J’en suis sûr, dans votre cœur aussi il y a quelques titres qui tiennent une place particulière, de ces jeux dont la seule évocation suffit à vous allumer des étoiles dans les yeux. Autant vous prévenir d’emblée, Valkyria Chronicles fait justement partie de mes petits chouchous, ne vous attendez donc pas à ce que je fasse preuve d’une parfaite objectivité dans cet article dédié à son remaster sur PS4.
On a déjà eu l’occasion de l’évoquer, l’industrie du jeu vidéo semble en ce moment tourner en rond en multipliant les remakes et les remasters. Ce recyclage à grande échelle a parfois de quoi donner la nausée, mais ce n’est pas une raison pour jeter le bébé avec l’eau du bain. En effet, il donne aussi une deuxième chance à des titres injustement méconnus ou permet de remettre sur le devant de la scène de véritables légendes du secteur. Typiquement, il y a encore quelques mois, la série des Valkyia Chronicles semblait bien partie pour sombrer dans l’oubli. Son troisième opus n’a d’ailleurs jamais franchi les frontières du Japon. C’est finalement l’annonce surprise d’un nouvel épisode exclusif à la PS4 qui est venu relancer l’intérêt pour la licence. Si la démo de ce fameux Valkyria : Azure Revolution ne nous a pas vraiment convaincus, on se réjouit tout de même qu’elle ait donné à Sega l’occasion de sortir le premier volet de la naphtaline.
Un jeu de rôle tactique hors du commun
N’y allons pas par quatre chemins, si ce fameux Valkyria Chronicles nous avait tapé dans l’œil au moment de sa sortie en 2008 sur PS3, c’était en bonne partie grâce à ses graphismes. Sega exploitait son CANVAS engine pour proposer un rendu crayonné du plus bel effet. Mais si cette patte graphique très particulière a su titiller notre curiosité dès les premières bandes-annonces, c’est bien manette en main que le titre a pu exprimer tout son potentiel.
En effet, alors que la plupart des T-RPG japonais s’appuyaient sagement sur un système de déplacement par cases, Valkyria Chronicles explosait ce carcan en adoptant une recette que l’on retrouve généralement plutôt du côté des jeux de tactique occidentaux. Comprenez par là qu’à son tour de jeu chaque personnage se voit allouer une jauge d’endurance qui va déterminer sa capacité à se déplacer librement. Cette approche permet de jouer plus finement avec les particularités du terrain, notamment pour en faire des éléments de couvertures.
Là où Valkyria Chronicles faisait encore plus fort, c’était en délaissant la vue aérienne classique du genre. Ici chaque unité est dirigée à la manière d’un TPS ce qui permet au joueur de plonger au cœur du champ de bataille : à la manière du troufion de base, il découvre réellement ce qui se cache au détour d’un mur seulement après y avoir jeté un œil. Autant dire que la pression est palpable vu qu’on peut définitivement perdre un soldat qui se serait ainsi un peu trop avancé dans les lignes ennemis.
Quelques lourdeurs agaçantes
On tient d’ailleurs là l’une des principales critiques faites au jeu : Valkyria Chronicles laisse peu de place à l’erreur et s’avère même diablement punitif dans le dernier tiers de la campagne. Certes, on peut limiter grandement la casse en jouant intelligemment de la complémentarité entre les cinq classes de troufions, en prenant en compte les particularités de chaque unité ou en utilisant astucieusement le tank comme élément de couverture mobile, mais au final il faudra forcément passer un peu de temps dans le mode escarmouche histoire de grappiller un peu plus d’expérience et de faire monter le niveau de ses troupes.
Ce premier défaut n’en sera pas un si vous êtes plutôt du genre consciencieux et que vous aimez parfaire vos stratégies encore et encore dans l’espoir de décrocher la note maximale à la fin de la mission, par contre vous risquez d’être un peu plus rebuté par l’aspect aléatoire de la visée. En effet, la vue style TPS pourrait nous faire croire qu’il suffit d’ajuster un ennemi dans son viseur pour le toucher, or c’est avant tout une question de statistique. Améliorer votre équipement vous permet de réduire le cône de visée et donc de faire mouche plus facilement, mais vous restez tributaire de l’aléa. La réponse un peu paresseuse consiste à user et à abuser des sauvegardes, mais le rythme des parties s’en trouve considérablement alourdi et on perd du même coup l’aspect immersif qui fait pourtant le sel du jeu.
Il faut bien avouer que Valkyria Chronicles n’a pas besoin de cette lourdeur supplémentaire puisque son véritable défaut tient justement à ses menus pas franchement intuitifs dans lesquels on a vite fait de s’empêtrer. Entre chaque mission, on est forcé de naviguer dans cette myriade de sous-menus mal fagotés et en anglais (toutefois pas besoin d’être bilingue pour s’y retrouver) afin de dépenser les points d’expérience et les quelques piécettes durement gagnés sur le champ de bataille. Ajoutez à cela une narration un peu hachée qui fait mine de reprendre le chapitrage d’un livre, et vous comprendrez qu’on peut aisément reprocher au rythme de Valkyria Chronicles de manquer de fluidité.
Quel intérêt pour ce remaster ?
Ces quelques défauts déjà présents sur la version originale ont bien entendu fait le voyage jusqu’au remaster PS4. On pourrait par exemple regretter que cette nouvelle mouture ne soit toujours pas traduite en français. Toutefois rassurez-vous, ces petites imperfections ne sont pas rédhibitoires pour apprécier le titre. D’ailleurs ce dernier a plutôt bien vieilli tant au niveau de ses élégantes mécaniques de jeu que de ses graphismes au style crayonné, et l’ensemble reste aujourd’hui encore diablement efficace.
Finalement la véritable question est de savoir ce qu’apporte cette fameuse version PS4. Soyons honnête, elle s’approche en tout point de l’adaptation PC déjà disponible depuis 2014. Cette dernière comprenait tout de même quelques ajouts par rapport à l’original, à savoir une meilleure résolution maximale et surtout l’ensemble des DLC sortis sur PS3. Ces derniers se montrent plutôt inégaux : le mode de difficulté supplémentaire est ainsi vraiment à réserver aux plus acharnés et les missions liées au personnage d’Edy n’apportent pas grand chose à la trame principale. On sera nettement plus intéressé de contrôler le grand antagoniste du jeu, la charmante Selvaria, que l’on retrouve à travers un pack de missions tenant lieu de préquelle.
En un mot, cette version est complète mais elle n’innove pas, elle est avant tout destinée à ceux qui avaient raté le coche sur PS3 et sur PC. Faut-il pour autant vouer ce Valkyria Chronicles Remastered aux gémonies ? Certainement pas, tout simplement parce que toutes les occasions sont bonnes pour faire découvrir un jeu de cette trempe à ceux qui étaient passés à côté au moment de sa sortie. Pas de doute, Valkyria Chronicles fait partie de ces excellents crus dont l’arôme caractéristique s’affirme en vieillissant, ce serait dommage de faire la fine bouche simplement parce que cette dernière cuvée bénéficie d’une mise en bouteille tardive.
- Développeur : Sega
- Éditeur : Sega
- Genre : Jeu de rôle tactique
- Date de sortie : 17 mai 2016
- Supports : PS4
- Valkyria Chronicles nous revient en pleine forme par le biais de ce remaster PS4. Certes le jeu conserve ses petites imperfections, mais c'est aussi à ces dernières qu'il doit sa personnalité si particulière. En un mot, si vous n'avez pas encore eu le plaisir de découvrir ce jeu de rôle tactique exceptionnel, Sega vous offre là une jolie séance de rattrapage.
7 commentaires
cKei
12 juillet 2016 à 15 h 44 minCe jeu a été l’un de mes gros coup de cœur PS3 avec les Souls, et je te remercie encore de me l’avoir fait découvrir à l’époque.
Même s’il a des défauts (le système de sauvegarde hyper lent pendant les combats, notamment) J’ai jamais retrouvé la même sensation, à mon grand dam. Les suites sont de beaucoup moins grande ampleur (plus exactement elles ont du bon avec les nouvelles classes et systèmes d’évo, mais recyclent à mort les objectifs et zones de combat). Et surtout les jeux qui ont essayé d’aborder le genre avec le même type de mécaniques s’y sont cassées les dents. J’avais écrit ça sur le sujet d’ailleurs, si tu veux un peu de lecture ;) http://merlanfrit.net/Revolution-manquee
Mais du coup j’ai un vrai manque ; la suite Azure Revolution ne me dit franchement rien, et me retaper le même jeu avec juste des graphismes plus fins, à quoi bon ? Ce que je voudrais c’est un vrai VC4 sur consoles de salon avec la même fougue qu’avait eu ce premier épisode. Pas juste un copier-coller ou un épisode au rabais, un qui apporte son lot de bonnes idées et les arrange au sein d’un titre ambitieux et au poil niveau tactique.
miniblob
12 juillet 2016 à 17 h 27 minC’était vraiment un coup de cœur pour moi aussi, c’est d’ailleurs le jeu qui avec Flower m’avait poussé à acheter la PS3 !
A mon avis tu tapes dans le mille avec ton article sur Merlanfrit, effectivement ce premier Valkyria Chronicles était plein de promesses que ses successeurs officiels ou spirituels n’ont pas vraiment su tenir (d’ailleurs dans un genre différent ça a aussi été le lot de Resonance of Fate qui proposait quelque chose de rafraichissant mais malheureusement resté sans suite)
ramenos
12 juillet 2016 à 16 h 44 minBonjour,
En parlant de portage, est-ce que celui de la version PC a permis de corriger le fait que l’IA triche un peu parfois ? Je me souviens que c’était très frustrant dans la 2ème moitié de campagne. Trop punitif, la moindre erreur te faisait perdre la partie.
Et je parle d’un niveau de punition bien plus fort qu’XCom ou Final Fantasy Tactics.
Merci :)
miniblob
12 juillet 2016 à 17 h 34 minJ’ai un peu de mal avec la notion de triche de l’IA, à mon avis soit on a des scripts qui font qu’un événement arrive forcément quand tu remplis certaines conditions (et c’est vrai que ça peut parfois mettre le joueur dans de sales draps), soit tu dois tout simplement faire face à des ennemis d’un niveau supérieur au tien (ce qui arrive quand même souvent, à moins de grinder comme un malade dès le début…).
Je n’ai pas joué à la version PC, par contre sur PS4 j’ai retrouvé exactement le même aspect punitif que dans le jeu de base, ce qui le laisserait penser qu’ils n’ont pas touché à cet aspect. C’est d’ailleurs pour ça que j’en ai parlé dans les points potentiellement négatifs. Pour ma part ça ne me dérange pas parce que je suis un joueur un peu trop maniaque et naturellement porté sur le grinding ^^
Ethalis
12 juillet 2016 à 19 h 55 minLe gros problème de ce jeu ça reste quand même l’équilibrage des classes. Pendant les premières parties on suivra scrupuleusement la méthode qu’on nous conseille, en utilisant les forces respectives de chaque classe, en avancant de couverture en couverture, en réfléchissant à chacune de ses actions … puis on se rend compte que le jeu, à travers son système de notation à la fin de chaque mission, ne récompense que la vitesse.
Une fois qu’on a compris ça, il suffit de prendre un scout (de préférence Alicia, Aika ou Ted), d’utiliser quelques ordres pour augmenter sa survavibilité, puis de courir comme un dératé sous le feu ennemi jusqu’à la fin du niveau. Pour vraiment profiter du jeu, il faut faire l’effort de s’interdire d’utiliser certaines techniques ou se donner des défis personnels, comme de ne pas utiliser un personnage plus d’une fois par tour ou de ne pas utiliser les ordres.
C’est vraiment dommage, et la racine du problème est simple à trouver : ce système de notation complètement débile. Si on voulait vraiment récompenser l’aspect tactique et l’immersion, il aurait pourtant suffi de donner d’autres objectifs au joueur que de finir tous les niveaux en un tour. Personnellement j’aurais bien vu un système de notation basé sur plusieurs critères, comme le nombre d’ennemis tués, le nombre d’alliés blessés …
Enfin bon, ça reste un bon jeu hein, il m’a mis une sacrée claque quand j’ai posé mes mains dessus pour la première fois, mais mon plaisir a été complètement gâché quand j’ai découvert à quel point il était simple de “tricher”.
miniblob
15 juillet 2016 à 15 h 59 minC’est marrant j’ai toujours cru que les récompenses en xp et en argent à la fin d’un niveau dépendaient aussi des ennemis tués (notamment de ceux qui ont un command point)… Mais sinon la triche dont tu parles ne fonctionne que si tu connais déjà très bien le niveau, partir à l’aveuglette, même avec un scout boosté à mort, ça m semble être un peu du suicide non ? Auquel cas je veux bien croire que ça casse le plaisir de parfaire sa stratégie après coup, mais ça n’enlève pas le plaisir de la découverte la première fois que tu découvres une map.
Ethalis
15 juillet 2016 à 17 h 08 minBen après oui, y’a effectivement quelques gains d’xp et d’argent pour chaque officier tué et chaque tank détruit, mais ils sont négligeables comparés à ce que tu gagnes en finissant la mission en un nombre de tours minimal. En fait j’ai découvert cette “technique” pendant ma première partie, et à chaque début de mission j’ai essayé de l’utiliser, juste pour voir si ça marchait. Je dirais que, sans connaître les maps, ça marche sur à peu près 50% des missions, les autres demandant un peu plus de stratégie (même si les scouts restent les rois sur l’ensemble des missions). Je me souviens même de moments où j’arrivais pas à croire que ce que j’étais en train de faire allait marcher, pour finalement éclater de rire en me rendant compte que si, j’avais bien capturé le camp ennemi en un tour en utilisant une seule unité.
Par exemple regarde ça : https://www.youtube.com/watch?v=dgYwcbUqv1A
J’ai fait la mission du premier coup de la même manière, en courant tout droit, et j’ai même réussi au passage à tuer les officiers et le tank en tirant dans le radiateur, le tout en un seul tour.