Tajuto : Gestion du risque et reconnaissance tactile

Avec Tajuto, Super Meeple signe sa deuxième édition originale, après Couleurs de Paris. Cette fois, il s’adjoint les services de Reiner Knizia, auteur allemand particulièrement prolifique. Si ce dernier se montre un peu plus discret ces derniers temps , on lui doit des grands classiques tels que Les Cités perdues, Tigre & Euphrate, Amun-Re ou encore Keltis, lauréat du Spiel des Jahres en 2008. Reste à savoir à présent si un grand nom suffit à faire un grand jeu…

Alors que le Bouddhisme commence à se faire une place au côté du Shintoïsme au Japon, le prince Shotoku décide de bâtir un village et d’y ériger huit pagodes pour en faire un haut lieu de pèlerinage. Dans ce but, il mandate plusieurs de ses moines, qui devront s’affronter pour obtenir le titre de “Grand gardien du Jardin sacré des huit pagodes”. Vous l’aurez deviné, chaque joueur incarne un moine dont l’objectif est simple : participer au maximum à la construction des pagodes et ainsi s’engager sur le chemin de la spiritualité. Si huit monuments de couleur différente peuvent être érigés en parallèle, la partie prend fin lorsque la quatrième bâtisse est achevée. Le moine possédant le plus de points de Spiritualité à ce moment précis est déclaré vainqueur.

Le cube au sommet de la pagode représente une offrande et permet d’engranger des points de Méditation.

À son tour, un joueur peut accomplir un certain nombre d’actions, dans l’ordre qu’il souhaite. S’il décide d’activer une de ses trois tuiles de départ, il aura alors la possibilité de piocher à l’aveugle un étage d’une pagode (chaque bâtiment en compte six), de déposer une offrande sur la construction de la couleur correspondante ou bien d’acheter une tuile du plateau, dont la plupart permet de gagner des points de Spiritualité. Lorsqu’un moine décide de ne plus utiliser ses tuiles (elles ne peuvent s’activer qu’une fois par tour), il peut commencer ou poursuivre la construction d’une pagode en posant un étage préalablement pioché (en respectant bien évidemment sa couleur et l’ordre de construction, du rez-de-chaussée au toit), ce qui le gratifiera d’un certain nombre de points de Méditation (que l’on peut assimiler à des ressources spirituelles, à ne pas confondre avec les points de Spiritualité), indispensables à l’achat de nouvelles tuiles. En plus d’accorder des points de victoire, certaines d’entre elles octroient des actions supplémentaires, élargissant ainsi le champ des possibles et ouvrant la voie à des combinaisons intéressantes. Il appartient donc à chaque joueur de construire des étages au moment propice (plus il y a d’étages, plus le gain en points de Méditation est important) et de profiter des actions accomplies par son prédécesseur pour monter le plus haut possible sur la piste de Méditation et enchaîner plusieurs actions consécutives (pioche, construction, achat, etc.).

Saurez-vous identifier au toucher l’étage dont vous avez besoin ?

En plus de faire appel à quelques capacités cognitives telles que l’optimisation et l’opportunisme, Tajuto sollicitera également votre sens du toucher. En effet, même si vous n’avez pas la main sur la couleur du tirage, avec un peu d’expérience, vous saurez identifier au contact l’étage que vous allez piocher. Et si vous êtes du genre à parier, vous pouvez même tenter l’expérience alors que la probabilité d’obtenir l’étage désiré est faible, c’est ce qui fait même le sel du jeu ! Sait-on jamais, si la chance vous sourit et que vous achevez la construction d’une pagode alors que vous avez acheté au préalable une tuile d’inauguration de la bonne couleur, à vous le jackpot et le bonus de quatre points de Spiritualité en fin de partie ! Malgré tous ses points positifs, Tajuto ne parvient malheureusement pas à figurer parmi les incontournables du maître Knizia, loin de là. Citons notamment son manque de profondeur stratégique, même si le jeu s’adresse avant tout à un public familial ou à des joueurs désirant reposer leurs neurones. En revanche, on accepte beaucoup plus difficilement les débuts de partie laborieux, qui se résument bien souvent à répéter inlassablement la même action gratuite (les moines commencent sans aucun point de Méditation). Ce rythme poussif enferme irrémédiablement le jeu dans sa configuration à quatre joueurs, l’évolution étant beaucoup trop lente à deux ou trois…