Assassin’s Creed Syndicate n’est que Londres de la série Test JV

Assassin’s Creed Syndicate n’est que Londres de la série

Depuis 2009 et la sortie du second épisode, il ne s’est pas passé une fin d’année sans qu’Ubisoft n’écrive une nouvelle page de sa saga Assassin’s Creed. À chaque volet majeur son époque que l’on découvre à travers les yeux d’un nouveau héros. Altaïr nous a ainsi servi de guide pendant les croisades, avant de laisser la main à Ezio pour explorer l’Italie et un bout de l’empire ottoman. Connor a quant à lui joué un rôle majeur dans la révolution américaine alors que son grand-papa pirate Edward Kenway sillonnait les mers des caraïbes quelques années plus tôt. En zappant les épisodes annexes, nous arrivons finalement à Arno qui nous a permis de vadrouiller dans les rues de Paris durant la révolution française. Pour Assassin’s Creed Syndicate, direction Londres en 1868, au cœur de l’Angleterre victorienne. Cette fois, ce ne sera pas un unique héros, mais un duo que nous suivons : Jacob et Evie Frye, frères et sœurs réunis sous la bannière des assassins pour libérer Londres de la tyrannie d’un grand maître Templier.

Premier bon point pour Assassin’s Creed Syndicate, son couple de protagonistes peu commun permet d’éviter astucieusement plusieurs clichés du genre puisqu’il n’y a logiquement aucune tension amoureuse entre les deux personnages comme on pouvait par exemple en trouver dans Assassin’s Creed Unity entre Arno et Elise. À la place, nous découvrons des jumeaux qui se chamaillent parfois, voire s’engueulent franchement lorsqu’il s’agit de se décider sur la manière de nettoyer Londres de l’emprise templière. De son côté, l’impétueux (et parfois tête à claques) Jacob croit dur comme fer à la création d’un gang, les Rooks, pour reprendre la ville quartier après quartier tandis que sa sœur Evie, plus posée, reste convaincue qu’il faille concentrer les efforts sur la recherche du puissant artefact que convoitent aussi les Templiers. Après tout, mettre la main sur ce fragment d’Eden avant l’ennemi serait déterminant dans le contrôle de la ville. Au final, Assassin’s Creed Syndicate nous permet de suivre les deux approches en alternant des missions tantôt taillées pour le frère, tantôt pour la sœur.

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Bell, l’inventeur du téléphone est un peu le Q de nos deux assassins.

Hélas, si l’idée est excellente sur le papier, son exécution s’avère beaucoup moins glorieuse manette en mains. En effet, Assassin’s Creed Syndicate nous fait directement retomber dans les travers de la série avec une succession de missions toutes plus mal amenées les unes que les autres, aux objectifs peu clairs, et dans lesquelles on progresse pas à pas en suivant religieusement ce que les indications inscrites à l’écran nous ordonnent de faire sans savoir précisément pourquoi il faut le faire. Nous voilà à aller ici, à tuer untel ou à voler un document sans réellement apprécier les raisons du pourquoi du comment, la faute à des introductions de missions mal fichues qui ne prennent jamais le temps d’exposer clairement les enjeux. Là où Unity parvenait justement à rectifier le tir en proposant une histoire personnelle suivant de près le parcours et la vengeance d’Arno, où chaque mission avait donc du sens et se trouvait logiquement imbriquée dans un scénario simple et sans trop de fioritures, Syndicate détruit ce qui avait été amorcé. Ce nouveau chapitre de la série s’éparpille dans tous les sens, brasse comme d’habitude de multiples références culturelles et historiques mais ne parvient jamais à trouver les ficelles capables de rendre le tout homogène et surtout digeste. Paumé, le joueur espère naïvement que la lumière viendra tôt ou tard éclairer sa lanterne dans ce long tunnel d’incompréhension. Hélas, l’éclaircie n’arrive jamais. Les maigres informations que le jeu lâche de temps à autre ne suffisent clairement pas, on navigue dans le noir, complètement largué et forcément détaché de l’intrigue.

Evie préfère généralement l'approche discrète.

Evie préfère généralement l’approche discrète.

Ce faux pas résulte sans aucun doute de la méthode de développement suivie pour tenir le rythme annuel de la série. Lancées dans une fuite en avant perpétuelle, les équipes d’Ubisoft ont clairement la tête dans le guidon et ne sont peut-être même pas conscientes des problèmes de narration dont souffre leur production. C’est possible, même s’il est bien plus raisonnable de penser que le calendrier si serré ne leur permette tout simplement pas de prendre le temps d’affiner la contextualisation, probablement considérée comme secondaire face au gameplay lui-même. Il est d’ailleurs tout à fait possible que des scènes entières aient été coupées au montage, faute de temps.

Quelles que soient les raisons, le fait est là : sans ralentir la cadence pour se poser, analyser ce qui a plu ou déplu aux joueurs dans l’épisode précédent, et concevoir une expérience de jeu appropriée, le processus créatif semble s’être limité à coller tant bien que mal un maximum de faits et de personnages historiques sur les diverses mécaniques déjà en place dans la série, quitte à forcer jusqu’à ce que ça passe et tant pis si ça casse. Sans grande inventivité, les missions d’escorte, les enquêtes ou les multiples collectes d’objets à travers la ville déjà jouées et rejouées dans les épisodes précédents trouvent ainsi leurs pendants respectifs en compagnie d’Alexander Graham Bell, les deux Charles – Darwin et Dickens – ou même Karl Marx. Pas grand chose de neuf à ce niveau, donc.

La reconstitution de Londres est sublime.

La reconstitution de Londres est sublime.

Rien de bien inventif non plus dans les missions de libération de Londres qui répètent ad nauseam les quatre ou cinq mêmes types d’objectifs. Quartier après quartier, Jacob et Evie sont poussés à libérer des enfants forcés de travailler dans les usines, à livrer des malfrats à la police, à détruire des repères de gangs, ou à voler des calèches. Chaque activité se trouve ainsi multipliée entre dix et parfois vingt fois à travers la carte, rendant l’ensemble de ces missions secondaires extrêmement pénible et leur exécution particulièrement rébarbative. Secondaires ou pas, il faudra toutefois y accorder un peu de son temps pour espérer terminer le jeu puisque l’un des chapitres ne s’ouvrira qu’après avoir nettoyé au moins trois des sept quartiers de Londres. Notez finalement que pour apporter un peu de diversité, sont réparties aux quatre coins de la carte des arènes de combat à mains nues, des courses de calèches, des attaques de trains ou des missions d’escorte de calèches. Peu passionnantes et tout aussi répétitives, ces activités annexes permettent de grappiller des points d’expérience, des armes voire quelques items rares nécessaires à la création de nouvelles pièces d’équipement.

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Tout n’est pourtant pas négatif dans Assassin’s Creed Syndicate. Il y a même quelques bons points à distribuer à commencer par la réalisation globale. Même si une farandole de bugs vient encore émailler l’immersion, et que la populace semble toujours sortir d’une usine à clones, il faut reconnaître le spectaculaire travail accompli pour reconstituer Londres en pleine révolution industrielle. Le débat est ouvert, mais il s’agit probablement du plus beau terrain de jeu offert par un Assassin’s Creed. De Whitechapel à Westminster, la ville est immense, les quartiers proposent tous une ambiance propre avec bien sûr la Tamise qui coupe la capitale en deux et que l’on s’amuse à traverser en sautant de bateau en bateau, tel un Frogger encapuchonné. Les rues sont vivantes, moins peuplées que celles de Paris (et c’est tant mieux) et plus larges aussi pour faire place aux calèches, l’une des nouveautés de cet épisode. Si leur conduite demande un petit temps d’adaptation, et que la moindre course-poursuite vire rapidement à un remake chevalin des Fous du Volant, ces moyens de transport se montrent tout de même bien pratiques pour se rendre d’un bout à l’autre de la ville sans avoir à se taper les voyages “rapides”, toujours synonymes d’atroces temps de chargement.

Le grappin permet de couvrir de grandes distances.

Le grappin permet de couvrir de grandes distances.

Dans Syndicate, les assassins gagnent aussi un grappin permettant de gravir en trois secondes le plus haut des bâtiments ou même de lancer une tyrolienne pour passer de toit en toit. Si l’objet ne remplace pas totalement l’escalade, l’un des fondamentaux de la série, il lui lance tout de même un joli pied de nez comme si les développeurs avaient fini par réaliser combien cela peut être rasoir de grimper pour la cinquantième fois au sommet d’une tour. Le grappin multiplie aussi les possibilités tactiques en permettant notamment de se suspendre au dessus de nos futures victimes avant de fondre sur elles tel un prédateur invisible. Bien sûr, avec l’ajout du grappin et des calèches, les développeurs auront un peu de mal à cacher les inspirations puisées du côté de Batman Arkham Knight. D’autant que les carrioles sont aussi résistantes que la Batmobile et peuvent elles aussi donner de puissants coups sur les côtés pour frapper leurs poursuivants. La dernière “grosse” nouveauté de Syndicate concerne la possibilité de kidnapper un ennemi. Il s’agit en fait de tenir un garde par le bras pour le forcer à marcher avec nous. Bien réalisée, et à condition de ne pas éveiller les soupçons, cette technique permet de passer tranquillement au nez et à la barbe d’autres ennemis – une possibilité sympathique, mais exagérément utilisée, voire imposée au cours de l’aventure et des missions annexes.

Une promenade en calèche n'est jamais calme dans Assassin's Creed Syndicate.

Une promenade en calèche n’est jamais calme dans Assassin’s Creed Syndicate.

Une image qui nous renvoie directement à cette histoire de contrôle exercé par les développeurs pour nous obliger à réaliser les missions comme ils l’ont prévu en suivant le script à la virgule près. Le mot script n’est pas choisi au hasard dans un jeu qui nous contraint par exemple à fuir des ennemis en sautant d’un pont pile poil à un endroit précis, et non à un mètre sur la gauche. Imaginez une course-poursuite en calèche. Jacob tient les rênes tandis que le joueur contrôle Evie à l’arrière, occupée à tirer sur les assaillants. Après un dialogue inaudible dans le feu de l’action, Jacob ordonne à sa sœur d’abandonner la charrette et de sauter. Après plusieurs essais infructueux, dus à cette maniabilité souvent capricieuse symptomatique de la série, Evie parvient enfin à quitter la calèche, et à sauter par dessus le pont pour se voir récompensée par… un joli game over. Pourquoi ? Parce que le joueur a eu l’affront de bondir juste à côté du point de saut prévu et indiqué à l’écran par un repère lumineux. Pour un jeu qui prône justement le libre arbitre à travers le discours de ses assassins, cela fait bizarre. Entre ce dirigisme absolu, l’aventure principale confuse et les missions annexes peu inspirées qu’il propose, cet épisode d’Assassin’s Creed apparaît donc comme un condensé de tous les travers de la série. Il est plus que temps pour Ubisoft de réaliser lui-même son saut de la foi en laissant sa licence au repos quelques temps pour lui permettre de reprendre son souffle.

L'avis d'extralife
  1. Développeur : Ubisoft Québec et plein d'autres studios Ubisoft
  2. Éditeur : Ubisoft
  3. Genre : Action, Aventure, Infiltration
  4. Date de sortie : 23 octobre 2015 (consoles), 19 novembre (PC)
  5. Supports : PC, PS4, Xbox One
  6. Site officiel : http://assassinscreed.ubi.com/
  • assassin_s_creed_syndicate_jaquetteUbisoft Québec n'est pas un débutant sur la série Assassin's Creed puisque le studio a déjà participé de près ou de loin à de nombreux autres volets. Assassin's Creed Syndicate est cependant le premier épisode où il se retrouve propulsé à la tête du développement. Forcément poussé par l'envie de bien faire, le studio tombe malheureusement dans le piège de la surenchère en supervisant un jeu qui s'éparpille dans trop de directions différentes sans qu'aucun élément ne soit réellement maîtrisé. Après un Assassin's Creed Unity qui ouvrait la voie à un peu de diversité dans la série et qui déroulait une trame scénaristique épurée mais facile à suivre, Syndicate emprunte le chemin inverse en proposant une progression éclatée et incroyablement rébarbative couplée à une narration décousue. Les nouveautés introduites (grappin, calèches et kidnapping) sont les bienvenues mais demeurent incapables de contrebalancer l'ennui général que suscite cette laborieuse libération de la capitale anglaise. Reste une jolie balade au cœur du Londres victorien ainsi que la mise en place de quelques éléments pour introduire la suite de la meta-histoire, s'il y a encore des joueurs pour la suivre. Ah, et il n'y a pas de mode multi non plus.
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Jihem

La découverte de BurgerTime aux débuts des années 80 aura clairement affecté la vie de ce grand bonhomme. Non seulement, Jihem a développé une passion pour les jeux vidéo, mais il a également choisi de s'installer au pays du hamburger. Sa mère est plutôt heureuse qu'il n'ait pas découvert les jeux avec Boogerman.

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16 commentaires

  1. Fufuryan
    Fufuryan
    1 novembre 2015 à 19 h 40 min

    Bonjour à tous,

    J’adhère moins à la série avec son évolution dans le temps. C’est aussi et surtout à cause du fils chronologique. Je préfère les périodes plus anciennes (moyen age…. etc etc).

    Merci pour l’article JIHEM, ton avis est intéressant.

    A bientôt.

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