On le sait depuis longtemps, Telltale n’est pas prêt de lâcher The Walking Dead. Après deux saisons couronnées de succès et en attendant la troisième, le studio livre une mini-série entièrement dédiée au personnage Michonne. Le temps de trois épisodes, nous devrions apprendre pourquoi l’experte en arme blanche est allée manier son katana loin de Rick, et ce qui l’a aussi poussée à revenir au sein du groupe.

Épisode 1 : L’importance du casting

Jusqu’à présent, les jeux vidéo de Telltale avaient réussi à créer leur propre vision de l’univers Walking Dead en se situant quelque part entre les comics et la série. Même si nous y croisions quelques têtes connues (Glenn, Hershel), il s’agissait avant tout de suivre le destin d’un groupe de personnages dont nous ne savions rien ou pas grand chose en amont. Ainsi, même si Lee Everett de la première saison traînait un lourd passé, chacun pouvait interpréter le personnage différemment afin de le façonner selon sa propre sensibilité. Même chose pour Clémentine dans la saison deux. Parler d’identification est peut-être un peu fort dans les deux cas, mais chaque joueur mettait de lui-même pour résoudre les impossibles dilemmes de Lee, ou pour veiller au bien être de la petite fille, sans qu’aucune influence extérieure ne vienne brouiller les pistes sur la façon dont il ou elle devrait normalement réagir. Rien n’était là pour nous renseigner sur ce que la vraie Clémentine dirait dans telle ou telle situation. En fait, la vraie Clémentine était déjà celle que le joueur tenait entre ses mains, celle qu’il modelait décision après décision.

Michonne débute son voyage avec un moral bien bas.

La donne est totalement différente avec The Walking Dead : Michonne puisque pour la première fois dans la série, nous voilà aux commandes d’un personnage que l’on connaît déjà, si tant est que l’on lit le comics ou que l’on regarde la série. D’ailleurs, si ce n’est pas le cas, zappez directement ce paragraphe, il ne compte pas pour vous. On sait déjà qui est Michonne, on l’a vue interagir avec d’autres, on a donc déjà une idée de sa psychologie. En d’autres termes, il ne s’agit pas d’une page blanche que nous pourrons modeler car qu’on le veuille ou non, nous avons déjà quelques clés pour savoir comment l’appréhender. À partir de là, deux approches s’opposent. Il y a les joueurs qui feront tout pour coller au personnage et joueront donc Michonne comme la Michonne qu’ils connaissent déjà. D’une certaine manière, ils ne feront pas réellement entendre leurs choix dans le jeu, mais ceux de Michonne. À l’inverse, il y a ceux qui tenteront de se détacher de la Michonne traditionnelle en explorant d’autres options, généralement en faisant le contraire de ce que la vraie Michonne (qui pour le coup existe réellement) ferait. L’approche est différente, mais revient finalement à la même chose. Dans les deux cas, les joueurs sont directement influencés par ce qu’ils connaissent ou croient connaître du personnage. Du coup, qu’ils en soient conscients ou non, leurs choix sont implicitement guidés par la Michonne du comics ou de la série. Est-ce dramatique ? Pas vraiment, mais le rapprochement avec le personnage a plus de mal à s’opérer. Il réside une sorte de distance avec Michonne. On l’interprète plus qu’on ne l’incarne. Et par conséquent, on s’investit probablement un peu moins qu’en compagnie d’un Lee ou d’une Clémentine.

Contrairement à ce que l’on pouvait craindre, les scènes d’action ne prennent pas le dessus sur la narration.

Moteur technique à la ramasse, patte visuelle et audio de qualité, la formule Telltale est maintenant bien rodée. Mais comme l’ont prouvé les dernières productions toujours en dents de scie en termes d’écriture, on ne sait jamais ce qui peut nous tomber dessus avec le studio. Avec The Walking Dead : Michonne, Telltale était chargé de combler la période qui voit Michonne quitter le groupe de Rick pendant quelques temps. Il s’agissait donc d’une belle opportunité pour apporter une nouvelle pierre au canon officielle de la série. S’il est encore trop tôt pour savoir où les scénaristes comptent nous mener, ce préambule commence déjà à sentir le réchauffé en termes d’écriture et de mise en scène. Les scènes d’action contre les zombies n’apportent absolument rien de neuf en termes de QTE, tandis que l’histoire flirte avec les événements déjà joués dans la saison deux. Le seul intérêt consiste finalement à éclaircir le passé de l’héroïne, rongée par le remord d’avoir abandonné son mari et ses deux filles afin de privilégier sa carrière avant les événements dramatiques que l’on connait. Attendons de voir comment tout cela sera traité dans les deux épisodes suivants, à paraître fin mars, puis en avril, mais pour le moment, il manque clairement la charge émotionnelle des saisons précédentes, celle qui nous prenait aux tripes pour ne plus nous lâcher pendant l’aventure. Il manque aussi un cliffhanger qui nous aurait fait trépigner d’impatience pour la suite. Il n’y a plus qu’à espérer que ce relatif coup de mou ne soit pas forcément révélateur de l’ensemble de la mini-série.

Épisode 2 : Fan service appuyé

Les zombies en laisse, le signature move de Michonne.

Le second épisode de The Walking Dead : Michonne ne change pas vraiment la donne pour la mini-série débutée le mois dernier. On y retrouve donc la même problématique d’identification au personnage, longuement évoquée dans les lignes au dessus mais aussi dans la vidéo ExtraTime publiée dans la foulée. Pire, le jeu impose cette fois une dose supplémentaire de fan service afin que personne ne puisse réellement oublier le but premier de cette mini-série, à savoir incarner la célèbre Michonne capable de traverser une horde de rôdeurs en tenant deux zombies en laisse… Dans ces conditions, impossible de s’approprier le personnage, ce qui était pourtant la proposition offerte par les deux saisons initiales. Mais inutile de revenir là dessus, nous ne faisons que répéter ce qui a déjà été dit.

L’action est au coeur de cet épisode.

Plus court, plus tourné vers l’action, comme pour souligner le côté badass de Michonne, ce second segment ne prend hélas aucun risque et se contente de brasser les codes de la série, sans jamais parvenir à les sublimer ou à s’en détacher ne serait-ce qu’une seconde. Les scènes d’action sont finalement assez plates et convenues, certaines sont même complètement stupides (dédier un chapitre à escalader une tour ? vraiment ?) tandis que les quelques moments censés être forts ne se montrent jamais à la hauteur de ceux que l’on a déjà joués dans les saisons précédentes. Une seule séquence tire tout de même son épingle du jeu par sa mise en scène et la charge émotionnelle qu’une telle situation pourrait procurer dans la vie réelle. Ironiquement, ces brèves secondes, les meilleures de l’épisode, resteront totalement invisibles aux yeux de certains joueurs en fonction des choix effectués durant le premier épisode. Pour ne rien spoiler ici, nous en parlerons dans le second ExtraTime dédié à la série (bientôt en ligne).

Il convient enfin de reconnaître que Telltale n’est pas tombé dans le piège de la redite intégrale et que l’histoire parvient donc à se détacher de la saison 2, sans forcément se montrer très passionnante, hélas. Le face à face final, particulièrement brutal, présage toutefois d’un dénouement potentiellement très intense. On croise les doigts pour que ce soit le cas.

Épisode 3 : Final précipité

La mini-série consacrée à Michonne s’achève sur un troisième épisode comparable à un pot pourri de tout ce qui n’a pas marché dans les deux épisodes précédents, à savoir des séquences de parlotte sans saveur mêlées à une tripotée de QTE maladroitement assemblées les unes à la suite des autres. Le tout est entrecoupé de flashbacks psychologiques nébuleux et mal exécutés qui ne donnent aucune résonnance aux remords accablant Michonne. Ce final met aussi en évidence ce que l’on craignait depuis le début : un manque d’implication au milieu d’un casting que l’on ne nous donne pas le temps d’apprendre à connaître.

Hélas, le final tombe vite à plat.

Avec si peu d’épisodes au compteur, la mini-série n’a simplement pas le luxe de développer ses personnages correctement et prend donc des raccourcis pour les placer chacun dans des rôles rapidement identifiables, dénués de réelle profondeur ou complexité. En gros, chaque intervenant est là pour appuyer sur l’un des “boutons émotionnels” du joueur, mais le procédé est trop évident pour fonctionner, le trait trop appuyé pour être sincère. Au final, l’expérience générale en pâtit grandement, au point que le sort de tel ou tel personnage passe fatalement au second plan. Même le dénouement lié au cheminement personnel de Michonne n’a pas la portée escomptée, car précipité au milieu d’un festival de QTE abrutissantes. Ne serait-ce qu’un épisode supplémentaire aurait probablement permis d’atténuer le problème en accordant plus de temps au développement des personnages et en offrant une vraie résolution aux troubles qui occupent l’esprit de l’héroïne.