The River : La rivière en chantier Test JDS

The River : La rivière en chantier

Entre deux extensions des Aventuriers du Rail ou de Small World, l’éditeur Days of Wonder trouve enfin le temps de sortir un jeu tout nouveau tout beau. Ça s’appelle The River, et c’est un jeu de placement d’ouvriers au gameplay pour le moins classique, mais ô combien rafraichissant.

Une nouvelle production Days of Wonder qui ne soit ni une variante ni une extension d’un jeu déjà existant est toujours un petit événement en soi. La sortie de The River est d’autant plus excitante qu’il s’agit d’un jeu de placement d’ouvriers — le tout premier dans le catalogue de l’éditeur en plus de vingt ans d’activités ! Évidemment, selon l’ADN de la maison, The River affiche un aspect familial très prononcé. Ainsi, dès la première annonce, Days of Wonder mettait les choses au clair : The River est un jeu qui bascule volontairement du côté léger du gameplay. Ce n’est pas que le jeu déplaira forcément aux gros joueurs qui aiment se prendre la tête à chaque tour, c’est juste qu’ils ne sont pas la cible principale. On reste ici dans quelque chose de bien plus accessible, ce qui n’empêche pas The River de proposer un gameplay solide et pertinent aux choix toujours très intéressants.

Rien de très glorieux en début de partie.

Pour situer les choses, chaque joueur prend en charge un groupe de pionniers qui partent explorer le nouveau monde dans le but de s’y installer. L’expédition suit le cours d’un fleuve près duquel on trouve toutes les ressources nécessaires à la construction de bâtiments. Dans les grandes lignes, chacun envoie ses pionniers récupérer de l’argile, du bois, de la pierre ou même de la nourriture pour bâtir diverses structures plus ou moins grandes et plus ou moins généreuses en points de victoire. Vu ainsi, The River fait dans le grand classique mais c’est en examinant la façon de générer et de stocker ses ressources que le jeu se distingue. Si c’est bien sur le plateau principal qu’il faut envoyer les pionniers chercher leurs ressources, ce sont les plateaux individuels, et donc le fleuve de chaque joueur, qui servent de moteur et dictent ce que les colons sont réellement capables d’accomplir.

À la fin du jeu, la production est bonne, mais la main d’oeuvre bien faible.

Par exemple, la quantité d’argile, de bois et de pierre qu’il leur est possible de récupérer est directement liée au nombre de sites de production visibles le long du fleuve. Limités en début de jeu, ces gisements finissent par se multiplier au fil de la partie à mesure que les joueurs ajoutent des tuiles terrains sur leur cours d’eau. Ces tuiles sont aussi le moyen d’obtenir de nouvelles granges, seul moyen de stocker les ressources à raison d’une ressource par grange. Si un joueur produit plus qu’il ne peut stocker, il doit jeter l’excédent. Loin d’être accessoire, ce système de tuiles terrain est réellement clé dans The River. Facile à comprendre, il offre toute la souplesse pour se spécialiser dans une voie précise en privilégiant par exemple les régions produisant de la pierre ou celles qui hébergent avec plus de granges. Et puis, il y a aussi les tuiles prairie qui affichent toutes un pouvoir particulier également capable d’influencer les décisions des joueurs. On trouve par exemple la prairie qui, en fin de partie, donne un point de victoire pour chaque région montagneuse ajoutée sur la rivière. Il y a la prairie qui permet de récupérer des ressources entre chaque manche. Ou encore celle qui permet d’échanger la position de deux tuiles sur son plateau.

Là encore, on touche à un point crucial de The River puisque la position finale des tuiles terrain sur le plateau peut rapporter des points. En fin de jeu, chaque colonne de tuiles est examinée pour voir si, en partant du haut, deux ou trois tuiles de terrain identiques sont placées côte à côte. Si c’est le cas, le joueur obtient des points bonus. D’où l’importance de réfléchir à la fois aux symboles sur les tuiles (production, granges, pouvoirs…) mais aussi au type de terrain dépeint pour agencer les rives de son fleuve le plus efficacement possible, sachant qu’il est toujours possible d’échanger la position de deux tuiles déjà placées grâce à une action du plateau.

Il n’y aura pas de ressources pour tout le monde.

Si The River apporte une grande souplesse dans la manière de gérer son fleuve, et donc d’organiser sa production de ressources, le jeu reste tout de même assez tendu lorsqu’il s’agit de récupérer lesdites ressources ou de construire des bâtiments. Plusieurs raisons à cela. D’abord, selon les règles ancestrales du placement d’ouvriers, les actions disponibles sur le plateau principal sont limitées et fonctionnent presque toutes sur le modèle du premier arrivé, seul servi. Ce qui veut dire que s’il n’y a plus de place disponible pour une action donnée, plus personne n’est autorisé à l’entreprendre durant cette manche. Pendant la partie, on se retrouve donc dans la situation classique du joueur qui hésite à placer son ouvrier sachant qu’il lui faut absolument récupérer du bois et de l’argile, mais qu’il ne peut pas faire les deux à la fois et qu’un adversaire viendra très certainement lui bloquer l’accès à la ressource qu’il n’aura pas choisie. Le dilemme est connu, et il fonctionne à merveille dans The River. Surtout à 2 ou 4 joueurs où les places se font réellement chères pour récupérer des ressources. À 3 joueurs, la tension n’est pas aussi palpable puisque le plateau utilise autant d’espaces que pour 4 joueurs. Mais forcément, avec un adversaire en moins, on se marche beaucoup moins sur les pieds.

Choisir ses tuiles terrain dépend de la stratégie.

La seconde source de tension du jeu nous ramène au fleuve et aux plateaux individuels. Les 5ème, 8ème, 11ème et 12ème tuiles terrain posée font automatiquement perdre l’un des pionniers. Pour la petite histoire, ces derniers viennent de découvrir un petit bout de terrain qui leur plaît et où ils décident de s’installer. Pour eux, fini le travail, vous ne pouvez plus compter sur leur présence. Cela entraîne un intéressant exercice d’équilibre puisque plus vous ajoutez de tuiles terrain et plus votre production potentielle augmente, mais moins vous aurez de pionniers pour l’exploiter ! À chacun de gérer votre progression sur la rivière et de trouver là où placer le juste milieu pour produire suffisamment avec la main d’œuvre pour le faire.

Tout en disant cela, il faut aussi comprendre que la stratégie consistant à se dépêcher de compléter son fleuve est une stratégie tout à fait valide puisqu’en posant sa 12ème tuile terrain, un joueur déclenche la fin de la partie. À voir s’il est plus utile de rusher la fin ou de se laisser plus de temps pour construire quelques bâtiments supplémentaires…

Des bâtiments à construire pour gagner des points.

Cela dit, même du côté bâtiments, The River nous encourage à ne pas traîner des pieds et à construire sans attendre. À chaque nouvelle construction, le joueur reçoit ainsi un jeton bonus de valeur décroissante qui viendra gonfler son score final. En clair, plus tôt on construit, et plus on gagne de points. Toutefois, il est important de mesurer son entrain car là aussi, le jeu peut s’arrêter prématurément si un joueur place son 5ème bâtiment (ou son 4ème à deux joueurs). On en revient à la même question : est-il judicieux de tout construire aussi vite que possible pour déclencher la fin de la partie ou de se donner le temps d’avancer sur le fleuve pour placer plus de terrains et éventuellement gagner plus de points ? Mine de rien, la simple présence de ces jetons bonus associés aux constructions est le moyen parfait pour inciter les joueurs à utiliser leurs ressources et à ne surtout pas les accumuler inutilement, juste au cas où. Les parties avancent donc toujours à un bon rythme, pour ne rarement dépasser les 45 minutes de jeu. Il arrive même que tout soit plié en 25 minutes à deux joueurs.

Les meilleurs meeples au monde.

Il y aurait encore bien des choses à dire sur The River. On pourrait parler de la possibilité de réserver des bâtiments capables d’engendrer des tactiques bien fourbes, ou des échanges de ressources qui renforcent la souplesse dans le stock de réserves. On pourrait aussi souligner le charme de la production et notamment les fabuleux meeple dindons chargés de représenter la nourriture. Mais finalement, ce n’est pas la peine de s’attarder plus longuement sur le sujet. Si tout participe à la très bonne impression générale, le cœur du jeu se cristallise réellement autour de la gestion du fleuve et de la temporisation plus ou moins maîtrisée de la construction des bâtiments. Ce sont ces deux éléments qui transforment une base somme toute très classique de pose d’ouvriers, en quelque chose de plus original et de rafraichissant.

Lire les règles de The River

L'Avis d'extralife
  1. Auteurs : Ismaël Perrin et Sébastien Pauchon
  2. Illustrateur : Andrew Bosley
  3. Éditeur : Days of Wonder
  4. Genre : Placement d'ouvriers, pose de tuiles
  5. Nombre de joueurs : 2 à 4 joueurs
  6. Date de sortie : 27 octobre 2018
  • J'aurai tellement aimé faire le malin et conclure ce test par « le gameplay de The River manque de sel » ou par « le nouveau jeu de Days of Wonder ne fera pas de vague ». Mais non, ce sera pour une prochaine fois. Car sans chercher à révolutionner les principes de la pose d'ouvriers, mais en réalisant plutôt une sorte d'exercice de style autour d'un genre classique et archi connu, les deux auteurs Ismaël Perrin et Sébastien Pauchon présentent un titre capable de séduire deux publics différents. Idéal pour initier les novices à ce qu'est le placement d'ouvriers, The River convient tout autant aux joueurs déjà familiers de la chose mais à la recherche d'un jeu rapide et prenant. Pour leur part, les joueurs experts qui ne jurent que par des choix à ramifications exponentielles sur des parties d'au moins trois heures et trente-sept minutes peuvent sagement passer leur chemin. Ils ne sont clairement pas la cible, mais ça, ils le savaient probablement déjà en voyant le logo Days of Wonder.
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Jihem

La découverte de BurgerTime aux débuts des années 80 aura clairement affecté la vie de ce grand bonhomme. Non seulement, Jihem a développé une passion pour les jeux vidéo, mais il a également choisi de s'installer au pays du hamburger. Sa mère est plutôt heureuse qu'il n'ait pas découvert les jeux avec Boogerman.

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