Back to the Future conjugue ses cartes à l’imparfait Test JDS

Back to the Future conjugue ses cartes à l’imparfait

Même s’il convient toujours d’adopter un regard vierge en découvrant chaque nouveau jeu, l’arrivée d’une énième adaptation de Retour vers le Futur rappelle forcément des mauvais souvenirs et fait craindre le pire. En effet, que ce soit en jeu vidéo ou en jeux de société, la trilogie de Robert Zemeckis n’a engendré qu’une ribambelle de jeux oscillant entre le moyen et le médiocre. Qu’attendre donc de cette nouvelle tentative ?

Chaque joueur tente d'être le premier à réunir le trio indiqué sur une carte événement.

Chaque joueur tente d’être le premier à réunir le trio indiqué sur une carte événement.

Tous média confondus, la thématique du voyage dans le temps est probablement l’une des plus délicates à saisir et à traiter correctement. En littérature, au cinéma, et dans le secteur du jeu, rares sont les exemples à s’en être tirés avec les honneurs. Bien sûr, la célèbre saga Retour vers le Futur, non dénuée de quelques incohérences, fait tout de même partie des belles réussites dans le domaine. Du moins au cinéma. Tout le monde se souvient des aventures temporelles de Marty et de Doc qui tentent de réparer les paradoxes qu’ils provoquent eux-mêmes au gré de leurs expéditions temporelles. Comme traduire cela dans un jeu ? Pour tout vous dire, je n’en ai fichtrement aucune idée. Ce que je sais par contre, c’est que Back to the Future: An Adventure Through Time s’y prend très maladroitement et ne parvient pas à retranscrire l’esprit des films qu’il s’est pourtant donné pour mission d’adapter. Le décalage entre gameplay et thématique est constant, suffisamment important pour se demander ce qui a bien pu se passer dans la tête des designers pour imaginer un jeu si éloigné des films originaux.

Par tous les pépins de la pomme de Newton, qu’est-ce qu’il s’est passé ici ?

Les cartes reprennent pas mal de scènes des films.

Les cartes reprennent pas mal de scènes des films.

À sa base, nous avons ici un jeu de gestion de main de cartes. Chaque joueur tente de réunir un trio de personnages (Marty, Doc, George, Lorraine, ou Biff) dans l’une des trois époques 1955, 1985 ou 2015 afin de “reconstituer” les scènes importantes des deux premiers films. Désolé, l’épopée dans le far west est totalement absente – elle fera potentiellement l’objet d’une première extension. Afin de poser la moindre carte personnage, un joueur devra au préalable passer par toute une série de contraintes, toutes synonymes de cartes à défausser. En premier lieu, il lui faudra s’assurer que la DeLorean, la fameuse voiture à voyager dans le temps, soit bien garée à la bonne époque. Si ce n’est pas le cas, il devra l’activer en défaussant autant de cartes que nécessaires pour remplir les trois unités du Flux Capacitor. Certaines cartes fournissent directement un réservoir plein, d’autres simplement un ou deux tiers de la puissance. Ce n’est qu’après avoir déplacé la machine que le joueur pourra poser le personnage voulu à l’époque visée. Mais chaque personnage nécessite aussi un coût en temps dont il faudra alors immédiatement s’acquitter en défaussant encore d’autres cartes suivant le prix demandé. Enfin, selon l’époque, il devra de nouveau se défausser d’une ou de deux cartes supplémentaires pour soi-disant « éviter toute faille temporelle ». Par exemple, poser un personnage en 1955 demande à ce que le joueur se débarrasse de deux cartes additionnelles pour contrer les effets du temps. Seule consolation, ces toutes dernières cartes défaussées ne seront pas totalement perdues car elles seront converties en points de victoire à la fin du jeu.

Anatomie d'une carte. En plus des personnages représentés, la carte indique la charge du Flux Capacitor, le prix en unités de temps (les horloges) et le nombre de points de victoire.

Anatomie d’une carte. En plus des personnages représentés, la carte indique la charge du Flux Capacitor, le prix en unités de temps (les horloges) et le nombre de points de victoire.

Donc pour récapituler, poser la moindre carte nécessite systématiquement de se débarrasser d’un important nombre d’autres cartes afin de pouvoir bouger la DeLorean, payer le coût du personnage puis éviter les répercussions temporelles. Oui, cela fait énormément de travail pour ne finalement poser qu’une seule carte alors qu’il en faut trois pour réussir un seul événement et qu’un événement ne peut être accompli à condition qu’au moins un personnage soit déjà présent dans les deux autres périodes. Ouf ! On reprend sa respiration et on continue car je ne vous ai pas encore tout dit. Il reste une dernière consigne, et pas des moindres : les cartes personnages indiquent aussi l’année à laquelle elles appartiennent. Ce qui signifie que ce n’est pas tout de vouloir poser une carte Biff, faut-il encore que ce Biff soit bien le Biff de 1955 pour pouvoir le jouer dans le passé. Un Biff de 2015 ne conviendra pas.

Les 6 rôles accordent tous un pouvoir spécial pendant son tour.

Les six rôles accordent tous un pouvoir spécial pendant son tour.

Et puisque nous ne sommes pas à une contrainte près, sachez que les développeurs ont choisi d’ajouter un système de sélection de rôles par dessus un gameplay déjà laborieux. Le rôle choisi déterminera ainsi quel personnage un joueur sera autorisé à poser durant son tour. Par exemple, pour poser une carte Marty, il faudra obligatoirement que le joueur en question ait choisi Marty au début de son tour, à condition évidemment qu’aucun autre joueur n’ait déjà pris ce rôle avant lui. Hélas, il n’est pas rare de se retrouver à devoir sélectionner un rôle dont on ne possède aucune carte, ce qui signifie que l’on ne pourra probablement rien poser du tout ce tour-ci. En contre partie, chaque rôle apporte tout de même un pouvoir spécifique, faisant qu’un tour n’est jamais entièrement perdu non plus. Doc peut par exemple activer la DeLorean gratuitement, tandis que Lorraine a la capacité de déplacer une carte déjà posée vers une autre époque, de 2015 vers 1985 par exemple. Grâce à Marty, le joueur peut poser sa première carte gratuitement, George fait piocher une carte supplémentaire, Biff permet de voler une carte à un adversaire alors que Jennifer, qui n’a aucune carte à son effigie, agit comme une sorte de joker puisqu’elle permet de poser n’importe quel personnage, à un prix réduit qui plus est !

Euh, dis donc IDW Games, cette fois le plaisir de jeu tu en passes 2 couches, compris ? Une ça ne suffit pas.

Au moins un personnage doit d'abord être placé dans chaque époque avant de pouvoir valider un événement.

Au moins un personnage doit d’abord être placé dans chaque époque avant de pouvoir valider un événement.

Contraintes, contraintes, contraintes. Back to the Future apparaît comme une série de contraintes qu’il faut surmonter les unes après les autres, en comptant aussi un peu sur la chance afin de tirer les bonnes cartes, celles qui nous seront utiles pour résoudre un événement. Et pourtant, Back to the Future n’est pas à jeter entièrement. Il peut même être apprécié sous certaines conditions (sous certains contraintes supplémentaires diront les grincheux). Déjà, il faut oublier l’ambiance des films. Si les cartes reprennent les visuels du comics officiel, les mécanismes de gameplay ne traduisent rien de concret dans l’univers du film. Il ne s’agit pas de vivre une aventure dans le temps comme semble le promettre le sous-titre, mais plutôt de jouer à un jeu abstrait où chacun tente d’assembler un événement avant ses adversaires pour empocher plus de points. Il y aurait pu avoir des couleurs ou des formes géométriques à assembler, cela aurait été pareil.

Si un joueur ne pose aucune carte ou ne valide aucun événement durant un tour, il peut prendre un jeton valable pour une charge complète, deux unités de temps ou un point de victoire.

Si un joueur ne pose aucune carte ou ne valide aucun événement durant un tour, il peut prendre un jeton valable pour une charge complète, deux unités de temps ou un point de victoire.

L’autre condition qui joue énormément sur l’appréciation concerne le nombre de joueurs. Si la boîte mentionne deux à quatre joueurs, ce n’est réellement qu’à deux que le titre fonctionne sans grosse frustration. En duo, la liste de contraintes reste la même, mais chacun garde ses chances pour pouvoir jouer efficacement durant son tour. À trois ou quatre joueurs, la sélection de rôles engendre logiquement de gros problèmes de rythme puisqu’un joueur a toutes les (mal)chances de se retrouver avec des personnages qui ne lui servent à rien présentement. L’autre souci est qu’en multipliant le nombre de joueurs, on multiplie aussi le risque de voir un événement nous filer sous le nez alors que l’on vient de « gaspiller » ses cinq derniers tours à « travailler » assidûment pour placer les personnages requis. Et rien ne nous dit que ces personnages serviront pour le prochain événement qui se déroulera à la même époque, ce qui veut dire qu’il faudra encore bosser dur pendant plusieurs tours. Évidemment, cela fait partie du jeu, et Back to the Future n’est pas le seul jeu à souffrir de cela. Le fait est que le sentiment d’avoir piétiné tant de tours pour ne rien obtenir au final est particulièrement cruel dans Back to the Future et cela peut réellement laisser un goût amer. À deux joueurs, cet aspect est toujours là, mais grâce à une sélection de rôles plus ouverte, on se sent largement plus à même de pouvoir contrer un adversaire pour lui « voler » un événement sous le nez.

À qui s’adresse donc Back to the Future: An Adventure Through Time ? À un binôme de joueurs qui ne s’attend pas à une forte immersion dans les films Retour vers le Futur. Si vous vous reconnaissez dans cette démographie, alors pourquoi pas. Sachez tout de même qu’il existe tant d’autres jeux de cartes bien meilleurs (San Juan, Jaipur, 7 Wonders Duel…). Ce serait dommage de vous ruer sur celui-ci, simplement parce qu’il est griffé aux couleurs d’un film culte.

Les 5000 premières boîtes de jeu sont livrée avec un modèle réduit de la Delorean pour remplacer le bout de carton original. "Quitte a voyager a travers le temps au volant d'une voiture, autant en choisir une qui ait de la gueule"

Les 5 000 premières boîtes de jeu sont livrées avec un modèle réduit de la DeLorean pour remplacer le bout de carton original. “Quitte à voyager à travers le temps au volant d’une voiture, autant en choisir une qui ait de la gueule.”

L'avis d'extralife
  1. Auteurs : Ben Pinchback, Matt Riddle
  2. Illustations : Marcelo Ferreira, Jordi Esculin, Andy Parisi
  3. Éditeur : IDW Games
  4. Genre : Gestion de mains de cartes
  5. Date de sortie : 2016
  6. Nombre de joueurs : 2 à 4 joueurs
  7. Âge recommandé : À partir de 10 ans
  8. Durée de la partie : 30 à 60 mn
  • back_to_the_future_an_adventure_through_time_boiteJe me trouve réellement partagé vis à vis de Back to the Future. Passée la grosse déception de constater que le gameplay est complètement détaché des films, le jeu réserve quelques moments plutôt agréables, uniquement à deux joueurs, c'est important d'insister là dessus. Ceci dit, le jeu est très instable dans le sens où chaque moment de plaisir est constamment écrasé par de multiples tours où il ne se passe rien, soit par obligation (les bonnes cartes ne sortent pas), soit par choix (on se refait une main afin de pouvoir payer pour poser une carte). Constamment en dents de scie, à côté de la plaque au niveau du thème, il est donc difficile de réellement conseiller ce titre sachant qu'il y a tellement de bons jeux capables de servir le même public.
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Jihem

La découverte de BurgerTime aux débuts des années 80 aura clairement affecté la vie de ce grand bonhomme. Non seulement, Jihem a développé une passion pour les jeux vidéo, mais il a également choisi de s'installer au pays du hamburger. Sa mère est plutôt heureuse qu'il n'ait pas découvert les jeux avec Boogerman.

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