Deponia Doomsday : L’épisode surpriseTest JV

Deponia Doomsday : L’épisode surprise

Les allemands de Daedalic sont de vrais cachotiers. Pendant plus de deux ans, ils nous ont laissé croire que la série Deponia était terminée alors qu’ils préparaient en coulisses un quatrième volet. Sorti seulement quelques jours après son annonce, Deponia Doosmday se devait de maintenir le haut niveau de qualité atteint par les trois épisodes précédents. Pour bien mesurer l’enjeu de la chose, il est important de préciser que la trilogie Deponia est considérée par nombre de joueurs comme l’héritière directe des grands classiques LucasArts des années 90. Et histoire d’être totalement transparent, c’est un avis largement partagé par l’auteur de ce qui suit, ce qui donne une couleur bien étonnante à ce qui suit.

Quand on s’appelle Daedalic, que l’on a réalisé trois des meilleurs point and click humoristiques de la dernière décennie, on doit se sentir en confiance. Adulée par les joueurs, la trilogie Deponia est la preuve évidente que les développeurs, artistes et auteurs du studio allemand ont été élevés au biberon de LucasArts, rêvant d’aventure sur l’île aux singes et de façon toujours détournée de résoudre le moindre problème dans la vie. Avec ses trois Deponia, l’équipe montrait qu’elle avait parfaitement compris les codes du genre pour finalement se les approprier et les interpréter à sa sauce. Le mélange entre l’humour omniprésent et les puzzles tordus, mais toujours honnêtes, y était parfaitement maîtrisé, et pour ne rien gâcher, l’ensemble était servi sur un plateau d’argent grâce à une réalisation graphique très inspirée, des musiques au poil et des doublages irréprochables.

Retour à la case départ pour Rufus, coincé sur Deponia.

Retour à la case départ pour Rufus, coincé sur Deponia.

On aurait pu s’arrêter là, et tout le monde aurait été ravi. La trilogie aurait été considérée comme un fleuron du genre, et le studio serait parti inventer une autre histoire avec probablement tout autant de réussite. Au passage, Deponia n’est que la tête de proue d’un riche catalogue de jeux, puisque Daedalic propose bien de nombreuses autres aventures point and click plus ou moins sérieuses (Memoria, Night of the Rabbit, The Whispered World). Tout aurait donc pu s’arrêter dans le meilleur des mondes pour Deponia, et après avoir joué et terminé Deponia Doomsday, on regrette qu’il en ait été autrement.

À force, les anachronismes deviennent totalement naturels.

À force, les anachronismes deviennent totalement naturels.

Que ce soit clair dès le départ, Deponia Doosmday n’est pas un mauvais titre, mais il est tellement, tellement, tellement moins réussi que ses trois prédécesseurs. Monté comme un numéro de fan service absolu, on y retrouve les ingrédients indispensables à un jeu Deponia. Rufus fait le pitre à chacune de ses répliques, Goal (très effacée dans ce volet) se charge de redresser le curseur vers le côté sérieux de la mission et à eux deux, ils devront résoudre une palanquée de puzzles tarabiscotés pour se dépêtrer de situations improbables. En l’occurrence, il s’agira de remettre de l’ordre dans une histoire réellement complexe faite de voyages temporels qui provoquent paradoxe sur paradoxe. Même les joueurs ayant déjà parcouru la trilogie devront s’accrocher à leur souris pour suivre cette surenchère de quiproquos presque interminables, notamment sur la fin qui s’éternise bien plus que nécessaire. Les autres, ceux qui n’ont jamais cliqué sur aucun Deponia peuvent immédiatement passer leur chemin. De toute façon, ils seraient largement plus inspirés de faire les trois premiers jeux et de s’en tenir là.

La vie sur Elysium est un long fleuve tranquille. Jusqu'à ce que Rufus vienne y faire trempette...

La vie sur Elysium est un long fleuve tranquille. Jusqu’à ce que Rufus vienne y faire trempette…

Le problème avec Deponia Doomsday est que l’on sent constamment le besoin des développeurs de prouver qu’ils ont toujours le mojo et qu’au lieu de faire ce qu’ils savent faire de mieux, ils forcent volontairement le trait pour en faire plus, ou plutôt pour en faire trop. On se retrouve alors à devoir subir quelques blagues trop appuyées pour être drôles, des situations trop absurdes pour être intéressantes et des énigmes trop tirées par les cheveux pour être appréciées. Le point and click est un exercice délicat où il faut savoir proposer des remue-méninges de qualité aux joueurs tout en leur donnant une chance de les résoudre. Si à quelque moment que ce soit durant l’aventure le joueur se sent trahi par une énigme dénuée de sens, que seul le hasard aurait permis de déjouer, il se crée alors une distance entre lui et son jeu. Le dosage est toujours très délicat dans ce genre de jeux. Trop facile, et le joueur s’ennuie. Trop farfelu et le joueur se sent dénué de la moindre chance de réussite. C’est malheureusement ce deuxième cas de figure qui accable Deponia Doomsday. Trop de fois, la solution d’un puzzle repose sur l’inutilement farfelu faisant perdre à l’aventure une bonne partie de sa saveur, et éclipsant les quelques séquences, pour le coup, très réussies et dans la droite lignée de la série.

Un peu de Agence Tous Risques, un peu de MacGyver. Les références sont là.

Un peu de Agence Tous Risques, un peu de MacGyver. Les références sont là.

Étrangement, l’écriture n’est pas l’unique fautive du goût amer que laisse Deponia Doomsday dans la bouche du cliqueur averti. Partant du principe qu’avec son scénario qui n’offre aucune séance de rattrapage à ceux qui découvriraient la série, on peut raisonnablement penser que ce quatrième volet ne s’adresse finalement qu’aux fins connaisseurs de jeu d’aventure, clients du gameplay tranquille point and click. Alors pourquoi intégrer au chausse-pied des séquences de type mini-jeux durant la partie ? Qu’il y ait quelques mini-jeux directement liés au scénario, ça passe encore, mais on s’explique mal le fait que l’aventure soit régulièrement ponctuée d’épreuves de force où il faut cliquer sur sa souris aussi bêtement que frénétiquement. N’y avait-il pas moyen de remplacer cela par un puzzle, même minime ? Beaucoup n’y prêteront même pas attention, mais il s’agit d’une faiblesse supplémentaire dans un épisode décidément très en-dessous du pedigree de la série. Difficile de dire ça, mais dans un sens, on espère que Daedalic proposera bel et bien un cinquième volet, histoire de redresser la barre, de nous faire bien vite oublier cette baisse de régime et surtout pour laisser une nouvelle chance à la série de finir en apothéose. Elle le mérite, après tout.

L'avis d'extralife
  1. Developpeur : Daedalic Entertainment
  2. Editeur : Daedalic Entertainment
  3. Genre : Aventure, Point'n Click
  4. Supports : PC, Mac
  5. Date de sortie : 1er mars 2016
  6. Site officiel : www.deponia.com
  • deponia_doomsday_boiteDire que nous attendions plus de Deponia Doomsday serait mentir puisque nous n'attendions pas du tout le jeu. Annoncé à la toute dernière minute, ce quatrième volet ne parvient jamais à renouer avec la grandeur des épisodes sortis avant lui. Certes, le titre propose toujours quelques séquences amusantes, et même tout un tas d'énigmes bien ficelées, mais l'écriture est par moment bien maladroite, au point de transformer l'aventure en grossière caricature de la série.
3
Jihem

La découverte de BurgerTime aux débuts des années 80 aura clairement affecté la vie de ce grand bonhomme. Non seulement, Jihem a développé une passion pour les jeux vidéo, mais il a également choisi de s'installer au pays du hamburger. Sa mère est plutôt heureuse qu'il n'ait pas découvert les jeux avec Boogerman.

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2 commentaires

  1. Citizen_Erased
    Citizen_Erased
    13 avril 2016 à 21 h 26 min

    Oh non… Et moi qui m’attendais à un épilogue surprise digne de soi !

    Merci Jihem pour le test.

  2. Gael
    Gael
    14 avril 2016 à 9 h 57 min

    Quelque part je m’y attendais un peu, la trilogie avait un début, un milieu et une fin donc en faire une suite c’est un peu risqué. Pour cette épisode c’est comme si Harry Potter revenait mais on le montrait prof de défense contre les forces du mal, on s’en fou un peu, le personnage n’est pas mort mais son Histoire si.
    Deadalic est capable de faire de bons point&clic, ils ont la bonne recette mais ils sont un peu tombé dans la facilitée à faire la suite pas attendu d’un jeu.
    J’adore ce genre, depuis les LucasArts et compagnies, je suis content de voir qu’il existe toujours. Quand j’achète un point&clic j’achète au studio pas à la licence contrairement aux AAA.
    Pour ce test je suis entièrement de l’avis de Jihem !

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