Subject 13 : Le chiffre porte-malheur ? Test JV

Subject 13 : Le chiffre porte-malheur ?

A l’origine de classiques tels que Les Voyageurs du Temps, Operation Stealth ou bien entendu Croisière pour un Cadavre, Paul Cuisset n’est pas un débutant dans le monde du jeu d’aventure point and click, loin de là. Cela faisait pourtant près de vingt-cinq ans qu’il n’avait pas abordé le genre. Autant dire que son nouveau titre, Subject 13, était particulièrement attendu.

Dans le domaine du jeu d’aventure, les clés de la réussite sont multiples, mais se résument souvent aux deux composantes primaires que sont le scénario et les énigmes. Si au moins l’un de ces deux aspects trouve grâce aux yeux des joueurs, ces derniers sont généralement prêts à pardonner le reste. C’est normal. Emporté dans une histoire passionnante, il est toujours plus facile de passer outre la simplicité des casse-têtes. De même, une collection de puzzles bien ficelés parvient souvent à sauver un scénario cousu de fil de blanc. En clair, un titre peut bénéficier de la meilleure réalisation graphique qui soit ou profiter un casting de stars pour le doublage des personnages, si l’histoire ou les énigmes ne suivent pas, le joueur aura toutes les peines du monde à s’intéresser à l’aventure. Il est comme ça, le joueur.

Franklin se réveille dans un laboratoire complètement déserté.

Franklin se réveille dans un laboratoire complètement déserté.

Mais pourquoi rappeler ces fondamentaux en préambule du test de Subject 13 ? Tout simplement parce que celui-ci échoue sur bien des tableaux et que l’on passe environ quatre heures de jeu à se demander comment ses développeurs ont pu oublier les bases même du genre. Tout n’est pas foncièrement mauvais dans Subject 13, quelques petits soubresauts de plaisir sont même à noter, mais ils se font rares et trop souvent, ces bons moments se font balayer par d’incompréhensibles choix de game design, voire de design tout court. Mais reprenons tout depuis le début.

Subject 13 est donc le nouveau jeu d’aventure imaginé et écrit par Paul Cuisset. Nous incarnons l’archétype absolu du héros de jeu vidéo. Amnésique et nommé par une allitération en F, Franklin Fargo est un scientifique sans grand charisme qui se réveille dans un laboratoire déserté, simplement accueilli par la voix d’un inconnu qui refuse de se présenter mais qui lui promet toutes les réponses à ses questions s’il parvient à le rejoindre. Bref, nous voilà partis pour explorer chaque recoin du laboratoire, à la recherche du moindre indice capable de nous renseigner sur la situation. Paul Cuisset décrit son titre comme un mélange entre jeu d’aventure point and click et escape room. On comprend parfaitement le rapprochement puisque les moments d’exploration sont vite restreints à un ou deux écrans pour chacun des quatre chapitres. Dans ses conditions, la progression s’appuie sur une avancée très hachée et linéaire comparable à “tel objet ouvrira telle trappe qui révèlera tel puzzle capable d’ouvrir la porte” et de passer à la section suivante. En soit, cette façon de faire n’a rien de problématique. C’est plutôt l’exécution qui dérange.

L'exploration continue aux abords du laboratoire.

L’exploration continue aux abords du laboratoire.

Et c’est d’abord la jouabilité qui pose problème puisque l’équipe de développement a fait le choix d’une maniabilité commune pour tous les supports, mais avant tout pensée pour les écrans tactiles. Du coup, la moindre action à réaliser passe par un clic prolongé associé à un mouvement de la souris. Concrètement, il faut garder le clic gauche enfoncé pour qu’un petit menu apparaisse, puis glisser le curseur vers l’un des trois icones qui apparaissent (observer, regarder de près ou prendre). Passons sur le fait qu’observer et regarder soient un peu redondants pour simplement souligner la lourdeur de l’interface. Si le système conviendra très probablement aux versions tablettes et smartphones, éventuellement aux éditions consoles, elle n’est pas du tout adaptée à la souris et ajoute même de la confusion. Lorsqu’une action ne fonctionne pas du premier coup, on ne sait jamais si le geste a correctement été exécuté ou s’il n’y a effectivement aucun effet à cet endroit.

Le pauvre Franklin est aussi perdu que le joueur dans cette aventure.

Le pauvre Franklin est aussi perdu que le joueur dans cette aventure.

Pour ne rien arranger, le jeu oublie trop souvent de livrer de précieuses informations pour guider la réflexion du joueur. Par exemple, la logique voudrait que si un clic de souris ne fonctionne pas sur un objet, c’est tout simplement qu’aucune interaction n’est possible avec cet objet. Pas dans Subject 13. Ainsi, vous aurez beau cliquer des centaines de fois sur un couteau pour tenter de l’ouvrir, rien ne se passera. Ce n’est qu’en cédant au désespoir (c’est-à-dire en tentant tout et n’importe quoi) que vous finirez par l’ouvrir en supprimant la rouille dont vous ignoriez jusqu’alors l’existence. Une simple indication de la part de Franklin pour prévenir que le couteau est rouillé aurait suffit. Le joueur aurait alors compris la situation et réfléchi à un moyen de la déjouer au lieu de cliquer bêtement sur tout et n’importe quoi jusqu’à ce que quelque chose se passe. Ce genre de problème revient malheureusement à plusieurs reprises durant l’aventure et fait buter inutilement le joueur, ajoutant de la difficulté là où ce n’est pas nécessaire. Pour être honnête, quelques puzzles sont toutefois bien trouvés, mais beaucoup sont aussi synonymes d’un gros manque d’inspiration. Ainsi, on trouve dans le lot un morpion inversé, au moins deux taquins, et surtout, un démineur géant en guise de bouquet final ! Oui, vous avez bien lu. L’énigme ultime de Subject 13, celle qui est censée représenter le point culminant de votre réflexion n’est autre qu’un démineur démesuré sans intérêt, ni challenge. Quelle déception…

Les puzzles sont nombreux, mais pas toujours très originaux. Le démineur géant en est la preuve ultime.

Les puzzles sont nombreux, mais pas toujours très originaux. Le démineur géant en est la preuve ultime.

Pour en revenir aux préceptes de base, il ne faut donc pas compter sur les énigmes pour maintenir pleinement l’attention des joueurs. Qu’en est-il alors de l’histoire ? Le constat est malheureusement encore pire à ce niveau. Si le point de départ laisse présager d’une intrigue bien mystérieuse, le déroulement du scénario qui s’appuie uniquement sur des enregistrements audio à dénicher de ça de là, puis la fin complètement bâclée et précipitée font que l’on ne rentre jamais vraiment dans l’univers. On ne sait pas vraiment ce qu’il se trame autour de Franklin et la séquence de clôture n’apporte pas de réponses claires à nos questions. On regarde le générique défiler avec la salle impression d’avoir été flouée, d’avoir fait tout cela pour rien. Et ce n’est même pas comme si le voyage aura été beau non plus puisque visuellement, le jeu peine à tenir la route en affichant des personnages et des décors datés. Les musiques relèvent le niveau mais ne sont pas suffisamment nombreuses et finissent logiquement par tourner en boucle sans grande connexion avec le scénario.

L'avis d'extralife
  1. Développeur : Microïds
  2. Éditeur : Microïds
  3. Genre : Pont'n click
  4. Date de sortie : 28 mai 2015
  5. Supports : PC, Mac
  • Subject 13 1426507847Nous attendions peut-être trop de Subject 13. Le CV de son auteur laissait présager d'un point and click efficace de bout en bout, porté par un pitch bien alléchant et la promesse de nombreux puzzles aiguisés. Nous sommes finalement loin du compte avec un titre aux bonnes intentions, mais qui peine à convaincre. L'histoire sans queue ni tête, et le manque d'inspiration de certaines énigmes sonnent comme des faux pas que l'on a du mal à s'expliquer venant de l'un des auteurs les plus respectés du jeu genre.
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Jihem

La découverte de BurgerTime aux débuts des années 80 aura clairement affecté la vie de ce grand bonhomme. Non seulement, Jihem a développé une passion pour les jeux vidéo, mais il a également choisi de s'installer au pays du hamburger. Sa mère est plutôt heureuse qu'il n'ait pas découvert les jeux avec Boogerman.

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3 commentaires

  1. Openyourmind
    Openyourmind
    26 septembre 2015 à 0 h 21 min

    J’imagine très bien la frustration de se rendre compte qu’on a fait tout ça, ce jeu bourré de défauts, pour rien, parce que le scénario n’est jamais résolu et qu’on en saura pas plus.. L’arnaque ultime en ce qui me concerne, donc jeu à éviter. Bon test.

    Merci pour votre travail.

  2. FeLynX
    FeLynX
    5 octobre 2015 à 18 h 31 min

    Cela me semble bâclé et peu inspiré, par exemple cette pâle copie de voix OFF à la Portal. Deux coeurs me semblent presque généreux à la lecture du test.

    1. FeLynX
      FeLynX
      5 octobre 2015 à 19 h 10 min

      Désolé pour les fautes : j’ai l’habitude de modifier mes messages, ce que je ne peux faire ici après publication. Ce n’est pas une voix OFF mais on comprend ce que j’ai voulu dire =)

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