de journaliste peut être d’une grande aide à ce niveau là. Contrairement à ce que certains s’imaginent, la carte de presse n’est pas un sésame censé certifier la qualité du travail entrepris par son détenteur, par contre elle assure un statut bien particulier à celui qui la possède. Le fait d’être journaliste c’est l’assurance de profiter d’une convention collective un peu particulière qui protège non seulement les conditions de travail du salarié, mais qui lui assure aussi de ne pas être obligé de transgresser certaines règles déontologiques. Voici par exemple l’article 5 de la convention en question :

a) Un journaliste professionnel ne peut accepter pour la rédaction de ses articles d’autres salaires ou avantages que ceux que lui assure l’entreprise de presse à laquelle il collabore.
En aucun cas, un journaliste professionnel ne doit présenter sous la forme rédactionnelle l’éloge d’un produit, d’une entreprise, à la vente ou à la réussite desquels il est matériellement intéressé.
b) Un employeur ne peut exiger d’un journaliste professionnel un travail de publicité rédactionnelle telle qu’elle résulte de l’article 10 de la loi du 1er août 1986.
c) Le refus par un journaliste d’exécuter un travail de publicité ne peut être en aucun cas retenu comme faute professionnelle, un tel travail doit faire l’objet d’un accord particulier.

En théorie donc, un journaliste peut refuser de participer à l’élaboration de tels contenus. Dans les faits ce n’est pas toujours aussi facile, même s’il reste la possibilité de faire appel à des syndicats pour se faire épauler dans ce genre de démarche (le SNJ par exemple organise une permanence téléphonique hebdomadaire accessible à tous), le journaliste récalcitrant ne sera pas à l’abri d’être récompensé de son idéalisme par une gentille mise au placard. De toutes façons les employeurs souhaitant mettre en avant ces formats ont déjà prévu la riposte, ils n’embauchent plus des journalistes profitant de la fameuse convention, mais des rédacteurs web spécialisés dans le storytelling.

Vlogging_capLes autorités de régulation de la publicité pourraient aussi parfaitement jouer un rôle pour limiter les dérives telles qu’on les constate sur le net. D’ailleurs, au Royaume-Uni, l’autorité en question (le Committee of Advertising Practice) vient de donner de nouvelles instructions concernant la publicité dans les vidéos en ligne. C’est bien simple, il est demandé à ceux qui produisent ce genre de vidéos de signaler très clairement l’aspect promotionnel du contenu, sous peine d’être sanctionnés. Ces consignes s’appliquent très explicitement aux casteurs spécialisés dans le jeu vidéo. Pourrait-on voir la même chose en France ? Pourquoi pas, nous disposons d’une autorité analogue : l’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité regroupe elle aussi les professionnels du secteur, elle émet des recommandations et peut, le cas échéant, demander le retrait de contenus qui ne respectent pas les règles déontologiques édictées. D’ailleurs, un ensemble de recommandations datant de décembre 2010 vont clairement dans ce sens là. On y trouve par exemple ceci :

Les blogs publicitaires et billets sponsorisés doivent pouvoir être identifiés comme tels, sans ambiguïté, de manière claire et immédiate, au besoin par une indication explicite.

Dans ces conditions, on peut toujours imaginer que l’ARPP sorte de sa torpeur relative et vienne finalement taper sur les doigts de ceux qui prennent un peu trop à la légère ses recommandations. Quant aux lecteurs, ils peuvent eux aussi faire bouger les choses, il leur suffit de garder cette problématique en tête lorsqu’ils choisissent leurs canaux d’information. Mais on peut supposer que si vous êtes arrivés au bout de cet article, c’est que la question vous tenait déjà un peu à cœur et qu’il n’est pas nécessaire de vous faire davantage la leçon à ce sujet…

miniblob

Tombé sur Terre un peu par hasard, le blob dévore mollement tout ce qu'il trouve dans l'espoir de comprendre son environnement. Ne jugez pas trop sévèrement son appétit vorace ou vous risquez d'être au menu de son prochain repas.

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24 commentaires

  1. kati_vercetti
    kati_vercetti
    22 septembre 2015 à 15 h 14 min

    Voici un article paru dans arrêt sur images à propos d’une enquête qui montre la confusion entre l’article sponsorisé et son jumeau non sponsorisé…

    http://www.arretsurimages.net/breves/2015-09-21/Pub-ou-article-Les-lecteurs-americains-ne-voient-pas-la-difference-id19269

  2. Crash
    Crash
    23 septembre 2015 à 0 h 17 min

    Très très bon article vraiment bravo!
    En toute franchise et on sent que derrière il y a de la connaissance ; )

    Étrangement on doit tous penser a un autre site… …

  3. LeCygneNoir
    LeCygneNoir
    25 septembre 2015 à 11 h 56 min

    Bon article. Fouillé et pertinent, inutile de revenir dessus. Le croisement avec l’article tout aussi fouillé – mais nettement plus acerbe – de Dinowan donne une bonne illustration du problème fondamental de la presse en ligne et je vous en remercie.

    Ceci dit, en tant que journaliste moi-même, je vous supplie, je vous adjure de ne pas sacrifier vos revenus à votre passion. L’évolution la plus pernicieuse du modèle internet pour notre profession est sans aucun doute l’apparition de l’idée du travail gratuit, pour l’honneur et le CV. “Je ne peux pas te payer, mais tu seras publié.”
    Je n’ai rien contre la production de contenu par les lecteurs. Mais comme la pub, elle doit être clairement signalée comme telle et représenter une part mineure de travaux exceptionnels – cf. les pages lecteurs du Monde – plutôt qu’une base de travail gratuit.

    L’indépendance des journalistes provient, à la base, de la valeur accordée à l’information par ses lecteurs, qui achètent un contenu. En retour, le journaliste perçoit un revenu issu de l’information, qui garantit son indépendance.
    Aujourd’hui sur internet, les lecteurs exigent la gratuité du contenu et n’accordent plus de valeur à l’information. Les seuls à accorder une valeur monétaire à l’information sont ceux qui en profitent – aka. les entreprises à but lucratif – et c’est donc d’eux seuls que provient le revenu des producteurs de contenu. Par définition, ces derniers ne sont plus journalistes. (Version UltraTl;dr de l’article de Dinowan.)

    Tout ça pour dire: Si vous faites de l’audience, mais pas d’argent, barrez-vous. Ne laissez pas votre passion enfoncer un clou de plus dans le cercueil des journalistes qui travaillent pour de l’argent.
    Et puis, si vous faites de l’audience et de l’argent, je vous envoie mon CV à quelle adresse? ;)

    1. miniblob
      1 octobre 2015 à 12 h 39 min

      Je comprends parfaitement ta remarque, mais pour l’instant mon but dans la vie n’est de toutes façons pas de “faire de l’argent” ^^ Le premier objectif serait déjà que le site ne nous en coûte pas, ou tout du moins pas trop, ensuite s’il y a effectivement moyen de faire en sorte d’indemniser quelques personnes pour qu’elles se consacrent encore davantage au site ça serait chouette, mais clairement pour l’instant on n’en est pas là.

  4. Caracolo
    Caracolo
    27 septembre 2015 à 19 h 58 min

    Il aurait été utile de préciser qu’Edward Bernays est en réalité le neveu de Freud, et que le marketing qu’il aura inventé exploite évidemment les théories de son oncle. C’est ainsi que les pubs se sont retrouvées à s’adresser à notre inconscient plutôt qu’à notre conscience. D’où les nanas à poil partout. Il a connu des évolutions aujourd’hui et le neuromarketing fait de plus en plus fort au niveau court-circuit de la pensée. Très bon article minblob, ça fait plaiz’ !

  5. Resident_Evil_Collection
    Resident_Evil_Collection
    21 octobre 2015 à 13 h 25 min

    Un grand bravo, suivi d’un merci pour cet article.

    L’avenir prouvera que soit les gens refuseront d’être intelligents et ne se nourriront que de tels procédés publicitaires honteux(je parle bien entendu des cas extrêmes), soit qu’ils les rejetteront en bloc et que seuls ceux qui auront su rester indépendants recevront les véritables lauriers qui leur sont dus.

    Les gens commencent à réagir mais fébrilement, l’opinion publique en général n’est pas prêt encore à avaler la vérité, ce serait une trop grande remise en question de leur façon de penser et de consommer, et ça les gens n’aiment pas.
    On est un peu dans Matrix, les gens ne sont “pas prêt à être réveillés” et travaillent donc pour le système qui les tient en laisse.

    J’espère juste que la prise de conscience aura lieu avant que les gens honnêtes n’ai perdu tous leur boulot…

  6. Lancien
    Lancien
    22 octobre 2015 à 14 h 28 min

    L’article est très bon et dénote avec détail le fonctionnement et la perversité d’un tel procédé.
    Le problématique se situe dans les intérêts commerciaux et les dividendes que cela rapporte à s’allier avec “le diable”.

    On l’a vu avec la sortie du jeu “Watchdogs” ou un certain magazine papier qui lui attribuait une note de 19/20 en déclarant dixit; “Le jeu de l’année”. Sauf que se magazine en question avait eu la primeur exclusive de faire le travail dans le studio de l’équipe en charge du jeu bien avant.
    Et par la même de faire un partenariat commercial sur la vente du jeu et des réductions pour s’abonner au même magasine.
    Quand à diablox9 il s’est fait prendre “la main dans le sac”, et ensuite il reproche aux internautes et à ceux qu’il on suivi d’être “méchant ou triste”. La rhétorique est peu facile pour celui qui a profité de cette manne et des contrats avec les éditeurs (sans le dire véritablement et ouvertement , je précise).

    Les éditeurs et constructeurs ont compris l’importance de la communauté et c’est compréhensible.C’est une logique de stratégie commerciale. Un site Leader, Un Youtubeur, voir un magazine connu qui touche plus de monde, donc une certaine génération sont bien plus puissant qu’une page de pub à la TV ou à la radio. Dans le cas de l’internet vous touchez à un véritable vivier!
    Le problème se situe dans la déontologie de son métier, de son positionnement et surtout de l’honnêteté de son approche.
    Je sais que votre “ancienne boite” n’a pas toujours été très honnêtes sur certains aspects rédactionnel. Peut être que vous aussi un moment vous avez suivi “des directives” qui n’étaient pas les vôtres?
    “Faute avouée à moitié pardonnée” comme on dit….

    Mais il faut savoir se situé entre l’appât du gain et la fierté de bien faire son métier en étant impartial et juste à la fois (pas facile, je sais).
    Il y a un “truc” avec le net….Les écrits restent….
    “L’ancien”

  7. RexPowerColt
    RexPowerColt
    1 novembre 2015 à 21 h 19 min

    C’est marrant, au moment ou je tombe sur le paragraphe concernant diablox9 je vois sur youtube qu’il annonce son retour.

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