Villainous : Jeu de main, jeu de vilainTest JDS

Villainous : Jeu de main, jeu de vilain

Lorsqu’on édite du jeu de stratégie à l’allemande mais que l’on vend aussi une ribambelle de jouets sous licence Disney, on peut être un jour tenté de faire le pont entre ces deux univers. Avec Villainous, Ravensburger vous invite à incarner les méchants les plus emblématiques des productions Disney dans un jeu de cartes agrémenté d’un concept à la mode : l’asymétrie.

Maléfique, Jafar, Ursula, le Capitaine Crochet, le Prince Jean et la Reine de Cœur. Voilà autant d’antagonistes mémorables de l’univers Disney, des figures aussi méchantes qu’attachantes qui ont parfois volé la vedette aux héros auxquelles elles s’opposaient. Villainous vous propose de choisir celle dont vous tenterez de réaliser les plans machiavéliques, avec à la clé des objectifs spécifiques qui diffèrent de ceux des autres joueurs. Voilà donc un pitch bigrement intéressant, d’autant qu’il est soutenu par un matériel soigné (mention spéciale aux livrets individuels et au chaudron-distributeur de jetons Pouvoir) et un ensemble de mécaniques suffisamment épurées pour s’imprégner du thème.

Chacun des six paquets de la boîte de base (des extensions sont déjà en cours de conception) contient un ensemble unique de cartes à l’effigie du vilain que vous incarnez. Vous y trouverez d’abord une série de 30 cartes Méchant, rassemblées à gauche de votre plateau joueur : ce deck, qui alimentera votre main, contient les alliés, les objets et les événements qui vous aideront à remplir vos objectifs. Mais vous disposez également d’une pile de 15 cartes Fatalité, à placer à droite de votre plateau joueur, dans laquelle vos adversaires viendront piocher pendant leur tour pour vous opposer des adversaires – des Héros, donc – destinés à ralentir votre progression vers la victoire. Ces « attaques » (le principe évoque d’ailleurs le bon vieux Mille Bornes) sont parfaitement thématisées. Crochet, par exemple, pourra être confronté à Peter Pan, Clochette, les enfants du Pays Imaginaire ou encore le fameux crocodile Tic Tac. Le principe est, il faut bien l’avouer, diablement accrocheur.

Intéressante aussi, l’épure dans le gameplay et le déroulement général, puisqu’à chaque tour, il vous suffit de déplacer votre figurine sur l’un des quatre lieux de votre plateau joueur et de réaliser la combinaison d’actions indiquées, parmi lesquelles : récupérer des jetons Pouvoir (qui font office de ressources), jouer une carte, déplacer des objets ou des alliés d’un lieu à un autre, utiliser ces derniers pour vaincre le Héros qui leur fait face, attaquer un joueur avec l’une de ses cartes Fatalité ou bien encore défausser les cartes inutiles de votre main. L’élimination des Héros ne devra pas traîner, car ils prennent place en haut de votre plateau joueur et viennent recouvrir certaines des actions possibles du lieu où ils sont joués. Là encore, le système est ingénieux, du moins sur le papier. Dans les faits, il est difficile de se relever de plusieurs attaques successives, d’où cette impression de subir de plus en plus le jeu à mesure que les possibilités d’action s’amenuisent.

D’autre part, si les objectifs de chaque méchant se révèlent particulièrement cohérents d’un point de vue thématique (Maléfique doit maudire les différents lieux du royaume, Crochet combattre Peter Pan sur le Jolly Roger…), certains se révèlent tout de même plus difficiles à réaliser que d’autres. Difficile d’apprécier sur un même plan celui du Prince Jean, qui se résume à cumuler 20 jetons Pouvoirs, avec celui d’Ursula, qui doit trouver et rassembler deux objets (dont l’un est gardé par un Héros puissant), tout en composant avec deux lieux inaccessibles en alternance, et en ne pouvant vaincre ses ennemis que de manière indirecte (les « Pactes »). Les auteurs ont essayé de rééquilibrer la donne en associant des cartes Fatalité plus clémentes aux decks les plus contraignants à jouer. Le fait est que certains méchants doivent impérativement être attaqués sous peine de l’emporter rapidement, alors qu’il est possible de laisser les autres se dépatouiller avec leurs objectifs.

L’accomplissement des objectifs est, en effet, d’autant plus soumis aux aléas de la pioche que les cartes nécessaires, qui doivent parfois être jouées dans un ordre précis, ne sont généralement présentes qu’en un seul exemplaire, et risquent de surcroît d’être bloquées au fin fond du deck ! Ce choix de game design, qui n’offre que trop peu de contrôle sur le déroulement de la partie, est incompréhensible. Imaginez un deck combo de Magic the Gathering qui n’inclurait qu’un seul exemplaire de chaque carte… Résultat : la finalité de Villainous se résume trop souvent à meuler son deck le plus vite possible, sachant que l’action de défausse n’est disponible que sur deux des quatre lieux et qu’il arrivera fréquemment que l’une ou l’autre soit recouverte par une carte Fatalité. On vous laisse imaginer la frustration induite par ce système, qui favorise une mécanique (le cyclage de deck) au détriment des autres et anéantit le maigre potentiel stratégique du jeu.

Et si par chance vous bénéficiez d’une sortie correcte qui vous rapproche ostensiblement de la victoire, vos adversaires ne manqueront pas de vous inonder de cartes Fatalité qui prolongeront d’autant la durée de votre calvaire. La cerise sur le gâteau, c’est l’obligation pour certains méchants de conserver leur condition de victoire pendant un tour complet : même le plus grand génie du Mal n’aurait pas osé ! Un garde-fou existe bien à partir de cinq joueurs, sous la forme d’un jeton vous prémunissant contre deux attaques consécutives, mais l’attente épouvantable du retour de son tour dans cette configuration la rend fort peu recommandable.

L'avis d'extralife
  1. Auteurs : Prospero Hall
  2. Illustrateurs : Non crédités
  3. Éditeurs : Wonder Forge / Ravensburger
  4. Genre : Jeu de cartes asymétrique
  5. Nombre de joueurs : 2 à 6 joueurs
  6. Âge : À partir de 10 ans
  7. Durée de la partie : 75 minutes
  8. Date de sortie : 2019
  • En dépit de sa thématisation réussie et de ses quelques (réelles) bonnes idées, Villainous ne délivre jamais la dose de fun escomptée. Difficile d'accès pour le public visé, le jeu du studio Prospero Hall traîne à peu près toutes les casseroles qu'il est possible de croiser dans le genre : un déroulement trop hasardeux, un équilibrage douteux et des possibilités de jeu qui ont tendance à s'amenuiser au fil de la partie, jusqu'à un final des plus fastidieux. À moins d'être un inconditionnel des univers Disney assez peu regardant sur le gameplay, vous seriez bien avisé d'éviter Villainous. Ceci dit, si vous voulez vraiment être méchant, vous pouvez toujours l'offrir à quelqu'un que vous n'aimez pas...

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