Et si certains jeux allaient trop loin ?Opinion

Et si certains jeux allaient trop loin ?

Je joue depuis que j’ai six ans. J’en ai trente-six aujourd’hui. En près de trente ans de jeu, dont plus de quatorze passées au sein de la rédaction d’un grand site web, je pensais avoir à peu près tout vu en matière de violence, de mauvais goût ou tout simplement de niaiserie. Simulateurs de hooligans, gestion de prisons, snuff movies interactifs… avec le temps, j’ai fini par ne même plus prêter attention à ces productions qui tentent ponctuellement de se démarquer en jouant la carte de la provocation. En réalité, ces provocations restent toujours aussi puériles que l’attitude d’un enfant qui lâcherait son premier gros mot à la face de ses parents, juste pour tester les limites de l’acceptable. Il y a deux ans, la sortie de GTA 5 m’a toutefois un peu bousculé. Je suis convaincu que le jeu vidéo, au même titre que la littérature, le cinéma, ou la musique, ne rend pas violent. Cependant, je suis tout aussi convaincu que cette réalité ne doit surtout pas dédouaner les développeurs de leurs responsabilités. Ce serait dangereux de se cacher derrière cette bannière pour justifier tout et n’importe quoi simplement parce qu’il ne s’agit que d’un jeu vidéo, et qu’un jeu vidéo ne fait de mal à personne.

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Grand Theft Auto 5 (Rockstar, 2013)

Dans le cas de GTA 5, c’est le personnage de Trevor qui m’a dérangé. Incarner un héros dénué de toute morale, simplement guidé par ses instincts les plus primaires, soulève un énorme problème d’implication et d’identification. C’est peut-être très personnel, mais il me faut quelque chose sur lequel m’appuyer et qui saura me porter durant le jeu. Un trait de caractère, une motivation scénaristique… Je ne demande pas beaucoup. Juste une justification quelconque capable d’expliquer pourquoi le personnage que l’on me propose d’incarner agit comme il agit – quelque chose qui me fasse comprendre pourquoi moi, le joueur, doit réaliser telle ou telle action. Même si cette motivation va à l’encontre de mes convictions personnelles, il me faut quelque chose. Avec Trevor, j’ai beau avoir été patient au point de terminer l’aventure, je n’ai rien eu de tout cela. Le type est fou. Point barre. Pour en avoir discuté avec d’autres joueurs, je sais que je ne suis pas le seul à avoir été gêné par le personnage mais je sais aussi que ce même Trevor est la raison pour laquelle d’autres adorent le jeu. Quoi qu’il en soit, je n’ai pas aimé GTA 5 mais Trevor n’est pas le seul responsable. La critique sociale du m’as-tu-vu californien déjà très parodique de base, ne m’a pas convaincu non plus. À vouloir justement dénoncer cette culture de la superficialité, Rockstar semble lui-même être tombé dans le piège d’une caricature facile et dénuée de toute subtilité. Le studio s’est noyé dans son propos, en développant un titre jouant la carte de la surenchère, dans l’unique but… de jouer la carte de la surenchère parce qu’il en a les moyens, pas parce qu’il tente de défendre un propos ou une vision des choses. GTA 5 reste donc pour moi un jeu passé à côté de son sujet, et à mille lieues de la justesse dont faisait preuve l’épisode précédent. En réalité, ce cinquième volet n’a pas seulement été une déception, mais une sorte de révélation. Alors que le titre continue aujourd’hui d’être acclamé, et qu’il reçoit les louanges de la presse et des joueurs, le jeu me fait me sentir en décalage avec ce que les jeux vidéo sont vraisemblablement censés proposer de mieux. En fait, GTA 5 est réellement le premier jeu à me faire me demander si je n’étais pas soudainement devenu un vieux con.

Moonstone de Mindscape (1991)

Moonstone (Mindscape, 1991)

Je joue pourtant depuis ma plus tendre enfance. J’ai connu BurgerTime sur Intellivision, gagné des médailles d’or aux Jeux Olympiques sur Apple II, et bien sûr suivi la glorieuse ascension du charpentier devenu plombier en jetant un œil discret mais peu intéressé à son concurrent le hérisson en baskets. J’ai trainé mes clics sur Amiga dans l’ombre de la bête et baigné dans le sang de Moonstone, avant de me prendre la tête sur la meilleure configuration PC, celle qui permettrait de faire tourner sans problèmes Doom 2 – jeu que je n’aurai finalement pratiqué qu’une seule après-midi, faute de motivation. J’ai traversé Sanitarium, parcouru les premiers Resident Evil, survécu aux horreurs de la plupart des Silent Hill et même flâné dans les rues de Liberty City sans but précis que celui de semer la zizanie derrière moi. La violence ou le malsain ne m’ont jamais offusqué et pourtant je ne me suis jamais tant senti en décalage par rapport au média que j’aime tant qu’avec le cas GTA 5. Donc oui, suis-je réellement devenu un vieux con prompt à condamner un jeu pour son propos ?

Cette question, je me la suis récemment posée de nouveau en découvrant, avec stupeur, la bande-annonce d’un autre titre nous faisant incarner un psychopathe prêt à descendre dans la rue pour tuer le plus d’innocents possible. Et là, on touche un point sensible. Non, le jeu vidéo ne rend pas violent, mais encore une fois, cela peut-il justifier toutes les dérives ? Alors qu’il ne se passe pas une semaine sans que les journaux américains ne rapportent un nouveau shooting, alors même que le mot shooting est devenu un nom commun directement associé à la folie meurtrière d’un fou dans la rue, dans une école ou dans un cinéma, un studio ne trouve-t-il rien de mieux à faire que de développer un titre pour nous faire contrôler l’auteur du massacre ? Vraiment ? Un tour sur le site officiel dudit studio précise avec un smiley qu’il ne s’agit que d’un jeu, et qu’il ne faut bien entendu pas reproduire cela à la maison… Oui, c’est pathétique, et même flippant si vous voulez tout savoir.

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Alors que faire ? Dénoncer la pratique et donc passer pour un censeur en colère dès qu’un jeu vidéo sort des clous ? Ou ne rien dire et laisser couler en tentant de se convaincre qu’après tout, le jeu concerné sera certainement très mauvais et que les joueurs l’oublieront bien vite ? Jusqu’à présent, mon radar interne prenait généralement le contrôle pour me mettre en mode veille et me permettre de passer outre le politiquement incorrect. Et puis, il y avait toujours une part de justification, même cachée dans les jeux qui ont défrayé la chronique. Prenez Manhunt, par exemple. Oui, c’est un jeu violent. Mais nous sommes ici entre crapules. Le héros est une ordure qui tue d’autres ordures. Ce n’est pas bien malin, mais j’arrive à comprendre la “logique”. Même chose dans Hotline Miami ou même dans Hitman. L’agent 47 est un tueur à gages qui ne s’en prend finalement qu’à des cibles baignant déjà dans le crime. Dans un sens, cela devient acceptable. Surtout qu’à aucun moment, il n’est demandé à l’assassin de briser la nuque d’un parfait innocent. Et à sa défense, c’est la même chose dans un GTA. S’il est possible d’écraser les piétons, ce n’est pas le but du jeu. Il ne s’agit pas d’une fin en soi, “juste” d’un à côté – crétin, mais non obligatoire. Et c’est exactement ce qui coince avec le simulateur de shooting où l’entièreté de l’expérience repose justement sur le massacre d’innocents. Comment peut-on sincèrement penser que le meurtre de masse puisse se prêter à un jeu vidéo ? Et par extension, peut-on réellement adapter n’importe quel sujet en jeu vidéo ? Car c’est plutôt cela la vraie question. Les développeurs jouissent-ils d’une liberté totale ou sont-ils au contraire soumis à une limite à ne surtout pas franchir ? Dans ma jeunesse, j’aurai certainement penché pour la première option, justifiant mes propos par la sacro-sainte liberté d’expression. Mais le vieux con que je suis devenu semble moins catégorique.

do_not_crossCar si tout est réellement permis, pourquoi n’a-t-on jamais eu droit à un simulateur de camp de concentration ? Et faut-il un jour s’attendre à un jeu où il s’agira d’abord de capturer puis de décapiter le plus de journalistes possible ? J’espère sincèrement ne pas me tromper en déclarant que jamais aucun de ces titres ne verra le jour. Mais je me pose la question. Qu’est-ce qui distingue ces deux concepts de celui du “simple shooting” ? Si ces deux exemples sont proscrits, c’est qu’il existe bien une limite à ne pas franchir. Où se situe donc cette limite ? Avant ou après le simulateur de meurtres en masse ? Combien d’autres provocations faudra-t-il subir avant qu’une loi ne vienne clairement définir la limite ? Et surtout, souhaite-t-on réellement en arriver là ?

Jihem

La découverte de BurgerTime aux débuts des années 80 aura clairement affecté la vie de ce grand bonhomme. Non seulement, Jihem a développé une passion pour les jeux vidéo, mais il a également choisi de s'installer au pays du hamburger. Sa mère est plutôt heureuse qu'il n'ait pas découvert les jeux avec Boogerman.

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101 commentaires

  1. 21 septembre 2015 à 20 h 22 min

    Salut salut !
    Très bon écrit bien rédigé, ça fait plaisir à lire.
    Personnellement je n’ai jamais vraiment était choqué par ce genre de jeux, ayant adoré Postal et cette fameuse croix satanique avec le bidon d’essence, pour une certaine invocation démoniaque; ayant plongé des heures dans les sombres couloirs de Doom ou Quake, qui sont plus que violent malgré un scénario qui essaye de faire passer ça sous la table.

    Mais peut être parce que je vieillis, la récente polémique autour d’Hatred m’a invité à réfléchir, et je comprends tout à fait les détracteurs de ce genre de jeu, et en opposition je ne comprends plus ses défenseurs. La violence pour la violence, surtout dans le cadre dans lequel actuellement grandissent les futures générations de tous pays, n’est définitivement pas une bonne chose, à l’heure où de jeunes enfants peuvent se procurer tous types de jeu, cela devient problématique.

  2. Garrett
    Garrett
    21 septembre 2015 à 20 h 29 min

    Je me souviens que tu avais déjà manifesté ta désapprobation du personnage de Trevor sur l’ancien site où tu travaillais, Jihem. Ton avis était d’ailleurs affiché juste au bas du test, ce qui faisait contre-poids (il a disparu depuis…).
    Personnellement, j’ai toujours apprécié jouer avec des protagonistes psychotiques, et le dernier personnage vidéo-ludique a m’avoir marqué, celui que j’ai le plus apprécié, est Lynch de la licence Kane&Lynch (coucou Miniblob). Cela dit, je ne me cherche pas d’excuses.
    Le fait est qu’en dépit de toute la crasse qui émane de Trevor ou de Lynch, a un certain moment, les deux fendent la carapace d’horreur et nous laisse entrevoir qu’ils peuvent être bon, et même bien meilleur humainement que bon nombre de gens. C’est le cas lorsque Trevor tombe passionnément amoureux de la vieille dame, ou lorsque Lynch nous montre tout l’amour qu’il porte à sa compagne, Xiu. Ces sentiments positifs contrastes avec la première idée que l’on se fait d’eux et l’on se dit alors que ce sont finalement des personnages qui n’ont pas eu de chance dans la vie (voir la mission finale bouleversante avec Trevor et la découverte de son odieuse mère…).
    En cela, ces deux jeux nous montrent encore aussi qu’il y a du bon dans ce monde, qu’il faut simplement se donner l’occasion de le révéler, et c’est très important.

    1. Robert
      Robert
      22 septembre 2015 à 12 h 35 min

      Je suis plutôt d’accord avec Garrett, d’autant plus que pour moi (et je n’ai pas réellement joué au jeu mais je l’ai suivi de très/trop près pendant sa production), Trevor est au final le personnage le plus intéressant des trois. Michael et Franklin sont d’affreux stéréotypes, emmerdants au possible, et Trevor est le seul qui semble avoir un tant soit peu de contrôle sur son histoire. Alors c’est vrai qu’il est plus dérangeant que les deux autres, mais il dissimule quelques valeurs finalement assez fortes auxquelles il se tient.
      À mon avis, le jeu n’est pas gâché par Trevor mais par l’histoire dans son intégralité, et comme d’habitude avec un GTA, l’aspect le plus intéressant du jeu est la réserve de possibilités et probabilités que la carte et les systèmes offrent.

  3. DemianVonPrios
    DemianVonPrios
    21 septembre 2015 à 20 h 32 min

    Je crois me souvenir qu’il existe un simulateur de camp de concentration, bien évidemment crée par un développeur amateur ayant quelques accointances avec une mouvance d’extrême-droite.

    Je n’ai plus le nom en tête, le sujet ne m’ayant pas particulièrement passionné (trouvant cela, d’un côté débile, de l’autre tout aussi “logique” qu’un simulateur de gestion d’hôpital, de parc d’attraction ou autre, le très mauvais goût en prime).

    Sur le sujet, disons que j’adopte les deux points de vue, comme pour l’art en fait. D’un côté, je me dis que le jeu vidéo peut être “transgressif”, si cela est fait intelligemment, avec un but sensé, et non juste transgressif pour être transgressif, par pure provocation puérile. De l’autre, je me dis qu’il doit savoir aussi se “limiter”, mais non pas parce que ce serait de mauvais goût, voire franchement limite, mais parce que le public qui aurait accès à ces titres n’aurait probablement pas le recul nécessaire pour les comprendre réellement, pour ne pas y voir autre chose que de la simple provocation, mais y verraient peut-être une idéologie (réellement présente ou non) et l’apologie de cette idéologie.

    Mais c’est un problème auquel toute forme d’art a eu un jour à se confronter. “L’Origine Du Monde” de Gustave Courbet arrive, aujourd’hui encore, à scandaliser des gens, alors que ça n’est qu’une peinture d’une femme dans le plus simple appareil et cadrée sur son sexe.

    La mission “No Russian” de Call Of Duty Modern Warfare 2 a aussi (légitimement) fait polémique. Mais si des arts comme la peinture, la musique, la littérature ou le cinéma peuvent faire scandale sur ce qu’ils montrent, le problème que tu soulèves, Jihem, est tout autre: tout peut-il être un jeu?

    Là, c’est la notion d’amusement qui entre en compte, et de pertinence. Et, étant d’accord avec toi, un jeu qui consiste presque intégralement à tuer des innocents, sans réelle opposition, ça n’a, selon moi, rien d’amusant.
    Si ça peut encore avoir du sens sur le plan scénaristique (comme pour Modern Warfare 2), sur le plan ludique par contre, c’est on ne peut plus discutable. Dans “No Russian”, peut-être que l’idée des développeurs était d’impliquer émotionnellement le joueur dans ce type de massacre, et dans la position dangereuse du personnage que l’on incarne, obligé contre son gré de commettre un massacre, parce que sa mission l’exige. Donc une implication “morale” du joueur, très mal amenée et plus que douteuse.

    Si le personnage de Trevor a du sens (oui oui, on comprend peu à peu pourquoi il est ainsi, abandonné par son père et souvent par sa mère, réfugié dans la drogue et toutes les défonces possibles, ce qui aura fini par le rendre pas mal cinglé car accroc à l’adrénaline – entre autres addictions), les joueurs l’ont apprécié, je pense, à la fois pour son côté décalé par rapport aux autres ainsi que par rapport à l’univers de GTA mais aussi pour son côté clairement excessif à l’extrême, ce que certains joueurs désiraient dans la licence GTA.

    On peut aussi y voir des traits de caractère assez proches d’un personnage de fiction comme le Joker version The Dark Knight. Très intelligent, mais extrême, et ayant ses propres notions de morale.

    Mais pour en revenir au fond du sujet, je pense que ce qui doit primer dans un jeu est l’intérêt ludique, en corrélation avec l’intérêt scénaristique (si scénario il y a). Massacrer des innocents, l’intérêt ludique est proche du néant. Outre l’aspect moral plus que nauséabond, l’aspect ludique n’offre rien, pas de réel défi, aucune opposition, ça réduit drastiquement le gameplay à une expression très simple, rendant le tout lassant car inintéressant, n’offrant rien.

    La scène de l’agression sexuelle de Lara dans le reboot de Tomb Raider (2013) n’a également pas de sens, cette scène ne se justifie jamais sur le plan scénaristique, mais tient davantage du voyeurisme racoleur douteux qu’autre chose.

    Pareil pour le personnage de Quiet dans MGS V, présent uniquement à des fins de racolage.

    Cette provocation dans les jeux n’est presque jamais vraiment accompagné d’une réelle démarche artistique, d’une réelle volonté de bouleverser des codes, quitte à déplaire (comme a pu le faire Sanitarium, ou les Phantasmagoria, à une autre époque). Aujourd’hui, ce politiquement incorrect ne sert que d’argument marketing dans la très grande majorité des cas, ce qui peut encore prendre chez des adolescents manquant tant à la fois de réflexion que de recul sur ce à quoi ils jouent, ce qu’ils regardent, et le marketing en général, mais ça aura bien du mal à capter l’attention d’adultes jouant au jeu vidéo, ayant des capacités de réflexion et un regard tant à la fois lucide et réfléchit sur le média vidéoludique.

    Peut-être qu’à 16 ans, des jeux comme Hatred m’auraient amusé, j’aurais trouvé ça con et drôle, parce que clairement abusé. Mais aujourd’hui, un peu comme toi Jihem, je me sens “vieux con”, mais surtout dépité par le fait que des développeurs puissent imaginer de tels jeux, y voir un intérêt ludique, et se permettent de les sortir sans jamais un seul instant réfléchir aux éventuelles conséquences.

    A titre de comparaison, c’est comme si l’on faisait lire du Marquis De Sade à de jeunes filles tout juste entrées au collège. Les conséquences sont difficiles à prévoir.

    1. Jihem
      Jihem
      21 septembre 2015 à 21 h 55 min

      Dans No Russian, le jeu force le joueur à faire quelque chose que le personnage incarné ne souhaite pas faire. Le décalage provoque une sensation de malaise chez le joueur. Enfin, normalement.
      Dans d’autres jeu (GTA 5, ou le simu de shooting) le personnage prend du plaisir à exécuter ses victimes. Cela fait une énorme différence.

      Et cela renforce aussi le décalage entre moi et mon avatar, et donc le plaisir de jeu.

    2. DemianVonPrios
      DemianVonPrios
      21 septembre 2015 à 22 h 30 min

      Oui et non. Dans la mission “No Russian”, on peut la faire sans tuer aucun civil, et c’est finalement au joueur de décider s’il veut participer au massacre ou juste en être spectateur.

      GTA V est assez différent puisque l’on joue des ordures qui tuent d’autres ordures, on est des criminels dans le jeu, à différents niveaux de criminalité (Trevor, lui devrait être en prison voire dans le couloir de la mort pour ses très nombreux meurtres brutaux, Mickael en prison à vie pour ses braquages et Franklin un “gangsta” désirant surtout changer de vie pour quelque chose de moins crapuleux, lorsque les deux autres vont vers davantage de crapuleux (ce qui a tendance à inverser les codes et les clichés). GTA V, le but ne repose pas sur le fait de tuer des civils, d’ailleurs les missions de “carnage” comme on pouvait en voir dans les précédents GTA sont ici différentes puisque tu t’attaques à des gangs tous armés (alors qu’auparavant, on te donnait une arme précise, un temps délimité et il fallait tuer un max de monde).

      Je peux reprocher pas mal de choses à GTA V, que j’ai quand même apprécié même si j’ai été déçu (la faute à un solo trop court et un jeu finalement presque exclusivement orienté online), mais ses personnages ne sont, selon moi, pas un réel problème. Ils sont bien écrit, bien joués et ils ont du sens, et ma comparaison entre Trevor et le Joker de The Dark Knight n’est pas anodine.
      Dans The Dark Knight, on ne sait, d’apparence, presque rien du Joker, de ses motivations, de sa raison d’être ce qu’il est. Mais en prêtant bien attention à ce qu’il dit, on peut deviner, ou tout du moins supposer, des événements de sa vie qui l’ont fait devenir ce qu’il est dans le film.
      Pour Trevor, c’est un peu pareil. On ne te raconte pas directement sa vie, son passé, par le biais de cinématiques explicatives. Mais ici et là sont disséminés, au détour d’un dialogue, d’un détail dans une cutscene, des éléments qui amènent à supposer certaines choses autour de lui, qui l’ont fait devenir ainsi. Libre à chacun d’interpréter ça comme il/elle l’entend, mais, selon moi, le “background” du personnage est amené de la même façon que le Joker.

      Après, sa raison d’être, outre scénaristique, est clairement ludique, la volonté des développeurs ayant été de proposer trois “expériences GTA” en une seule: l’expérience “San Andreas” avec Franklin, l’expérience “GTA IV” avec Michael et l’expérience plus “Vice City” avec Trevor, qui fait aussi davantage ressembler GTA V à un Saint Row (et ça, ça n’est pas vraiment un bon point, pour moi).

      Hatred, c’est particulier. Qu’est-ce qui, dans le scénario, justifie le massacre? L’extrême misanthropie, pour ne pas dire carrément haine radicale, du personnage envers l’humanité. C’est, selon moi, le pendant vidéoludique d’un film comme Rampage (par Uwe Boll, comme on y revient!), donc sans réel intérêt ludique, sans réel intérêt tout court, même pas distrayant.

      Hotline Miami, c’est assez semblable à Hatred, à quelques différences près. Déjà, tous les ennemis que l’on va croiser sont armés ou au moins capables de se défendre. Ensuite, l’esthétique “pixel-art neon” est là pour “casser” la violence graphique du titre, pour en faire un titre davantage perçu comme un jeu arcade (ce qu’il est assez, finalement), et non pas que les joueurs se focalisent uniquement sur sa violence comme seul attrait que peut avoir le jeu (ce qui serait grandement le rabaisser).

      Ou il y a encore le jeu The Hong Kong Massacre (dont j’ignore totalement s’il est encore en développement ou non), qui reprend presque intégralement les codes de Hotline Miami, mais cette fois avec des graphismes plus “réalistes”. Sauf que le jeu se veut surtout être un hommage au cinéma d’action hong-kongais (comme son titre le suggère très clairement), et doit surtout être vu pour ça, donc sa violence est, quelque part, “obligatoire”, si le jeu veut respecter les codes et clichés des films dont il s’inspire…

  4. Mara
    Mara
    21 septembre 2015 à 20 h 35 min

    Excellent article !

    Personnellement, je n’ai jamais joué à GTA (je trouve les jeux trop sexistes) donc… Je ne peux rien dire sur GTA V. Cependant, je sais que nous vivons dans une époque assez violente, où elle est représenté de façon banale dans la plupart des médias et certains journaux passent carrément les décapitations de daesh à la télévision. La violence ne choque plus personne.

    Mais, j’ai pensé à quelque chose : Les gros jeux AAA vont très peu parler de ses sujets (ou dans des cas assez manichéens) et ne pas les représenter. Cependant, je pense aux indépendants, qui, au lieu de repousser le crime (je pense surtout au 11/01) vont le représenter.
    En fait, au lieu de repousser, ils vont attirer. Soit pour le montrer, soit pour en faire une critique (GTA V). Il me semble avoir lut des cas de jeux annulés, repoussés, censurés, modifiés peut après les attentats. Aujourd’hui, au contraire, on va le montrer comme un banal film d’action.

    D’où les jeux de tueries. M’étonnerait pas qu’un jour des illuminés fasse une simulation de camp de concentration.
    J’attends les jeux indépendants où on jouera un migrant qui tente de fuir la guerre en Syrie (ça pourrait faire un bon jeu, ou… Pampam boum boum).

    Mais, vu que vous avez déjà parler d’un jeu RPG Maker, je vais parler du jeu qui m’a le plus choqué : Misao.

    Pour l’information, c’est un jeu RPG maker d’horreur où un jour, le personnage qu’on incarne, entend la voix d’une jeune fille disparue qui condamne l’école et finit par assassiner tous les gens lui ayant fait du mal, dont le professeur. Le but étant de retrouver les morceaux de son corps.

    En fait, ce qui m’a choqué, c’est que déjà, la fille a été violé deux fois avant d’être découper en morceau. Les violeurs + surtout, le tueur (le prof) sont pardonnés par l’héroïne parce qu'”ils ont eu une enfance malheureuse” ce qui ne justifie absolument rien.
    Du coup on pardonne à un tueur psychopathe (qui a le cliché du “je découpe des chats”) alors que la pauvre gamine, elle, est morte.

    (PS : Si vous voulez un excellent jeu RPG Maker, tester Wadanohara and the great Blue Sea, c’est absolument génial)

    1. Jihem
      Jihem
      21 septembre 2015 à 21 h 59 min

      Je ne suis pas contre montrer la violence. Il faut par contre qu’il y ait un propos. Incarner un fou qui décime des innocents. Non. En revanche, incarner un civil qui échapper au fou, oui, pourquoi pas. De même, tenter de sortir des tours du World Trade Center, pouquoi pas. L’idée ne m’enchante guère, mais je peux la comprendre.

      Je l’ai souvent dit. Trevor est un bon personnage de GTA, mais pas un bon personnage jouable parce qu’aucune identification ne peut être faire entre lui et le joueur. Je l’aurai largement plus aimé en personnage secondaire.

  5. ToLy
    ToLy
    21 septembre 2015 à 20 h 37 min

    Très bon article, notamment la partie sur GTA V. J’ai globalement le même point de vue, et j’avais l’impression d’être le seul à l’avoir. Content de voir que d’autres aussi ne sont pas entré dans cette mode d’adoration de GTA V. Content aussi de voir que je ne suis pas le seul à préférer le quatrième opus de la série.

    Mais je vois aussi que dans les commentaires beaucoup ont ce même point de vue ! Je sens que la communauté d’ExtraLife va me plaire :)

  6. Auronfr
    Auronfr
    21 septembre 2015 à 20 h 44 min

    Très bon article.

    Je pense que cela souligne plusieurs autres questions.
    J’arrive au constat suivant:
    “Les jeux d’aujourd’hui ne s’attarde plus sur un scénario, une histoire, une morale ou un but, mais se consacre au spectaculaire au sensationnel et choquant”
    C’est une dérive qui s’est accentué de plus en plus ces dernières années a mon avis.

    Pourquoi ne peut-on pas allier moral et spectaculaire ? Certain y arrive très bien et rencontre de beau succès !

  7. Samuel
    Samuel
    21 septembre 2015 à 20 h 53 min

    N’oublions pas la célèbre mission “pas de russes” de Modern Warfare 2, qui a fait beaucoup de bruit à l’époque…

  8. foumarc
    foumarc
    21 septembre 2015 à 20 h 58 min

    Rhaaa encore un bon papier! J’ai le même sentiment sur Trevor, personnage complètement raté s’il en est… Du coup moi, il m’a ni choqué ni fasciné, il m’a fait queudal, inexistant car Rockstar a voulu fourrer ché pas combien d’aspects psychologiques dans son crane entre le violent, le grand coeur, le bon pote, l’enfant adulte, l’oedipe, le psychopathe, bref, personnage SUPER MAL écrit… Si l’équipe de Rockstar avait bien fait son boulot, un psychopathe pouvait être attachant, mais comme le dit l’article, rien n’est expliqué, c’est: “vas y joue ce perso foireux et démerde toi avec…”

    Merci pour cette perspective Jihem, ce genre de réfléxion sur le jeux vidéo est encore un signe qu’Extra Life se dirige vers une rédaction de qualité et de maturité bienvenues! :soupir:

  9. Subaru
    Subaru
    21 septembre 2015 à 21 h 11 min

    Article intéressant , ça change de jeuxvideo.com !
    Continuez comme ça , vous avez un super site et de très bon rédacteurs !

  10. Guduman
    Guduman
    21 septembre 2015 à 21 h 21 min

    Article très intéressant, je suis du même avis personnellement. :)

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