Star Fox Zero : Entre nostalgie et espoirs déçus Test JV

Star Fox Zero : Entre nostalgie et espoirs déçus

Après presque cinq ans d’absence et alors qu’elle nous paraît encore et toujours auréolée d’une image étincelante, la franchise Star Fox avait annoncé son grand retour cette année sur Wii U. Présenté comme un reboot propice aux espoirs les plus fous, Star Fox Zero est-il bel et bien l’épisode ultime que l’on nous promettait ? Difficile de trancher tant le titre divise d’ores et déjà son public.

Si Star Fox compte encore aujourd’hui parmi les licences les plus emblématiques de Nintendo en dépit du peu de volets que la série possède à son actif, c’est sans doute parce que son épisode fondateur est resté dans les mémoires comme l’un des jeux cultes de la Super Nintendo. Réussissant à marquer les esprits autant par ses qualités ludiques incontestables que parce qu’il a su entraîner à l’époque une évolution technologique majeure en matière de 3D sur la 16-bits de Nintendo, le premier Star Fox demeure un incontournable du jeu vidéo. Et malgré l’annulation de la sortie de Star Fox 2 qui reste encore en travers de la gorge des possesseurs de SNES, la série est parvenue à frapper encore plus fort en 1997 avec Lylat Wars sur Nintendo 64, considéré par beaucoup comme l’épisode le plus réussi de la franchise. La suite aura moins marqué les esprits, mais le fait est qu’on attendait depuis longtemps un véritable retour aux sources de la saga avec les moyens techniques actuels, et c’est dans ce contexte délicat que Star Fox Zero entre en scène.

Le gameplay asymétrique à l’épreuve

Comme l’ont fait ses prédécesseurs avant lui avec le chip Super FX ou le Rumble Pak, Star Fox Zero met un point d’honneur à mettre en relief une innovation technologique propre à la console : le gameplay asymétrique. Car, bien que la Wii U soit désormais en fin de vie, le constat est sans appel : très peu de jeux ont su exploiter efficacement cette spécificité de la machine, la très grande majorité n’ayant même pas pris la peine de l’utiliser autrement que de manière très anecdotique.

star_fox_zero_003Ne souhaitant pas faire les choses à moitié, l’équipe de Platinum Games (Bayonetta, The Wonderful 101) a ainsi développé le jeu en articulant tout le gameplay autour du gameplay asymétrique. Un pari osé pour le développeur qui a pris le risque de se mettre à dos tous ceux qui ne parviendraient pas à ou ne voudraient pas s’adapter à ce nouveau style de contrôle. Il faut dire que la prise en main de Star Fox Zero nécessite plus qu’un simple temps d’adaptation avant de révéler son efficacité puisqu’elle nous oblige en permanence à jongler entre l’écran de la TV et celui du Gamepad. En effet, la vue externe classique n’est pas suffisante pour s’en sortir dans cet épisode car elle est conçue de telle sorte que la visée se révèle beaucoup trop imprécise pour jouer correctement.

star_fox_zero_004Une aberration ? Pas vraiment, si on suit la logique du concepteur de ce gameplay déroutant. Car, en passant sur l’écran du Gamepad qui présente la vue depuis l’intérieur du cockpit, il devient en effet nettement plus facile de viser les vaisseaux ennemis. Et cette précision est encore accrue dès lors qu’on y ajoute le fait de pivoter le Gamepad pour tirer parti du gyroscope qu’il faut penser à recentrer régulièrement. Autrement dit, dans le feu de l’action, c’est-à-dire du début à la fin du jeu, le joueur doit être à 200% de sa concentration pour jongler entre ces deux vues en maîtrisant à la fois les déplacements de l’Arwing et la visée manuelle, si possible avec l’aide non négligeable de la fonction gyroscopique. Et pour compliquer encore plus la donne, les missions se font bien souvent très corsées et ne pardonnent pas la moindre erreur de la part du pilote.

star_fox_zero_005Ceci étant dit, on comprend mieux pourquoi le gameplay asymétrique de Star Fox Zero divise autant les joueurs. Pour autant, on ne peut pas reprocher aux concepteurs un tel choix et une telle prise de risque, dans la mesure où la pratique permet de se rendre compte que la marge de progression est réelle en termes de maîtrise du pilotage. On se surprend ainsi à passer les missions avec de plus en plus d’aisance, là où l’on avait pu un peu plus tôt recourir au fameux joker d’invincibilité accessible lorsqu’on échoue plus de trois fois sur un même niveau (je l’avoue, mon premier contact avec Andross ne s’est pas fait sans douleur). Exigeant mais pas sadique pour autant, Star Fox Zero ne laisse ainsi personne sur la touche. Il encourage le joueur à persévérer pour dompter progressivement une prise en main certes inhabituelle mais qui se révèle tout à fait pertinente avec du recul. Bien sûr, et la polémique que provoque la sortie du jeu le prouve de manière significative, ce choix ne séduira pas tout le monde, mais en aucun cas on ne pourra qualifier le titre d’injouable. On adhère ou pas, à chacun de se faire sa propre opinion sur le sujet.

À noter tout de même, et c’est là un point sur lequel tout le monde s’accordera, que ce gameplay asymétrique n’a pu être obtenu qu’au prix du sacrifice de la réalisation. On s’en rend d’ailleurs compte tout de suite, Star Fox Zero ne brille pas par son efficacité visuelle et reste très en deçà de ce qu’on attendait de lui en termes de modélisation et de fluidité. Une réalisation bas de gamme qui s’explique, selon les dires de Nintendo, par la nécessité d’afficher l’action sur les deux écrans en 60 fps. Une prouesse technique que la Wii U a visiblement bien du mal à réaliser.

La revanche de Star Fox 2, l’épisode maudit

Ceux qui connaissent un petit peu l’histoire de la franchise se souviennent de l’annulation cruelle de Star Fox 2 sur SNES alors même que le jeu était quasiment terminé à l’époque. Parmi ses particularités, cet épisode devait mettre en scène des phases de jeu en Walker, une version transformable de l’Arwing qui permettait de se déplacer dans une sorte de bipode à l’intérieur de zones ouvertes. Ces séquences sont visibles sur le net dans des vidéos issues d’une rom quasi définitive de Star Fox 2 qui avait fuité il y a quelques années.

Il aura donc fallu attendre l’arrivée de Star Fox Zero pour que se concrétise enfin de manière officielle l’idée de la transformation de l’Arwing en Walker, dans une version très proche de celle qui avait été imaginée à l’époque.

star_fox_zero_008Se déroulant uniquement dans des missions en mode combat ciblé (“all-range mode”), ces phases ont l’avantage de permettre une approche plus précise au sol, le Walker pouvant même à terme se doter des fonctions de piratage du Gyrowing.

Il s’agit là d’une autre nouveauté de cet épisode qui prend la forme d’une sorte de drone capable d’évoluer plus ou moins discrètement dans des zones propices à l’infiltration.

Les déplacements précis et lents du Gyrowing ont l’avantage de passer facilement entre les faisceaux de détection ennemis mais aussi de larguer à volonté un petit robot capable de pirater certains terminaux et de transporter des caisses explosives.

Une trouvaille intéressante mais finalement trop peu utilisée sur l’ensemble du jeu.

On retrouve enfin le Landmaster, qui n’est certes pas l’engin préféré des fans de Star Fox mais qui a ici l’avantage de se changer temporairement en Gravmaster pour voler durant une durée limitée mais fort appréciable. On le voit, le titre s’applique à renouveler le gameplay de la série en lui ajoutant quelques subtilités, mais globalement c’est à bord de l’Arwing classique que se déroule l’essentiel de la progression, aussi bien dans les missions de pur rail shooter qu’en mode combat ciblé.

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Space opera en déséquilibre

Si la faiblesse graphique de Star Fox Zero met tout le monde d’accord, il y a un autre aspect du jeu qui fait l’unanimité, mais cette fois de manière positive : c’est l’efficacité de l’ambiance space opera caractéristique de la franchise. Plus que jamais, le titre nous embarque dans une odyssée spatiale qui multiplie les temps forts, pour la plupart directement inspirés de Star Wars, la mise en scène étant réellement prenante du début à la fin du jeu. On enchaîne les loopings, freinages et autres manœuvres d’évitement de manière instinctive tout en priorisant ses objectifs pour limiter la casse. Nombreuses, les confrontations avec les boss alternent combats inédits et retrouvailles avec des ennemis bien connus pour notre plus grand régal.

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Cela dit, il convient de préciser que cette efficacité ne s’obtient qu’à la condition de ne pas s’infliger le doublage français qui donne plus l’impression de jouer à un Star Fox pour les kids du primaire que pour ceux qui ont connu les débuts de la série sur Super Nintendo. Ce n’est pas que les doubleurs soient mauvais mais entendre la voix du professeur Layton dans la bouche de Fox ou celle de son assistant Luke dans celle de Slippy s’avère toujours aussi dérangeant que sur la refonte 3DS de Lylat Wars. Deux solutions pour contourner ce problème : soit vous coupez le son du Gamepad puisque les voix sortent directement de la mablette, soit vous changez la langue dans les paramètres de la console pour bénéficier du doublage anglais. Car, en plus d’être nettement plus convaincant, ce dernier a le mérite de reprendre la plupart des voix et des répliques originales symboliques de la franchise, comme le fameux “good luck” ou le “do a barrel roll !” de Peppy.

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Dommage que le scénario soit réduit à sa plus simple expression, car, si les scènes marquantes ne manquent pas, on était en droit d’espérer une trame un peu plus étoffée et davantage de surprises et de révélations de la part de ce reboot, surtout en ce qui concerne le personnage de James Mc Cloud. Heureusement, la team Star Wolf est toujours fidèle au poste et revient même à de nombreuses reprises pimenter les dogfights en mode combat ciblé.

Old school jusque dans son contenu

star_fox_zero_014Assumant jusqu’au bout son statut de reboot à l’ancienne, Star Fox Zero opère un retour aux sources old school jusque dans son contenu. Cela se traduit par une durée de vie bien faiblarde lorsqu’on ne prend en compte que les missions requises pour terminer le jeu une fois. Bien que les dernières zones aillent plus loin que les autres volets de la série en termes de difficulté, le premier run se fait donc assez rapidement et sans trop galérer, mais ce serait passer à côté du vrai challenge du jeu. Car, comme le veut la tradition de la série, la plupart des planètes dissimulent des embranchements alternatifs qui conduisent à des missions optionnelles bien cachées et beaucoup plus corsées. Ainsi, outre ses 12 missions principales découpées généralement en deux ou trois phases distinctes, le soft comporte 8 missions bonus à côté desquelles il serait bien dommage de passer, à condition toutefois de deviner comment les débloquer.

star_fox_zero_015À l’inverse, les plus mordus iront sans doute jusqu’à partir à l’assaut du scoring en essayant de dénicher toutes les médailles cachées dans les niveaux et de réaliser la prouesse de décrocher le rang or sur l’ensemble des missions. Pris dans cette optique, la durée de vie du soft devient évidemment nettement plus honnête, mais les courageux à relever le défi risquent d’être peu nombreux. Ne comptez pas, en revanche, sur les modes bonus (Arcade et Entraînement) pour vous occuper plus que de raison car ces deux modes s’avèrent franchement anecdotiques. Le principal regret concerne toutefois l’absence d’un mode versus online ou en local, pourtant présent dans d’autres volets de la série. Ici, il faut se contenter d’un simple mode coopératif qui n’en est pas vraiment un puisqu’il consiste simplement à se partager les commandes de tir et de pilotage entre deux joueurs. On a vu plus inspiré.

L'avis d'extralife
  1. Développeur : Platinum Games
  2. Editeur : Nintendo
  3. Genre : Shoot'em up
  4. Support : Wii U
  5. Date de Sortie : 22 avril 2016
  6. Site officiel : http://starfoxzero.nintendo.com/fr/
  • star_fox_zero_jaquetteStar Fox Zero est l'exemple type du jeu qu'il convient d'essayer longuement avant de savoir si l'on fait partie de ses détracteurs ou de ses fervents défenseurs. Dans notre cas, les contrôles basés entièrement sur le gameplay asymétrique nous ont semblé réellement bien vus avec de la pratique. En revanche, la réalisation bas de gamme et la durée de vie réduite pour les non passionnés de scoring, même en tenant compte des chemins alternatifs, font vraiment de l'ombre à ce qui aurait dû être l'une des sorties majeures de la console.
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1 commentaire

  1. Eliwood
    Eliwood
    26 avril 2016 à 22 h 53 min

    Bonjour, j’aime beaucoup ton test de StarFox Zero sur lequel je ne décroche pas depuis une semaine, et je te rejoins totalement sur l’expérience du gameplay asymétrique inédit qu’il apporte semblable à un chant du signe de la console.

    Par contre je trouve que la critique sur l’absence de mode versus qu’on a vu pas mal revenir dans la presse quelque peu facile voire fallacieuse. Je pense qu’on ne peut pas dire que d’un côté on a eu raison de sacrifier la partie graphique pour réussir à développer toute l’asymétrie du gameplay et espérer de l’autre côté un mode versus exploitant cette même richesse de jeu. Déjà que la Wii U a abandonné l’idée du jeu sur deux gamepad simultanés, et même en imaginant la console capable de le faire, j’imagine mal un split-screen sur l’écran télé et chaque joueur avec son propre gamepad pour la vue cockpit (sans parler des contraintes que ça poserait pour le framerate).

    Bref, le multi offline en conservant l’asymétrie, c’était impossible techniquement parlant. On peut toujours se dire que dans ce cas Nintendo pouvait proposer un multi seulement online, mais on sait très bien que c’est pas dans leur habitude de faire ceci, et en plus on serait peut-être tombé dans un gros souci au niveau du netcode ou de la simple viabilité à adapter sa richesse de gameplay à du PVP et à le rendre aussi ludique que dans les vrais missions du jeu.

    Mes regrets se portent plus sur le fait qu’on ne puisse jouer les autres membres des Star Fox ou des alliés comme Bill et Katt avec du coup leur propre vaisseau et leur propre spécificité, voire soyons fou une campagne dédié au Star Wolf alors que Command sur DS avait bien géré cette alternance entre les personnages tout en différenciant leurs statistiques et spécificité de jeu.

    Je dirais que le jeu est à recommander à condition qu’on ne soit ni fermé à la difficulté pour le prendre en main et le maitriser, ni fermé à un gameplay asymétrique sortant du coup de quelque chose de plus traditionnel.

    Donc encore une fois j’aime énormément ton test, mais le cas du versus était un point que j’ai trouvé de manière général assez maladroitement abordé dans la presse et sur lequel je souhaitais revenir.

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