Bruno Cathala : “Tout faire pour être compris”Coulisses

Bruno Cathala : “Tout faire pour être compris”

L’évolution du secteur

Au fil des ans, as-tu noté une évolution majeure dans le secteur ?

Des évolutions, il y en a plein ! Déjà premièrement, on peut penser qu’il y a un engouement du public de plus en plus grand. Donc cet engouement du public de plus en plus grand attire de plus en plus de monde, y compris au niveau financier. Parce qu’il y a vingt ans en arrière, on pouvait se dire qu’il n’y avait pas d’argent dans le milieu. Aujourd’hui, il y a de l’argent dans le milieu. Ce qui n’attire pas forcément les mêmes types de personnes. Et puis le marché évolue. Maintenant, on a tout ce qui est financement participatif qui change aussi la donne. Et tout ce petit monde est en train d’essayer plus ou moins de se professionnaliser… Donc oui, les choses changent. Et je pense qu’en fait, elles n’ont pas fini de changer.

Comme d’habitude, de toute façon, ceux qui s’en sortiront seront ceux qui sont capables de s’adapter, voire d’anticiper le changement.

Il y a deux ans, nous avions discuté de Kickstarter. Tu avais une opinion assez tranchée là-dessus. Est-ce toujours la même ? A-t-elle évoluée avec le temps ?

Mes propos avaient été repris parce que tu avais fait une accroche assez

Il faut bien attirer l’œil du lecteur !

Non, non, mais je n’ai aucun souci. Ce que j’ai dit, je l’assume. Je n’ai pas de problèmes avec ça. Déjà à l’époque, je n’ai jamais dit que je ne ferai jamais de Kickstarter. Enfin, on va dire Kickstarter pour “financement participatif” parce que ça peut être d’autres plates-formes.

Après, il y a des choses qui sont chouettes, et il y a des choses qui me dérangent. Moi-même je peux pledger des jeux. Mais bon. C’est incontournable. Aujourd’hui, c’est un fait. Donc on ne peut pas l’ignorer. Moi-même, je vais sans doute à un moment donné avoir des jeux qui seront sur financement participatif, parce que je n’aurai pas d’autres choix. Après, à l’intérieur, le bon peut côtoyer le pire. Mais ce que je trouve, c’est que ça nous pousse au consumérisme.

Ce que je veux dire par là, c’est que t’as des projets dans lesquels on va te vendre tout un tas de trucs dont tu n’as absolument pas besoin. Tu me diras, un jeu, on n’en a jamais besoin. Je suis le premier à le dire. Mais quand on t’a vendu un truc avec quarante milliards d’extensions, de figurines, etc., en fin de compte, tu pousses les gens… On joue sur la tentation, évidemment. On est dans une société capitaliste. Ce n’est pas mal. C’est comme ça.

Et donc, tu vas acheter plein de trucs dont tu n’as absolument pas besoin et dont tu ne joueras jamais avec. Et pendant ce temps-là, cet argent qui a été capté par ça, ne part pas dans d’autres projets. Et c’est ça qui pose un peu souci. Quand tu as fait un all in à 150 ou à 200 euros, c’est trois ou quatre autres jeux que tu ne vas pas acheter sur le marché des jeux de société. Et donc tu ne vas pas aller dans les boutiques, etc.

Moi, je suis inquiet pour les boutiques parce que d’un côté, les gros jeux qui sont au delà de 40 euros, on ne les verra, à terme, que sur plates-formes participatives, et comme j’en fais moi-même, il faudra bien que j’y aille d’une certaine façon. De l’autre côté, je suis en train de voir que les GSS [grande surfaces spécialisées] sont vraiment en train de venir sur le créneau en ne prenant que les grosses références, celles qui se vendent bien, et en employant des vendeurs qui commencent à savoir de quoi ils parlent. Par exemple, j’ai fait une animation chez Cultura il y a quelques semaines avant Noël, et je suis tombé sur des gens qui connaissaient vraiment les jeux, qui étaient motivés pour les vendre, qui avaient un joli rayon. Et là, tu te demandes comment la boutique spé va s’en sortir coincée entre des Cultura et des Fnac qui commenceraient à mettre des vendeurs qui s’y connaissent (ce qui a l’air d’être le cas), et de l’autre côté, les Kickstarter et tout ça. Or pour nous, le maillon de la boutique, avec le conseil qu’elle apporte, est essentiel à la survie de notre activité. C’est ça qui me questionne.

Je suis inquiet pour les boutiques.

Le jeu de société est arrivé à un âge où nous pouvons voir des rééditions, ou d’anciens jeux retravaillés.

Moi le premier.

Toi le premier. Tu viens d’ailleurs de me montrer Jurassic Snack, qui est une version 2.0 de Guerre et Bêêêh.

Et puis Kiwara qui va sortir et qui est la réédition de Drôles de Zèbres. L’an dernier, on a ressorti Mission : Planète Rouge avec Bruno Faidutti. Et puis, il y en aura sans doute d’autres.

Justement, y a-t-il un jeu de ton passé que tu aimerais ressortir ou retravailler et qui te tient particulièrement à cœur ?

Ah oui, bien sûr. Il y en a en tout cas deux. Le premier, c’est mon premier jeu. Ce n’est pas le premier qui est sorti, mais c’est le premier que j’ai fait, et le premier que j’ai signé. C’est Sans Foi ni Loi, un jeu de far west. Aujourd’hui, je le retravaillerai parce qu’il y a des choses que je ne referai pas tout à fait pareil. Mais je serai vraiment content d’avoir l’opportunité de lui donner une autre chance.

Et puis j’ai un autre jeu à deux… parce que j’ai fait beaucoup de jeux à deux, qui à l’époque ont eu leur petit succès, mais qui pour différentes raisons, n’ont pas non plus percé plus que ça. Mais celui-ci, j’aime toujours énormément la mécanique, c’est Atlas & Zeus. C’est un jeu sur la fin des Atlantes avec des îles qui disparaissent petit à petit et où il faut être le dernier. C’est un petit jeu à deux pour lequel j’aimerais beaucoup avoir l’opportunité d’une réédition.

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Jihem

La découverte de BurgerTime aux débuts des années 80 aura clairement affecté la vie de ce grand bonhomme. Non seulement, Jihem a développé une passion pour les jeux vidéo, mais il a également choisi de s'installer au pays du hamburger. Sa mère est plutôt heureuse qu'il n'ait pas découvert les jeux avec Boogerman.

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1 commentaire

  1. RivieraParadise
    RivieraParadise
    20 février 2018 à 13 h 31 min

    Merci Jihem pour cette interview. Je suis moi meme un chef de projet qui essai de s’aventurer dans la creation de jeu de societe, et cet article est vraiment passionnant.
    Bonne continuation a toute l’equipe d’Extralife
    PS: A quand un nouvel episode d’Entree de jeu?

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