Goetia : un point’n click exigeant Test JV

Goetia : un point’n click exigeant

Imaginé par les lannionais de Sushee, Goetia est le premier jeu à sortir des entrailles de l’initiative Square Enix Collective. Point’n click exigeant, le bébé chéri du studio breton reprend à sa façon les mécaniques du genre, des plus classiques aux plus tordues, en sachant y ajouter son propre ingrédient secret. Attention, si vous mettez un pied dans le manoir Blackwood, vous risquez d’y rester de longues, très longues heures.

À l’âge de 12 ans, Abigail Blackwood trouve la mort dans un accident tragique. 40 ans plus tard, par une sombre nuit et sans plus d’explications, son esprit quitte la tombe creusée pour elle sur le domaine anglais de la famille Blackwood, à quelques pas de leur imposant manoir victorien. Une demeure elle-même voisine du village d’Oakmarsh, abandonné, tout comme le domicile familial ou malgré quelques traces d’activités récentes, on ne trouve plus âme qui vive. Enfin… façon de parler. Comprendre pourquoi elle est revenue d’entre les morts, ce qu’il est advenu de sa famille durant ces 40 ans et percer le mystère des rites occultes de la Goétie deviennent bien évidemment les préoccupations premières de notre petit Casper. Une quête qui va très vite devenir une véritable drogue pour le joueur.

Première étape : revenir d'entre les morts.

Première étape : revenir d’entre les morts.

Si le point’n click tient plutôt la forme ces dernières années, notamment sous l’égide d’un Daedalic hyperactif, il a parfois tendance à s’être un peu « simplifié », en se montrant plus linéaire, en limitant l’inventaire aux objets relatifs à une zone précise, etc. A contrario, Sushee a choisi de revenir à des sources plus old school en donnant assez rapidement accès à une bonne partie de la vaste zone de jeu de Goetia, le manoir, le village, la forêt et d’autres dont on ne vous gâchera pas la découverte. Ce qui offre au jeu un aspect exploration et découverte qui vient s’ajouter à la « simple » résolution d’énigmes, aspect qui est soit dit en passant éminemment satisfaisant. Cette carte, vous êtes libre de la visiter comme bon vous semble, en dehors des zones secrètes nécessitant de faire chauffer sa matière grise, évidemment. Vous serez d’autant plus libre qu’en tant que pur esprit, Abigail peut sans problème passer à travers n’importe quel mur, ou presque. À l’intérieur du manoir résident en effet quelques démons représentés par des barrières magiques, qu’il conviendra de neutraliser à l’aide d’un sceau afin de dégager progressivement divers secteurs de la bâtisse.

Passe-muraille sans poches

Si le pixel hunting n'est pas votre tasse de thé, la touche CTRL est votre amie.

Si le pixel hunting n’est pas votre tasse de thé, la touche CTRL est votre amie.

Hélas, l’inconvénient d’être un fantôme c’est que, contrairement au héros lambda de P’n’C, on ne dispose pas de poches magiques pour ranger son inventaire, hors de question dès lors de ramasser tout ce qui traîne pour plus tard. En revanche, Abigail peut posséder, au sens d’habiter et animer, certains objets pour les déplacer et opérer des interactions. MAIS… elle ne peut alors plus traverser les murs. Trouver comment trimbaler un item d’un endroit à un autre sera donc parfois un challenge en soit, sans même parler de savoir quoi en faire. Une première façon d’apprendre la patience et de comprendre que bien souvent, dans Goetia, les choses prennent leur temps pour se révéler.

Posséder un objet c'est une chose, reste à savoir quoi en faire.

Posséder un objet c’est une chose, reste à savoir quoi en faire.

Non linéaire et à l’occasion « plurisolvable », Goetia « ne prend pas le joueur par la main », pour citer mot à mot l’un de ses créateurs. Dès les premières minutes du jeu, vous aurez la possibilité de posséder certains objets et de vous creuser la tête pour en faire quelque chose. En vain, malgré vos grattages de crâne, il se peut que l’objet en question ne dévoile son utilité que bien plus tard, une fois certaines aptitudes ou conditions réunies. Ce qui ne vous laisse d’autres choix que de poursuivre l’exploration des lieux. Exploration méticuleuse, jamais laborieuse, mais un poil intimidante puisqu’il ne faudra pas chercher très loin avant de mette le nez sur de nombreux points d’intérêts et surtout d’arrêts. Si une partie des énigmes nécessitent un certain ordre d’accomplissement, parce qu’elles constituent des tournants majeurs de la progression, la plupart peuvent être résolues sans avoir à suivre un chemin unique et prédéterminé dont on ne peut s’éloigner. Bloqué au point X, par incompréhension ou faute d’un élément clef, libre à chacun de repartir au point Y, A, D, F… Tout dépend finalement de votre propre capacité à dénicher, interpréter et exploiter les indices.

« Ad Astra. Vers les étoiles ? »

Parfois, la solution est aussi évidente que bien cachée.

Parfois, la solution est aussi évidente que bien cachée.

Il y a, entre autres bien sûr, un peu de Myst dans Goetia, dans cette façon de lâcher le joueur dans un vaste environnement truffé de questions dont on a souvent la réponse juste sous le nez sans même le savoir. On lit beaucoup dans le jeu de Sushee, carnets de recherche, notes rapides, livres, lettres, commentaires pertinents ou non d’Abigail et même documents administratifs. Les indices se cachent partout, parfois même sur les murs, tellement en lumière qu’on ne les voit plus. S’il arrive que des points précis soient mis en évidence, par exemple via une annotation en rouge de l’auteur d’un compte rendu, de nombreux indices sont juste là, dans les pages d’un livre, sans mise en avant excessive. Il va sans dire que vos lectures servent également à dérouler l’histoire, permettant lentement à Abigail de comprendre ce qu’il est advenu de sa famille et découvrir les liens qu’elle entretient avec la Goetie, art occulte relatif à d’obscurs démons et autres réalités parallèles. Une histoire qu’il n’est d’ailleurs pas toujours aisée de suivre ; recomposer les nombreux fragments, quelquefois lus dans le désordre, peut facilement vous faire tourner un peu la tête, notamment lorsqu’il vous faudra vous remémorer la généalogie précise de la famille Blackwood.

Un peu tortionnaires mais pas totalement dénués de cœur, les développeurs de Goetia ont tout de même pourvu le joueur de deux assistants. Le premier est le codex qui regroupe, classés par lieux, l’ensemble des documents importants consultés, ce qui représente une sacrée masse. Le second est le journal d’Abigail où sont couchées ses pensées. Bon, certes, l’idée d’un fantôme qui tient un journal de bord fait un peu sourire au début. Ce journal, on l’utilisera non seulement pour garder le rail du scénario, mais aussi et surtout comme un appui dans la résolution des énigmes. Chaque entrée du journal étant classée, là aussi, par lieux, mais comprenant en sus des sortes de chapitres qui correspondent à des suites d’énigmes. Malgré tout, on ne saurait trop vous conseiller d’avoir sous la main, avant même de lancer le jeu, un bloc note et un crayon, ils deviendront vos meilleurs alliés.

Recompositions de codes, associations logiques, « chimie », puzzles, déchiffrages et transcriptions de symboles, énigmes musicales, réponses à taper au clavier, exploration, Goetia brasse et digère efficacement à peu près tout le panel de pièges de la discipline et les met au service d’une difficulté assez corsée. Pour autant, il se montre rarement frustrant (on pourrait citer deux ou trois énigmes un peu alambiquées), au contraire, la diversité des problèmes posés associée aux surprises réservées par le scénario et le level design le rendent addictif en diable, la curiosité l’emportant largement sur l’arrachage de cheveux. Et c’est un adepte du ragequit de prise de tête qui vous le dit. Une charpente solide qui bénéficie d’une direction artistique remarquable et d’une bande-son discrète, en léger décalage avec l’année 1940 (ambient rock pour reprendre la description officielle), qui ajoute à l’occasion au mysticisme de l’ambiance. En somme, difficile de ne pas recommander le titre aux fanas de point’n click en quête d’un challenge et d’une ambiance enivrante, un jeu qui rend au joueur ce petit frisson de fierté et d’accomplissement lorsqu’il résout une énigme et le gratifie de trouvailles inattendues.

La version actuellement disponible du jeu comprend une (voire deux) parois qu’il est possible de traverser avec un objet. Il s’agit bien d’un bug, avis aux plus curieux donc : ne tentez pas le diable, l’objet resterait coincé de l’autre côté. Le patch 1.1 devrait être mis en ligne rapidement, il corrigera le problème et replacera les éventuels items perdus à leur emplacement d’origine.

L'avis d'extralife
  1. Développeur : Sushee
  2. Genre : Aventure, Point'n Click
  3. Date de sortie : 14 avril 2016
  4. Supports : PC, Mac
  • logo_goetiaIl est vrai que l'on aurait pu souligner une poignée d'énigmes dont la résolution peut faire hausser un sourcil d'interrogation, ou s'attarder sur quelques textes un peu malhabiles, mais ce serait bouder son plaisir face à un point'n click intelligent, envoûtant et que l'on qualifiera peut-être plutôt d'exigeant que de difficile. Sa construction adroite et le fait qu'il n'oublie pas de récompenser régulièrement les méninges du joueur par une petite surprise font de Goetia un titre particulièrement addictif.
4
Dinowan

Blogueur beauté, Youtubeur megalol, Selfie addict, InstaFoodie

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