The Mind : L’esprit d’équipe Test JDS

The Mind : L’esprit d’équipe

Prenez cent cartes numérotées de 1 à 100. Mélangez-les et distribuez en quelques-unes aux joueurs autour de la table. Demandez maintenant au groupe de collaborer pour jouer leurs cartes par ordre croissant dans une pile commune, mais sans parler, ni effectuer de code secret. Voilà, vous savez jouer à The Mind.

Parfois, les concepts les plus idiots sont les meilleurs. Et dans le genre idiot, The Mind fait fort. Ce jeu coopératif invite les joueurs à s’entendre pour ordonner leurs cartes. Mais comment s’entendre quand personne ne parle ? C’est là tout le génie de la chose. En bannissant toute forme de communication classique, The Mind puise directement dans le reste, dans le non-dit, dans tout ce que l’on communique inconsciemment que ce soit par le regard ou au travers du timing de nos actions/réactions. En fait, The Mind nous oblige à prendre conscience de l’inconscient. Et ce faisant, il réalise un vrai tour de force, proche de l’expérience sociale, que l’on parvient petit à petit à dompter pour la faire progresser dans notre sens.

Pour vous aider à mieux comprendre, il est important de préciser deux ou trois petites choses. En premier lieu, il n’y a pas de tour de jeu dans The Mind ; celui qui pense avoir la carte la plus basse du groupe la joue. Sachez ensuite qu’en dépit du peu de règles et de la grande liberté offerte, The Mind n’est pas un jeu chaotique. Ainsi, les parties sont divisées en niveaux qu’il faut tenter de franchir un à un jusqu’au niveau 12 à deux joueurs ou au niveau 8 à quatre joueurs. Au début du niveau, chaque joueur reçoit un nombre de cartes égal au niveau joué. Par exemple, le niveau 1 se joue avec une carte chacun, mais on démarre le niveau 5 avec cinq cartes en main. Entre chaque palier, toutes les cartes sont systématiquement réintégrées, puis mélangées dans le paquet avant d’être distribuées pour démarrer la prochaine étape. On ne sait donc jamais quels numéros sont en jeu pour le niveau en cours, d’autant qu’on ne voit pas les cartes de ses équipiers. Mais ça, vous l’aviez déjà compris. Évidemment, c’est ce doute qui fait tout le sel de la partie. Si la carte 34 vient d’être posée, un joueur qui détient la carte 35, 36 ou 37 n’hésitera probablement pas à jouer, mais que faire de la carte 42 par exemple ? Et de la carte 56 ? Sans « divulgâcher » l’expérience, tout est réellement question de timing dans The Mind. S’il est strictement interdit de compter les secondes pour jouer ses cartes selon la cadence, on se retrouve toutefois à jauger le temps qui s’écoule, comme pour sentir les choses et tenter de se mettre en phase avec ses partenaires.

Pour reprendre l’exemple précédent, si rien n’a été joué après le 34, que personne ne semble se décider à jouer, c’est peut-être qu’il me faut alors jouer le 57 que j’ai en main. Mais l’écart est tout de même important entre 34 et 57… Il y a bien quelqu’un qui possède une carte plus basse que 57, non ? Non ? Allez, j’attends encore quelques secondes et je me décide. Rien. Bon, je le joue ou je ne le joue pas ce 57 ? Voilà grosso modo le monologue qui se tient dans la tête de chaque joueur durant une partie de The Mind. Vu de l’extérieur, on crorait assister à une partie muette de poker, où chaque participant tente désespérément de dévisager ses adversaires pour savoir quoi jouer. Sauf que dans The Mind, il n’y a pas d’adversaires. C’est un jeu coopératif que l’on gagne ou que l’on perd ensemble.

Un système de vie est mis en place pour ne pas non plus rendre le jeu trop brutal. À la moindre erreur (c’est-à-dire si un ou plusieurs joueurs possèdent une ou plusieurs cartes inférieures à celle qui vient d’être jouée) le groupe perd une vie. Et lorsqu’il brûle la dernière, c’est le game over. Il est heureusement possible de récupérer des vies en franchissant certains niveaux, tout comme il est possible d’obtenir des shurikens. Ces étoiles ninja sont d’ailleurs une aide précieuse puisqu’elles permettent à chaque joueur de se débarrasser de la carte la plus faible dans sa main. Salutaire dans bien des situations, ce bonus permet de savoir qu’untel n’a rien en dessous de 61, qu’un autre n’a rien sous 56 et qu’un troisième rien en dessous de 88. Des informations toujours bienvenues pour appréhender le reste du niveau.

Voilà, vous savez maintenant tout sur The Mind. Et puisque nous sommes entre nous, je vais vous faire une confidence. À la lecture des règles, rien, mais alors rien du tout ne me donnait envie de jouer. Je jugeais le jeu stupide et ne comprenais absolument pas l’engouement qu’il suscitait depuis quelques mois. Sa nomination au Spiel 2018 m’a finalement convaincu d’au moins l’essayer une fois, juste pour voir. Après de nombreuses parties, je cerne maintenant un peu mieux ce qui amuse tant la galerie et je reconnais que The Mind génère de très bons moments. Si les premières parties sont forcément un peu étranges, on apprend petit à petit à apprivoiser la bête — la bête étant à la fois le jeu, mais également le groupe avec lequel on joue. On s’améliore donc à chaque nouvel essai, en allant toujours plus haut dans les niveaux jusqu’à finalement maîtriser l’exercice. Et c’est là où The Mind me pose souci.

C’est vrai, la phase d’apprentissage est grisante, puisque l’on comprend peu à peu comment fonctionnent les autres, comment ils perçoivent le temps et l’on mesure le degré de prise de risques avec lequel ils sont confortables. Toutes ces informations sont intégrées pour mieux gérer les parties suivantes et ainsi de suite, jusqu’à atteindre une cohésion de groupe plutôt impressionnante… jusqu’au point de non retour. Car arrivé à une sorte de plateau, de summum de l’entente, le groupe ne progresse plus et l’intérêt du jeu retombe doucement, mais sûrement. Les parties se gagnent alors trop facilement ou basculent sur un coup de malchance — par exemple Elie joue le 73 alors que Guillaume avait le 72. En fait, The Mind se coltine malgré lui une drôle de contradiction. D’un côté, le jeu demande à être pratiqué avec le même groupe pour apprendre à se connaître jusqu’à ne faire qu’un et être tous sur la même longueur d’onde. D’un autre, il nous pousse à régulièrement changer d’équipiers pour retrouver et apprécier la fraîcheur initiale de son gameplay. Cette ambivalence place finalement The Mind dans une situation délicate et rend le jeu difficile à conseiller franchement, en dépit de toutes ses qualités.

L'avis d'extralife
  1. Auteur : Wolfgang Warsch
  2. Illustrateur : Oliver Freudenreich
  3. Éditeur : Oya
  4. Genre : Coopération, Communication
  5. Nombre de joueurs : 2 à 4 joueurs
  6. Âge recommandé : 8 ans et plus
  7. Durée de la partie : 20 mn
  8. Date de sortie : 15 mars 2018
  • The Mind est un jeu à part, qui peut faire des étincelles comme tomber à plat suivant les groupes ­— et surtout suivant la capacité à renouveler son groupe ! Une chose est sûre, pour en profiter sur la durée, il faut régulièrement se forcer à trouver de nouvelles personnes avec qui partager l'expérience ; sans quoi, The Mind finit par perdre de sa saveur. En dehors de cela, on ne peut que saluer l'audace d'un concept qui tient autant du jeu que de l'expérience sociale.
3
Jihem

La découverte de BurgerTime aux débuts des années 80 aura clairement affecté la vie de ce grand bonhomme. Non seulement, Jihem a développé une passion pour les jeux vidéo, mais il a également choisi de s'installer au pays du hamburger. Sa mère est plutôt heureuse qu'il n'ait pas découvert les jeux avec Boogerman.

Soutenez ExtraLife

A voir aussi

Réponse